Pétrole et gaz : une catastrophe écologique annoncée dans la région des Grands Lacs africains
Il faut sauver le bassin des Grands Lacs africains menacé par les explorations pétrolières et gazières qui s’y développent. Les défenseurs de l'environnement tirent la sonnette d’alarme.
Premiers essais de torchage sur le puit de Waranga dans l'Ouest de l'Ouganda, le 28 juin 2006. Nous sommes dans la vallée du Rift.
Premiers essais de torchage sur le puit de Waranga dans l'Ouest de l'Ouganda, le 28 juin 2006. Nous sommes dans la vallée du Rift. (HANDOUT . / X80001)
Rien que dans la zone du Lac Albert, qui délimite une partie de la frontière entre l’Ouganda et la RDC, les compagnies pétrolières prévoient de forer plus de 400 puits avec l’objectif de produire 200 000 barils par jour dès 2020. Un méga projet pétrolier aux graves conséquences pour les six millions d’habitants de cette région qui vivent de l’agriculture et de la pêche.
"Des dizaines de milliers d’habitants vont être expulsés de leurs terres et expropriés pour laisser la place aux infrastructures du projet, notamment une usine de traitement de Total, plusieurs oléoducs dont un qui traversera tout l'Ouganda et la Tanzanie, et une raffinerie construite par le gouvernement", explique à franceinfo Afrique Juliette Renaud, chargée de plaidoyer pour l’ONG Les Amis de la Terre qui a mené une enquête dans la région avec ses partenaires ougandais.
Une biodiversité et un écosystème sans pareil
Le lac Albert est très connu pour sa biodiversité. Avec une superficie de 5300 km², c’est l’un des plus riches en poissons du monde. Plus de 50% d’oiseaux du continent africain y sont représentés, ainsi que 39% des espèces de mammifères vivant en Afrique. Les réserves de pétrole du bassin du Lac sont évaluées à au moins 1,7 milliard de barils.
"Même les populations qui ne seront pas expropriées dans les environs du lac seront directement impactées par la pollution générée par l’activité pétrolière : pollution de l’air, des sols et de l’eau, inévitables dans le cadre de tels projets", déplore Juliette Renaud
Les experts ne cessent de tirer la sonnette d'alarme : les conséquences d’une marée noire dans la zone du lac Albert seraient catastrophiques. C’est dans cette région, qui abrite également le lac Tanganyika, le lac Victoria et le lac Kivu, notamment, que se trouve la source du Nil. Tous les pays qui se partagent le Nil seraient donc affectés, jusqu’à l’Egypte, préviennent-ils.
"Le Lac Albert est bien sûr concerné, mais aussi le Nil. Puisque nous sommes sur un des points de source du Nil avec tout un réseau d’oléoducs prévus qui doivent passer sous le Nil. Des possibilités de forages horizontaux sont aussi prévues sous le Lac Albert avec de grands risques de contamination de l’eau", explique Juliette Renaud à franceinfo Afrique.
Juliette Renaud est chargée de plaidoyer pour l'ONG Les Amis de la Terre. (Photo/Les Amis de la terre)
La malédiction des ressources naturelles
Le lac Tanganyika, qui détient un cinquième des réserves d’eau douce de la planète, ne sera pas épargné par cette catastrophe écologique annoncée. Dans une lettre parue dans la revue Museum de l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique, 70 scientifiques rappellent que sous le lac Tanganyika se trouvent d’importantes réserves de gaz et de pétrole qui ont été explorées en toute discrétion ces dernières années. Ils redoutent une explosion de violences aux conséquences redoutables dans toute la région.
La concurrence pour accéder à ces réserves de combustibles fossiles pourrait mener à des sabotages comme cela a été le cas pour l'exploitation pétrolière dans le delta du fleuve Niger, détruit par des années de marées noiresLettre signée par 70 scientifiquesparue dans la revue"Museum"
De quoi inquiéter les défenseurs de l’environnement qui ont assisté, impuissants, à la descente aux enfers pour des millions de Nigérians qui en ont payé le prix fort. Des fuites de pétrole pourraient détruire l’écosystème entier, perturber la pêche et la sécurité alimentaire, polluer l’eau potable et mettre en danger la santé des riverains du lac Tanganyika. Les populations ne veulent pas que cette malédiction des ressources naturelles s’abatte sur elles.
