Comprendre l’escalade de la violence entre l’Iran et les Etats-Unis depuis 2018, en six points
Au fil des mois, les relations entre Téhéran et Washington n’ont cessé de se dégrader, jusqu’à la frappe ciblée qui a coûté la vie à Ghassem Soleimani, le chef de l’unité d’élite des gardiens de la révolution iraniens.
La tension entre Washington et Téhéran n’a cessé de monter depuis le retrait américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et le rétablissement des sanctions économiques. Au fil des mois, leur bras de fer diplomatique et économique s’est mué en épisodes de plus en plus violents, jusqu’à l’assassinat, ordonné par Donald Trump, du chef des forces spéciales des gardiens de la révolution iraniens, Ghassem Soleimani, jeudi 2 janvier. Retour sur un an et demi d’escalade.
1. Les Etats-Unis se retirent de l’accord
Alors que son prédécesseur, Barack Obama, avait tout fait pour améliorer les relations entre Washington et Téhéran, Donald Trump a sorti les Etats-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le 8 mai 2018. Ce compromis, signé difficilement trois ans plus tôt par l’Iran, la Russie, la Chine, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, visait à limiter le programme nucléaire de Téhéran, alors qu’ils soupçonnaient de vouloir développer la bombe atomique, en échange de la levée de sanctions économiques. Rendu possible par l’arrivée d’un président modéré en Iran, Hassan Rohani, l’accord était respecté par Téhéran, d’après l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
2. Les sanctions économiques frappent l’Iran
Malgré les rapports réguliers et positifs du gendarme du nucléaire, Donald Trump a rétabli de lourdes sanctions économiques à l’encontre de l’Iran. Passé une période transitoire de quatre-vingt-dix jours après le retrait de l’accord, un premier volet de sanctions économiques s’abat, en août 2018, sur les secteurs bancaires, des matières premières, de l’automobile et de l’aéronautique civil. En novembre de la même année, elles se sont étendues aux secteurs pétrolier et gazier ainsi qu’à la banque centrale iranienne. La valeur du rial, la monnaie nationale, a été divisée par trois, voire par quatre en quelques mois. Les mains tendues des Européens, soucieux de conserver l’accord, ne sont pas parvenues à compenser le désarroi du pays, au bord de l’asphyxie.
3. L’Iran viole l’accord de Vienne
Acculé, l’Iran a annoncé qu’il ne respecterait plus l’accord de Vienne. Progressivement, le pays commence à ne plus respecter les dispositions de l’accord – sans pour autant le dénoncer officiellement. Un mois après le retrait des Etats-Unis, Téhéran annonce d’abord son plan pour accroître le nombre de ses centrifugeuses – permettant d’augmenter son stock d’uranium enrichi. En juillet 2019, les autorités iraniennes ont annoncé reprendre l’enrichissement d’uranium au-delà du taux autorisé de 3,67 % – jusqu’à 4,5 %, un niveau cependant loin des 90 % nécessaires pour envisager la fabrication d’une bombe atomique.
Décryptage : Nucléaire iranien : pourquoi l’accord prévoit-il un seuil maximal d’enrichissement de l’uranium ?
Puis, elles ont reconnu que leur stock d’uranium faiblement enrichi dépassait les 300 kg autorisés. Ces violations mineures, mais répétées, de l’accord ne sont pas analysées par les experts comme une réelle reprise d’un programme nucléaire militaire, mais comme un « appel au secours à ses partenaires ».
Analyse : La stratégie du dérapage contrôlé de l’Iran sur le nucléaire
4. Le pétrole, au cœur de la guerre économique
Afin de survivre économiquement, l’Iran a aussi entrepris de contourner le blocus imposé par Washington sur ses exportations de pétrole – des sanctions encore durcies en mai 2019 par Donald Trump. Les transporteurs iraniens ont immatriculé leurs navires à l’étranger et dès octobre 2018, ses navires-citernes ont coupé leurs balises GPS afin de masquer leurs mouvements.
Puis les incidents de navires pétroliers se sont multipliés. En juin, deux navires norvégien et japonais ont été la cible d’une attaque indéterminée que les Etats-Unis ont imputée à l’Iran. Au début de juillet, les autorités britanniques ont saisi le pétrolier iranien Grace 1 au large de Gibraltar, accusé de vouloir livrer la Syrie, soumise à un embargo. En réponse, les gardiens de la révolution islamique ont arraisonné un pétrolier suédois, puis saisi un navire sous pavillon britannique.
5. Eté 2019 : la guerre des drones
Durant l’été, le climat s’est tendu dans l’espace maritime, mais aussi aérien. Le 20 juin, les autorités iraniennes ont abattu un drone américain qui, selon elles, violait leur espace aérien. En représailles, le président américain a ordonné des tirs ciblés, avant de se raviser « dix minutes avant la frappe ». Un mois plus tard, les Etats-Unis ont assuré avoir abattu un drone iranien qui se serait trop approché d’un navire américain dans le détroit d’Ormuz, alors que Téhéran affirmait que tous ses drones étaient rentrés.
