Algérie: A quoi faut-il s’attendre après la mort de Gaid Salah?
Ahmed Gaid Salah, celui qui a été qualifié de nouvel homme fort de l’Algérie après le départ de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, est décédé ce lundi des suites d’un arrêt cardiaque. Sa mort intervient tout juste après l’élection du nouveau président Abdelmadjid Tebboune. La disparition de cette grande figure de l’armée algérienne va-t-elle changer quelque chose dans le paysage politique du pays ? Le corps de l’armée va-t-il connaître des changements?
Pour répondre à ces questions, Hespress FR a contacté Tajeddine El Hussaini, professeur en Relations Internationales afin d’analyser l’après Gaid Salah.
Décédé à 79 ans, seulement quatre jours après l’investiture d’Abdelmadjid Tebboune en tant que nouveau président de la République, Ahmed Gaid Salah aura marqué son pays par sa présence continue depuis 1962, année de l’indépendance de l’Algérie de la colonisation française. Grimpant les échelons du pouvoir au sein de l’institution militaire, Ahmed Gaid Salah aura intégré à 17 ans, l’Armée de libération nationale (ALN), cette même institution dont tous les dirigeants du pays tirent leur légitimité. Il était l’un des derniers représentants de cette génération qui aura libéré le pays du colonialisme.
En 2004, Abdelaziz Bouteflika l’avait nommé chef d’état-major de l’armée et depuis, il a été l’un de ses fervents défenseurs avant de lui tourner le dos en avril pour le pousser à la démission sur fonds de grogne sociale contestant un 5ème mandat d’un président absent de la scène politique depuis de nombreuses années.
Depuis l’éviction de l’ancien président qui avait pris ses quartiers au Palais Mouradia depuis 20 ans, c’est Ahmed Gaid Salah, qui jouissait également du titre de vice-ministre de la Défense, qui a été projeté aux devants de la scène face à un mouvement de contestation grandissant semant la peur dans les rangs du pouvoir.
L’après Gaid Salah
« A mon avis, la mort de Gaid Salah ne pourra pas changer grand chose dans la position de l’institution militaire en tant que principal décideur » dans la vie politique du pays, estime d’emblée Tajeddine El Hussaini, pour qui « le nouveau président Abdelmadjid Tebboune est déjà installé, et l’institution militaire en tout état de cause doit suivre le même chemin«.
Et puis, dit-il, la position de Gaid Salah concernant tous les événements en Algérie n’est pas une décision qui émane de lui seul, « ce n’est pas une décision unilatérale«.
Pour l’expert en relations internationales, les décisions en Algérie sont prises dans le cadre d’une institution qui est installée en Algérie depuis l’indépendance de ce pays en 1962 et cette façon de faire ne risque pas changer de sitôt. « On sait qu’après l’installation au pouvoir de Ahmed Ben Bella (premier président de l’Algérie indépendante de 1962 à 1965, ndlr), il y a eu l’intervention de Houari Boumediène juste après qui a réussi à faire un coup d’Etat, ce qui a prouvé que c’est la junte militaire en Algérie qui contrôle la vie politique depuis cette date« , a-t-il fait remarquer.
« La constitution de 1988 ainsi que l’arrivée au pouvoir du FIS (Front islamique du salut, ndlr) en 1991 a été un tournant dans la vie politique en Algérie, malheureusement l’échec de cette tentative aussi encore une fois par les militaires, a fait tomber l’Algérie dans une décennie de catastrophes, de tragiques événements, une guerre civile qui a fait plus de 200.000 victimes« , a analysé l’universitaire, soulignant que cet événement tragique, est une nouvelle preuve de l’implication constante de l’armée dans la politique en Algérie.
« L’institution militaire algérienne a prouvé depuis toujours qu’elle est basée sur des structures permanentes et des piliers essentiels pour sauvegarder sa présence et sa domination du système politique et je ne pense pas que c’est la mort de Gaid Salah qui va changer cette donne«, estime encore notre interlocuteur.
Son remplacement
D’ailleurs, à peine a-t-on appris pour le décès du général, que le nouveau président de la République Abdelmadjid Tebboune a annoncé son remplacement au niveau de l’état major de l’Armée nationale populaire (ANP) par le général-major, par ailleurs commandant des forces terrestres, Said Chengriha, un homme qui a fait toute sa carrière militaire dans l’Ouest, vers les frontières avec le Maroc.
