AZZIMAN/BARAKA: DEUX GRANDS COMMIS DE L’ETAT, DEUX STYLES DIFFÉRENTS
OMAR AZZIMAN POUR PARACHEVER L’OEUVRE DE BELFKIH - NIZAR BARAKA SUR LES PAS DE BENMOUSSA
Nizar Bakara et Omar Azziman ont le profil du job. Les deux hommes partagent la même détermination à servir l’Etat et le même engagement pour la chose publique. Leurs parcours différents en font à l’arrivée de grands commis
IL est temps de tirer des leçons pour envisager le nouveau temps du gouvernement Benkirane. «Le Maroc ne peut pas continuer avec un gouvernement tatillon, un gouvernement qui donne l’impression d’être incompétent», alertait déjà l’opposition. Une réalité ou une perception qui n’augure rien de rassurant, qui plus est, s’inscrit dans une conjoncture difficile. On a parlé d’absence de vision, de manque de courage et de problème de compétence. Car, en «annulant le programme d’urgence de rattrapage, en supprimant les classes d’excellence, en réduisant l’enseignement des langues… le gouvernement Benkirane est en train de détruire l’enseignement au Maroc» (voir l’Editorial de L’Economiste du 22 août 2013). Ça ne peut plus continuer. Et cela vaut pour tous les secteurs socio-économiques dont le gouvernement a en charge le pilotage. En tout cas, pour l’un d’entre eux, l’éducation et la formation, le Souverain a sifflé «la fin de la récréation», ce 20 août. Il faut «marquer une halte pour un examen de conscience objectif du secteur, permettant d’évaluer les réalisations et d’identifier les dysfonctionnements» (cf. L’Economiste du 22 août 2013). En cela, la nomination d’Omar Azziman, président délégué du Conseil supérieur de l’enseignement (CSE) tombe sous le sens. Elle concrétise la décision du Souverain de sortir cette institution de sa léthargie, depuis le décès d’Abdelaziz Meziane Belfkih en mai 2010. Il s’agit désormais de donner du contenu opérationnel sur le terrain du travail en profondeur réalisé par cette institution. Il s’agit désormais d’opérationnaliser le CSE dans sa version actuelle. Ce qui devrait être une formalité pour ce grand commis de l’Etat dont le sens du consensus masque la détermination d’un coureur de fond. Ses bons rapports de toujours avec tous les acteurs de la vie politique, mais surtout son éloignement de la vie politique publique n’ont en rien entamé ses convictions et aura. Son travail au sein de la Commission consultative de révision de la Constitution est marqué d’une pierre blanche. A l’entame déjà, il prédisait que «dans l’histoire moderne du Maroc, il y aura un avant et un après 2011». En effet, il fallait une grosse capacité de synthèse et un geste de neutralité pour aboutir à une solution équilibrée entre les partisans d’une révolution immédiate, massive (mouvement du 20 février né dans le sillage des Printemps arabes) et d’une évolution maîtrisée.
Au poste de président délégué du CSE, resté vacant depuis trois ans, on attend beaucoup de lui. Faire en sorte à ce que le gouvernement actuel mette en musique les acquis du secteur, tout en veillant, comme le recommande le Souverain, à ce que le secteur ne soit pas pris en otage par les politiques, «pas plus sa gestion ne doit être l’objet de surenchères et de rivalités politiciennes». Pour cela, remplacer Abdelaziz Meziane Belfkih par Omar Azziman, c’est s’inscrire dans les mêmes exigences. Prenez la personnalité de Abdelaziz Meziane Belfikih et son management des affaires publiques, retournez l’image du miroir, vous avez Omar Azziman. Humble, mesuré, réservé, nuancé, travailleur infatigable. Ceux qui l’ont côtoyé le décrivent comme un «ouvrier de la bonne gestion publique», mais passé maître depuis. Homme de convictions, de devoir et de principes, Omar Azziman a fait du chemin depuis le début de sa carrière professionnelle, commencée en 1972, comme professeur à la faculté de droit de Rabat. Il est dans son élément: l’enseignement et le droit. Il fait son entrée au gouvernement en 1993 comme ministre délégué chargé des Droits de l’homme, avant d’être nommé ministre de la Justice de 1997 à 2002. Date à laquelle il préside aux destinées du Conseil consultatif des droits de l’homme.
