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Le prix Nobel de chimie récompense trois chercheurs pour leurs travaux sur les batteries au lithium

Le prix Nobel de chimie récompense trois chercheurs pour leurs travaux sur les batteries au lithium

Deux Américains et un Japonais ont été récompensés pour la mise au point de batteries qui, depuis le début des années 1990, ont envahi l’électronique portable et même l’automobile.

Les trois lauréats du prix Nobel de chimie apparaissent sur un écran lors de la conférence de presse de l’Académie royale des sciences de Suède, à Stockholm, le 9 octobre.

Les trois lauréats du prix Nobel de chimie apparaissent sur un écran lors de la conférence de presse de l’Académie royale des sciences de Suède, à Stockholm, le 9 octobre. TT NEWS AGENCY / REUTERS

L’académie suédoise s’est amusée d’avoir battu un record, en attribuant mercredi 9 octobre son prix Nobel de chimie à l’Américain John Goodenough, né en Allemagne en 1922 : il devient son plus vieux lauréat. Mais le plus important est la nature de la contribution récompensée, la batterie lithium-ion, qui est désormais partout puisqu’elle alimente les téléphones et ordinateurs portables, les appareils photos, les baladeurs ou même les véhicules électriques… « C’est l’une des grandes avancées du siècle dernier avec le transistor ou la fibre optique », salue Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France, pionnier de ce type de batteries.

L’invention, pour la première fois commercialisée par Sony en 1991, a été longue à mettre au point. Et le jury a récompensé trois acteurs-clés de ce développement. Par ordre chronologique d’intervention dans cette histoire, l’Anglo-Américain Stanley Whittingham, né en 1941, de l’université Binghamton (Etat de New York), puis John Goodenough, de l’université Austin au Texas et enfin le Japonais Akira Yoshino, né en 1948, de l’entreprise Asahi Kasei Corporation et de l’université Meijo à Nagoya.

Tous les trois ont permis, grâce à la chimie, de concentrer un maximum d’électrons dans des matériaux de façon réversible, afin de les libérer à la demande. Pour l’essentiel, ces électrons sont arrachés du lithium, un métal très léger, ce qui permet d’en concentrer beaucoup dans un minimum de place.

Potentiel multiplié par trois

Au milieu des années 1970, en pleine crise pétrolière, les batteries contiennent peu d’énergie et sont composées de deux électrodes plongées dans une solution aqueuse, qui se dégrade vite et limite leur performance. Stanley Whittingham réalise qu’un nouveau matériau feuilleté à base de lithium, de titane et de soufre, peut changer la donne en servant d’éponge à lithium à une des deux polarités de la pile. Tandis que les électrons foncent dans les fils électriques, le lithium dénudé d’un de ses électrons passe d’une électrode à l’autre dans un électrolyte sans eau. Le potentiel de cette première pile est multiplié par trois !

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Puis, en 1980, John Goodenough améliore cette électrode en utilisant un oxyde de lithium et cobalt. Presque une amélioration du double, qui vient de la modification des niveaux d’énergie des électrons dans le matériau.

Mais comme un cœur, une batterie a deux ventricules, les fameuses électrodes : celle où arrivent les électrons pendant une décharge et celle d’où ils partent. Si la première, appelée cathode, a été améliorée par les deux premiers lauréats, la seconde, l’anode, l’a été par le troisième, Akira Yoshino. En 1985 il remplace le lithium métallique utilisé jusqu’alors par un matériau à base de carbone en feuillet, un cousin du graphite. L’idée évite un problème de ces batteries, à savoir l’accumulation de lithium sur l’électrode, qui forme des petites branches, au point de court-circuiter la pile.

    « Il y a polémique. L’histoire est compliquée car beaucoup de gens ont fait de la chimie avec le graphite », affirme un chimiste

L’entreprise du lauréat sera doublée de quelques mois par Sony pour la première commercialisation en 1991. En 2014 un autre jury, celui du prix Draper, décerné par l’Académie nationale d’ingénierie américaine, avait d’ailleurs récompensé en plus d’Akira Yoshino, un de ses compatriotes, Yoshio Nishi, son concurrent chez Sony. Ce palmarès, qui avait omis Whittingham, avait en outre distingué un Franco-Marocain, Rachid Yazami, à qui le jury attribuait l’invention de la fameuse anode en graphite. Ce dernier, sibyllin, se dit « surpris » par ce choix du comité Nobel. « Il a couronné deux cathodes (Goodenough et Whittigham) et celui qui a réalisé le premier prototype qui fonctionne (Yoshino) et a oublié qu’une batterie a besoin d’une anode qui marche », sous-entendu la sienne. « Il y a polémique. L’histoire est compliquée car beaucoup de gens ont fait de la chimie avec le graphite. C’est délicat d’en parler », estime un chimiste.

Recettes jalousement gardées

Pour l’anecdote, la première batterie de Sony ne contenait en fait pas de graphite mais un composé carboné, dérivé de pétrole. Et aujourd’hui les fabricants gardent jalousement leurs recettes à base de graphite, de noir de carbone, de carbone désordonné et de divers additifs, qui ont permis de doubler les concentrations en énergie des batteries lithium-ion.

En outre, souligne Christian Masquelier, professeur à l’université Jules-Verne d’Amiens, « le lithium métallique n’est pas abandonné. Il sert dans les batteries de certains véhicules électriques, comme les Blue car ou Blue bus de l’entreprise Bolloré ». « J’observe même depuis deux ans un engouement pour ces systèmes utilisant du lithium métallique, note Dominique Guyomard, directeur de recherche CNRS à Nantes et qui collabore avec le groupe Bolloré. Tous les industriels s’y mettent. Il faut dire qu’il y a dix fois plus d’électrons par gramme d’électrode avec les anodes métalliques. »

Les chimistes n’en ont donc pas fini avec ces batteries. Il faut par exemple encore augmenter leur capacité sans nuire à la sécurité. En effet, à force de charge et de décharge, l’électrolyte qui sépare les deux électrodes peut se dégrader, conduisant à des dégagements gazeux et donc à des explosions ou des inflammations. Christian Masquelier possède aussi des brevets avec John Goodenough pour des électrodes plus efficaces contenant du fer et du phosphore.

Le cobalt, rare et cher, pourrait aussi être remplacé par du nickel plus disponible. Le sodium pourrait même évincer le lithium. Sans compter qu’il faut aussi songer au recyclage de tous ces matériaux et produits. « Ces recheches sont toujours très actives », conclut Jean-Marie Tarascon. Y compris pour les vétérans John Goodenough et Stanley Whittingham, qui continuent de publier et d’assister à des conférences. Ce dernier était d’ailleurs le 9 octobre, jour de l’annonce, à la tribune de la douzième conférence sur l’Advanced lithium batteries for automobile applications à Ulm en Allemagne, où il a été « énergétiquement » applaudi.

Le 12 Octobre 2019        

Source web Par Le Monde

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