La manne pétrolière n'arrive jamais aux populations qui souffrent des impacts de l'exploitation sans en tirer le moindre bénéficeJuliette renaud, chargée de plaidoyer pour l'ONG Les Amis de la Terreà franceinfo Afrique
L’enquête réalisée par l’ONG Les Amis de la Terre sur les projets de la compagnie française Total aux abords du lac Albert a révélé que la prospection pétrolière dans la région se fait dans des conditions souvent opaques. Les informations sont données au compte-gouttes. "Rien n’a été révélé sur les conditions économiques et fiscales attachées à ce projet. Pour l'instant, aucune donnée concrète n’a filtré sur le partage des bénéfices entre les entreprises et l’Etat", déplore Juliette Renaud.
Les experts sont aujourd'hui unanimes : il faudrait des millénaires à la région des Grands Lacs africains pour se remettre d’une catastrophe pétrolière.
Le 09/07/2019
Source web Par Francetvinfo
Les tags en relation
Les articles en relation
Rejet des eaux contaminées de Fukushima : quels sont les risques pour la santé ?
Le rejet des eaux contaminées de Fukushima dans le Pacifique devrait débuter ce 23 août, si la météo est favorable. La communauté internationale a exprim�...
Pierre Rabhi : "Cultiver son jardin est un acte de légitime résistance"
A 79 ans, Pierre Rabhi est plus remonté que jamais contre le saccage de l’environnement par la société de consommation à outrance. "Il y a le feu et il fa...
Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts
La Convention internationale sur les zones humides a averti jeudi que ces écosystèmes, parmi les plus riches du monde pour leur biodiversité, disparaissaient...
Sommet sur la biodiversité : "En un demi-siècle, l’humanité a détruit ce que la planète Terre
La 7e conférence de l'Ipbes, surnommée le Giec de la biodiversité, s'ouvre lundi à Paris. Les scientifiques et représentants de 132 pays vont négo...
19e Moussem des Dattes de Taghjijt : Promouvoir les Énergies Renouvelables pour Sauvegarder l'Écos
La 19e édition du Moussem national des dattes de Taghjijt se tiendra du 7 au 10 novembre, à 80 km de Guelmim, sous le thème «?L’exploitation des énergies...
Costa Rica, pays 100% vert
Le Costa Rica, ce petit pays d’Amérique Centrale, qui est déjà en tête des pionniers de l’écologie, vient de dire adieu au plastique et aux émissions ...
Conférence mondiale "Notre océan" : Plus de 10 milliards de dollars investis pour la protection de
Lors de la neuvième conférence mondiale "Notre océan" qui s'est tenue à Athènes, en Grèce, des engagements dépassant 10 milliards de dollars ont ét�...
Déforestation record en 2018 : nous avons perdu 12 millions d’hectares de forêts tropicales
BIODIVERSITE : Tous les ans, nous perdons des forêts qui sont équivalentes à la surface de la Grèce. Et la déforestation en 2018 aurait battu des record...
La SAPST s'engage dans la préservation de l'arganier avec l'inauguration du centre Targant
À l'occasion de la Journée mondiale de l'arganier, célébrée le 10 mai de chaque année, la Société d'Aménagement et de Promotion de la Stati...
Pour sauver les abeilles, l’Angleterre va arrêter de tondre les bords des routes
Grâce au travail d’une association, la tondeuse ne passera que deux fois par an au lieu de quatre. Le but : laisser les plantes grandir pour que les abeilles...
Signature du quatrième plan d’action Maroc-États-Unis 2024-2027 pour l'environnement et le déve
Mercredi à Rabat, le Maroc et les États-Unis ont franchi un nouveau jalon dans leur coopération en signant le quatrième plan d’action de coopération 2024...
Les oasis à l'épreuve du réchauffement climatique
Ces zones de végétation isolées devraient connaître une nette diminution des disponibilités en eau dans le futur Comme tout sur notre chère planète Te...