Depuis 1996, Azziman est responsable de la Chaire Unesco pour l’enseignement, la formation et la recherche en matière des droits de l’homme à l’université Mohammed V, et également membre de l’Académie du Royaume du Maroc. Nommé ambassadeur du Roi en Espagne en 2004, il a aussi occupé le poste de président délégué de la Fondation Hassan II des MRE, puis président de la Commission consultative de la régionalisation en 2010. Bien plus complexe que l’homme de droit qui a fait sa réputation dans le costume duquel il s’est fondu, ce natif de Tétouan en 1947 s’est imposé au fil des ans comme un grand commis de l’Etat, dévoué.
Le don et la baraka, dit-on
Lui, non plus, n’est pas de ceux qui prennent leur temps pour atteindre leurs objectifs. Entré dans la sphère de l’action politique (administrative) en rejoignant le ministère des Finances en 1996, après le passage presque obligé par la case université (il a enseigné à l’université Mohammed V Agdal entre 93 et 96), Nizar Baraka s’impose rapidement comme un technicien des finances et de la gestion publiques. Ses collègues du ministère, qu’il dirige encore pour évacuer les affaires courantes, disent de lui qu’«il a le don et la baraka». Preuve, il échappera aux stratagèmes de Hamid Chabat, visant à le punir pour avoir choisi son rival, Abdelouahed El Fassi, lors de l’élection pour le poste de secrétariat général du parti de l’Istiqlal dont il est membre depuis 1981. En tout cas, entre autres lectures des motivations réelles de Chabat de démissionner du gouvernement les ministres membres de son parti, il y a cette sorte de règlement de compte politique. C’est peu connaître Baraka. Il est comme guidé par sa bonne étoile. Le voilà nommé par le Souverain président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), une institution constitutionnelle. Il a pris du grade. Il remplace à ce poste un autre gros calibre, Chakib Benmoussa, nommé ambassadeur du Roi en France. Cela s’appelle marcher sur le pas de ses aînés.
FMI/BAM: Le couperet
Sous ses dehors grand réservé, ce bientôt quinquagénaire, natif de Rabat, apparaît déjà comme un vieux routier de la fonction publique. Nizar Baraka s’est, lui aussi, fondu dans le costume des grands commis de l’Etat marocain. Il a tout de suite imprimé sa marque au sein du ministère, en assumant plusieurs postes de responsabilité dont celui de directeur adjoint de la direction des études et des prévisions financières (DEPF). Une direction qui vaut passeport pour ceux qui veulent faire carrière dans les finances publiques. Mais il a fait ses vraies classes, en tant que ministre délégué aux Affaires économiques et générales, au mauvais moment. En 2007. Juste au moment où la stratégie de la compensation commençait à cristalliser tout le débat politique. Au fil des ans, la Caisse de compensation est devenue, en raison du montant des subventions, plus de 50 milliards de DH, le bouc émissaire du déficit public qui a culminé à 7,5% en 2012. Une tension sur les finances publiques telle que le FMI appelle désormais ouvertement à sa refonte prioritairement. Faute de quoi, l’institution remettrait en cause la facilité de caisse accordée au Royaume par le biais de la ligne de précaution, approuvée en août 2012, dont le montant des crédits est de 6,3 milliards de dollars. Le coup de grâce viendra de Bank Al-Maghrib. Dans son dernier rapport, son gouverneur, Abdellatif Jouhari, aura des mots crus, «ces réformes, aussi difficiles et impopulaires soient-elles, sont les seules à même de rétablir les équilibres macro-économiques» (cf. L’Economiste du 26 juillet 2013). Passage obligé, selon Jouahri, «pour rétablir la viabilité des finances publiques et relancer la croissance». Baraka a assumé, presque tout seul, ces foudres. Les mauvaises langues diront qu’il a laissé les finances publiques dans un sale état.
Il aura été le ministre le plus exposé du gouvernement Benkirane. Il dit assumer cette situation de fait. Nizar Baraka a toujours été pleinement en accord avec ses fonctions. Il le dit, sans en rajouter, «j’ai la passion de l’action publique et de la défense de l’intérêt général». Il sera servi à la tête du Conseil économique, social et environnemental qui contribue à mettre en place les instruments de bonne gouvernance. Pour un adepte de la transparence, c’est du pain béni.
SOURCE WEB Par Bachir THIAM
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