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L'importance encore marquée du monde rural Marocain en 2019: il représente près de 98% de la superficie du pays, près de 40% de la population, 85% des communes, 19% du PIB et emploie 43% des actifs du Maroc

L'importance encore marquée du monde rural Marocain en 2019: il  représente près de 98% de la superficie du pays, près de 40% de la population, 85% des communes, 19% du PIB et emploie 43% des actifs du Maroc

Des terres fertiles menacées par l’urbanisation désordonnée des campagnes

La plupart des présidents des conseils communaux considèrent que les procédures actuelles sont complexes et longues. Dans certaines zones, les périmètres irrigués risquent d’être happés par les habitations. Parmi les programmes développés par le ministère : l’assistance architecturale et technique. Un début de consensus s’est dégagé sur la nécessité d’engager dans l’immédiat des réformes juridiques.

Le logement rural est actuellement une des priorités dans les politiques publiques. A ce titre, le ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville a organisé, mercredi 27 février dernier, à l’Université Mohammed VI de Ben Guérir, un séminaire sur le thème: «L’urbanisme et la construction dans le monde rural». Cette rencontre a réuni la direction général des collectivités locales, les membres des deux commissions parlementaires chargées des questions d’urbanisme et d’organisation territoriale, une centaine de présidents de conseil communaux, 29 directeurs d’agences urbaines et 16 inspecteurs régionaux. L’objectif était de dresser un état des lieux des procédures régissant l’urbanisme et la construction en milieu rural et de formuler des propositions en vue de tenir compte des mutations que connaissent les campagnes marocaines. Abdelghani Abouhani, professeur et inspecteur général de l’urbanisme, de l’architecture et de l’aménagement du territoire, revient sur ce grand dossier.

Comment se présente la situation dans le monde rural ?

D’une manière très contrastée. Il présente des atouts et des potentialités considérables dont la diversité des milieux naturels, la richesse des ressources territoriales, paysagères, énergétiques, minières et patrimoniales…, mais aussi des faiblesses structurelles : pauvreté, analphabétisme, déficit en équipement de base, faible diversification des activités non agricoles, morcellement excessif de la propriété. Dans ce contexte, la pression sur l’utilisation du sol n’est pas partout la même. A ce niveau on distingue le rural proche des grandes villes, le rural situé le long de l’axe littoral Tanger-Agadir, les zones de montagnes et le rural des provinces présahariennes et sahariennes.

Il est important de rappeler que malgré l’urbanisation rapide que connaît notre pays, le monde rural continue à occuper une place centrale tant au niveau de l’économie qu’au niveau de l’organisation territoriale. Le poids de cet espace est encore considérable. Il représente près de 98% de la superficie du pays, près de 40% de la population, 85% des communes, 19% du PIB et emploie 43% des actifs du Maroc. Du point de vue de la sécurité alimentaire, le monde rural assure 72% des besoins du pays en céréales, 87% en lait et 100% en viandes, en fruits et légumes.

Quid de l’urbanisme en particulier ?

Malgré l’importance des ressources financières mobilisées, à travers le budget général de l’Etat, le Fond de développement rural et le Fond de solidarité de l’habitat (FSH), les résultats restent limités sur le terrain. Et c’est précisément dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement qu’on retrouve les déficits les plus importants. Il ressort des études d’évaluation menées que le monde rural se caractérise par un faible taux de couverture en documents d’urbanisme, l’absence de critères objectifs pour le choix des centres à doter par des plans de développement des agglomérations rurales (PDAR), le caractère sommaire des rapports d’analyse-diagnostic, l’absence d’une réelle concertation autour des options d’aménagement et la longue durée des phases d’études, d’instruction et d’approbation. Par ailleurs, on relève également un faible taux de mise en œuvre des prévisions des PDAR homologués. D’autant que le taux de réalisation des équipements prévus est très faible et les agglomérations se développent souvent en dehors des prévisions des documents de planification. Sur le plan de la gestion, les communes rurales éprouvent des difficultés considérables dans la gestion des autorisations de lotir et de construire et dans la mise en œuvre des procédures légales et réglementaires qui régissent le contrôle des constructions. La plupart des présidents des conseils communaux considèrent que les procédures actuelles sont complexes, longues et ne tiennent pas compte des spécificités du milieu rural. Comme on devait s’y attendre, ces dysfonctionnements ont conduit à un développement considérable des lotissements clandestins et des constructions spontanées en particulier dans les communes rurales proches des grands centres urbains. Ce qui contribue à dénaturer les paysages ruraux, à détériorer la qualité des terres à haute potentialité agricole et à créer des ceintures de misères à l’entrée des grandes villes.