La question qui se pose actuellement est s’il y a actuellement un nouveau général qui pourrait bénéficier du même crédit que celui qui a battu le record de longévité au poste de chef d’état-major de l’armée qu’il occupait depuis 2004. Il faut le dire, depuis le début de la crise en février, Gaid Salah s’était imposé comme le « nouvel homme fort » d’Algérie, laissant croire que c’est lui qui tenait les rênes du pouvoir en l’absence d’une figure de président.
« On sait bien que Gaid Salah, avec tout ce qu’il a fait, ce n’était pas lui le réel décideur sur le plan militaire, lui c’était presque un porte-parole« , a estimé le politologue, connaisseur de l’Algérie, faisant remarquer que même les discours qu’il donnait devant les militaires étaient préparés par les principaux généraux du pays.
« Il avait 84 ans, il était fatigué, et il n’avait pas la possibilité de continuer dans l’éternité. Maintenant, la question qui se pose c’est celui qui prendra la relève, est-ce qu’il aura la possibilité de changer quelque chose par rapport à l’événement d’aujourd’hui. Je ne pense pas« , a conclu Tajeddine El Hussaini.
Le 24/12/2019
Source web Par hespress
Les tags en relation
Les articles en relation
Abdelaziz Bouteflika, une fin sans gloire
Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, a dirigé l’Algérie pendant vingt ans. Il détient le record de longévité à la tête de l’État algérien. Il vient de dé...
Un magazine politique américain se demande si l’Algérie peut encore être sauvée de la faillite
Nouveau cri d’alerte, un de plus, à propos de la situation en Algérie. Celui que vient de lancer le magazine américain en ligne, International Policy Diges...
#MAROC_France_Algérie: Macron reçoit les propositions Stora pour une réconciliation mémorielle
L'historien français Benjamin Stora remet ce mercredi à Emmanuel Macron son très attendu rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie (1954-19...
France-Algérie : La Visite de Tebboune à Paris fixée au 16 juin prochain
Depuis que le président français avait adressé, publiquement, une invitation à son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, de se rendre à Paris, jamais ...
Algérie : le président, Abdelaziz Bouteflika, va démissionner avant le 28 avril, annonce l'agence
Le 11 mars, il avait renoncé à participer aux prochaines élections présidentielles, mais avait reporté celles-ci à une date indéterminée, ce qui n'a...
Sahara : Staffan de Mistura reçu à Alger
Après le Maroc, l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental est arrivé, ce mercredi, à Alger. Staffan de Mis...
Sahara marocain : La grande hésitation française !
A voir le flou artistique qui règne sur les raisons qui empêchent la France de reconnaître la marocanité du Sahara, les circonvolutions diplomatiques pour j...
Sahara : « Pedro Sanchez a renoncé » à soutenir le Maroc, se félicite l’Algérie
«Pedro Sanchez a renoncé» à son appui au plan marocain d’autonomie au Sahara occidental. C’est en tout cas l'étonnante version donnée par le minis...
Polémique sur l’AMDH : Appels à sa Dissolution après ses Déclarations
La récente déclaration d’Aziz Ghali, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), opposant la marocanité du Sahara, a suscité une vi...
Algérie : Le silence marocain à l’égard du Hirak sera-t-il apprécié par Tebboune et l’armé
Depuis le 22 février, le Maroc a observé le silence à l’égard des marches du Hirak algérien. Une ligne de conduite officialisée le 16 mars. Néanmoins, ...
Pourquoi le Maroc doit revendiquer le Touat, Tidikelt, Gourara, Saoura , Bechar et Tindouf….
Le temps des révélations historiques et des documents juridiques resurgit et comme par enchantement semble reprendre le dessus dans cette affaire du Sahara ma...
Algérie : le Conseil constitutionnel estime qu'il est "impossible" d'organiser la présidentielle p
La haute juridiction ne fournit de nouvelle date pour la tenue de ce scrutin, selon la télévision nationale. Le Conseil constitutionnel algérien estime qu...