LES CAHIERS CDS DU TOURISME (IV)
Les ailes brisées de l’aérien
Il y a quelques jours, le PDG de la RAM défendait sa compagnie devant le Parlement et, partant, le mode de gouvernance adopté lui ayant permis de subir la tempête sans trop de dégâts : grève des pilotes, croissance des réclamations, etc. Au moment où le ministre du tourisme qui assistait à la défense soliloque de Hamid Addou, se complaisait dans l’énumération du nombre des compagnies low cost dans le ciel marocain. Deux poids, deux mesures.
Au risque de se retrouver en mauvaise posture face à la concurrence montante de compagnies africaines et l’agressivité des Turcs, la RAM a besoin plus que jamais d’un contrat-programme de développement susceptible de la rendre plus compétitive et, du même coup, donner un souffle nouveau au transport aérien international et au transport domestique. En effet, on se pose des questions quant au contrat programme qui n’est toujours pas signé : on veut doubler la taille de la RAM d’ici l’année prochaine, en 2020.
Quand on regarde l’activité aérienne sur le Maroc, 90 % du trafic est, selon Said Mouhid, moyen-courrier, 80 % sur l’Europe, le Maghreb 4,5 %, l’Afrique 6 %. Dans les projections financières et dans l’équipement de la compagnie, il faudrait prendre en compte ces données. C’est sur le moyen-courrier que nous avons le plus grand potentiel de développement, le long-courrier c’est une stratégie de Hub. Il faudrait donc que l’équipement de la compagnie soit cohérent avec le potentiel.
Autre problématique: comment au niveau des régions développer le secteur aérien et domestique, et en faire un véritable levier au niveau du Tourisme ? Qu’en est-il maintenant de l’avenir ? Quelle prochaine phase ? Comment passer le palier de 20 millions de passagers à 30 millions ?
C’est une question clef qui constitue un vrai challenge de politique sectorielle du Ministère du Tourisme et du Transport Aérien.
C’est la question qui doit interpeller acteurs privés et publics : avec quelle politique, quels outils et quels leviers peut-on atteindre cette hausse de 50% de trafic ? A ce niveau-là, il est indispensable d’avoir une véritable réflexion déclinée grâce à une feuille de route au niveau du Ministère du Transport Aérien et de la Direction Générale de l’aviation civile pour arrêter et établir une stratégie du transport aérien international et national commune avec les acteurs du public et du privé. La compagnie nationale devrait participer davantage à l’activité touristique.
Plus d’éclairages dans l’excellente intervention de Karim Baina, spécialiste de l’aérien et contributeur aux propositions de la feuille de route (volet de l’aérien) élaborée par le Comité des Experts.
« Il y avait 120 routes aériennes en 2006, nous sommes aujourd’hui à plus de 360. Ceci a augmenté de façon considérable la connectivité, l’accessibilité et avec l’Open Sky, l’arrivée de compagnies low cost qui ont contribué fortement à baisser les prix des billets. Il faut savoir qu’avec la signature de l’accord Open Sky et l’arrivée de compagnies low cost, on réalise une baisse des prix entre 25 et 35%. Donc :
1- Fréquence en hausse,
2– Accessibilité renforcée,
3- Tarifs abordables.
Cela permet de mieux « valoriser et vendre » la destination Maroc à l’étranger pour tous les touristes qui souhaitent visiter le Maroc.
L’Open Sky a permis également un doublement du trafic aérien de 2008 à fin 2017, on est passé de 9 millions à 20,4 millions. Cette forte croissance a été accompagnée par l’arrivée massive des compagnies low cost essentiellement les plus importantes comme Ryanair, Easy Jet, Vueling et Transavia qui détiennent aujourd’hui une part de marché sur l’ensemble du trafic marocain de 42%, sachant que la Royal Air Maroc a une part de marché de 42% également. Comme cela a été dit l’évolution en termes de croissance de la RAM est significative: on comptait quelques 5 millions de passagers en 2008, une décennie plus tard on en compte 8 millions.
Les compagnies low cost qui ont commencé aux alentours de 2 millions de passagers en 2008 atteignent maintenant près de 7,8 millions si on fait un cumul sur ces 8 dernières années, les compagnies low cost ont comptabilisé 54 millions d’arrivées de 2008 à 2017, une véritable injection de clientèle nouvelle et de clientèle de substitution.
C’est le premier constat que je ferais par rapport à cette première phase.
Les compagnies low cost représentent comme mentionné 42% de cette activité et ainsi densifier davantage leur activité par l’ouverture de nouvelles routes et augmenter également les fréquences des routes existantes.
Si on prend comme référence les cinq dernières années d’activité de ces compagnies low cost sur le Maroc, on observe et analyse qu’elle se sont essentiellement développées avec deux types de passagers : les touristes et les Marocains Résidents à l’Étranger (MRE), ce qui a permis aux compagnies de travailler dans un Écosystème confortable et stable, relativement sans risque.
Aujourd’hui la politique de croissance et d’expansion devrait être développée pour pousser ces compagnies à investir sur des lignes purement touristiques (Scandinavie, Europe de l’Est) et sur la destination Maroc. Dans l’avenir, en termes de lignes aériennes, je pense qu’on va dépasser les 360 lignes actuelles pour atteindre un objectif de 500 lignes. La majorité de ces « routes » devraient être dans leur globalité des lignes purement touristiques.
Le deuxième point qui est aussi important et que je tiens à mettre en évidence, en coordination avec les acteurs du public et du privé, c’est d’établir une corrélation étroite entre la capacité hôtelière sur des destinations touristiques marocaines et les coefficients de remplissages des avions, pour pouvoir injecter de l’offre aérienne supplémentaire si nécessaire. Il s’agit de mettre en place une véritable équation économique dynamique pour pouvoir allier harmonieusement l’offre touristique avec l’offre aérienne. Je pense que c’est l’un des points les plus importants afin de se diriger vers un écosystème efficient et durable.
L’un des derniers points sur lequel je souhaiterais insister, c’est qu’au niveau de ces destinations touristiques qui sont Marrakech, Agadir, Tanger, Fès, Rabat, Essaouira et Ouarzazate, il serait fortement recommandé de développer véritablement des bases aériennes, peut-être de la compagnie nationale ou d’autres compagnies marocaines, mais aussi de compagnies étrangères. Cela permettrait d’avoir en permanence plus d’avions basés au Maroc – générant une création d’emplois locaux pour produire ainsi de l’offre en sièges au départ et vers le Maroc et vers l’Europe ».
Le 24 mai 2019
Source web Par : premium travel news
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