La tension est encore montée d’un cran à la mi-septembre à la suite de l’attaque de deux infrastructures du secteur pétrolier saoudien, l’usine d’Abqaïq et le champ de Khouraïs. La capacité de production d’Aramco, la société du royaume saoudien, allié des Etats-Unis, avait été divisée par deux à cause de cet événement. Les Etats-Unis ont rapidement accusé Téhéran, suivis quelques jours plus tard par Paris, Berlin et Londres.
6. Les frappes aériennes
Après cette attaque, les événements violents se sont accélérés. En novembre, Israël a bombardé des sites iraniens en Syrie. Puis, à la fin de décembre, les Etats-Unis ont lancé des raids aériens, tuant vingt-cinq personnes du mouvement proche du Hezbollah pro-iranien en Irak et en Syrie. Deux jours plus tard, des milliers de partisans du Hachd Al-Chaabi, une coalition de milices chiites pro-iraniennes, ont forcé l’entrée de l’ambassade américaine en Irak. Jusqu’au 2 janvier, où Donald Trump a ordonné la frappe qui a coûté la vie au chef des Forces Al-Qods, Ghassem Soleimani, renforçant encore les craintes que cette escalade ne se transforme en confrontation militaire directe entre les deux pays ennemis.
Notre sélection d’articles sur l’escalade des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran
- Chronologie : Comprendre l’escalade de la violence entre l’Iran et les Etats-Unis depuis 2018, en six points
- Portrait : Le général Soleimani, tué par les Etats-Unis, était l’architecte de la puissance iranienne
- Vu d’Iran : Après l’assassinat de Ghassem Soleimani par les Etats-Unis, les factions du régime iranien font bloc
- Vu des Etats-Unis : En donnant l’ordre de tuer Ghassem Soleimani, Donald Trump choisit l’escalade face à l’Iran
- Analyse : Après la frappe américaine contre le général Soleimani, les craintes d’une plongée dans une nouvelle guerre
Le 13 janvier 2020
Source web Par Aujourd'hui Le Maroc
Les tags en relation
Les articles en relation
Quand Donald Trump donnait l'ordre de tuer le président syrien Bachar al-Assad
Les 448 pages du livre « Fear: Trump in the White House » du journaliste Bob Woodward décrivent une Maison-Blanche en plein chaos. A en croire le récit d...
#MAROC #USA_TRUMP_BIDEN_TRANSITION: Trump accepte la transition vers une présidence Biden
Donald Trump a finalement donné lundi soir son feu vert au processus de transfert du pouvoir à Joe Biden, qui avait commencé, sans l'attendre, à dessine...
Robert Redford: “C’est un grand honneur d’être invité à Marrakech”
Rabat – le 24 octobre 2019. Le Festival International du Film de Marrakech a le grand honneur d’accueillir le cinéaste Robert Redford. Le réalisateur, pro...
#MAROC_MOHAMMEDVI_TRUMP_DECORATION: Le Roi Mohammed VI décore Donald Trump de la plus haute distinc
Lors d’une cérémonie privée au bureau ovale, la princesse Lalla Joumala Alaoui, ambassadrice du royaume aux États-Unis, a remis à Donald Trump l’Ouissa...
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès
Nombreux hommages à l'ex-président américain Georges H.W. Bush après son décès Du monde de la politique à celui des affaires en passant par Hollyw...
Trump prépare un « arrangement » Ukraine-Russie : quelles implications pour la diplomatie mondial
L’équipe de Donald Trump s’engage à collaborer avec l’administration Biden pour œuvrer à une solution diplomatique dans le conflit russo-ukrainien, al...
Le graphique boursier le plus effrayant du monde
A l’aide d’un graphique, l’équipe de Société Générale pointe une anomalie dans le marché de la dette d’entreprises qui pourrait provoquer la proch...
Le FMI demande aux Etats de se préparer au pire
La récession n’est pas à l’ordre du jour, mais le ralentissement de l’économie mondiale est plus vif qu’anticipé. Le Fonds monétaire international ...
Transférer l'ambassade américaine à Jérusalem serait "extrêmement lourd de conséquences" (Ayra
Le projet du président élu américain Donald Trump de transférer l'ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem pourrait être "extrêmemen...
Cessez-le-feu en Syrie : Erdogan remporte la mise aux dépens des Kurdes
La Turquie, qui a accepté jeudi de suspendre son offensive dans le nord-est de la Syrie et d'y mettre fin définitivement si les forces kurdes s'en ret...
La Chine de Xi Jinping attend Trump de pied ferme
Sur le front diplomatique, Pékin s'attend à un long bras de fer avec le nouveau président américain. Quitte à se lancer dans une guerre commerciale ? ...
Trump appelle à une enquête « transparente » au Liban
Le président américain Donald Trump a exhorté dimanche le gouvernement libanais à mener une enquête « complète et transparente » sur l’explosion qui a...