Des modèles urbains non homogènes sont en train d’envahir les villages. Comment expliquer cette invasion ?

La qualité architecturale et paysagère dans nos agglomérations rurales est désormais liée à un mode de production architecturale qui reste caractérisée, d’une manière générale, par la prolifération de l’insalubrité et la dégradation des tissus anciens. L’insalubrité en milieu rural est souvent liée à l’un des trois types d’activités économiques suivants : des noyaux d’habitat insalubre liés à l’activité agricole (des zribas dans les fermes) ou agro-industrielle (zriba près des poulaillers, des usines de produits alimentaires…) ; des noyaux d’habitat insalubre liés à l’industrie: près des cimenteries, des zones industrielles, des zones d’activités économiques… ; des noyaux d’habitat insalubre lié à la pêche, le long du littoral.

Quoi qu’il en soit, l’espace rural subit de plus en plus d’agressions sous forme d’extensions non maîtrisées, parfois sur des terrains exposés à des risques majeurs, (inondations, glissements, éboulements) transformant littéralement le paysage et ses formes architecturales : des groupements de constructions étendus le long des voies de communications routières et ferroviaires, sans valeurs architecturales. Le nombre de centres ruraux ne cesse d’augmenter et la majorité d’entre eux manque de cachet identitaire. C’est une juxtaposition de construction de logements ou de lotissements l’un après l’autre. Le modèle urbain standard a envahi les campagnes où le manque d’encadrement architectural aggrave les transformations en cours, ce qui a engendré une perte progressive des spécificités architecturales régionales et locales et une uniformisation des paysages ruraux.

Quels sont les programmes que développe le ministère pour préserver la qualité architecturale ?

Parmi les programmes importants qui visent le monde rural, je dois citer l’assistance architecturale et technique aux propriétaires résidant en milieu rural ne disposant pas de ressources suffisantes leur permettant de bénéficier des prestations d’un architecte et d’un ingénieur, et s’engageant à procéder à l’auto-construction de leur logement principal. L’objectif est de veiller au respect de la qualité, de la sécurité et des spécificités architecturales régionales. Ce programme concerne la construction de logements ne dépassant pas 100 m² couverts, ou la modification de logement, dans toutes les zones rurales non couvertes par des documents d’urbanisme. Les agences urbaines ont établi des plans référentiels pour l’ensemble des régions du pays en tenant compte de leurs spécificités locales. Le financement de ce programme, dans sa première phase (2004-2006), a été assuré par le FSH à hauteur de 5 MDH par an. A partir de 2007, les crédits nécessaires à cette opération ont été directement intégrés aux budgets des agences urbaines. En principe, les services centraux du ministère procèdent à une évaluation trimestrielle des opérations. Depuis le lancement de l’opération en 2004, 24 agences urbaines ont adhéré à ce programme, 3 506 plans ont été délivrés contre 7121 demandes déposées. Par ailleurs, les agences urbaines ont également développé d’autres actions concernant le monde rural à savoir : l’élaboration de plans de référence ; la mise en place de schémas structurels pour les noyaux émergents ; la requalification architecturale et paysagère de certains centres ruraux; l’étude urbanistique et architecturale de lotissements ruraux. Je dois avouer que ce programme connaît des difficultés depuis un certain temps.

Quelles sont les aléas qui menacent le monde rural dans les années à venir ?

Il est toujours hasardeux de faire des prévisions. En prospective territoriale, les bonnes prévisions se fondent sur une bonne observation des tendances passées et présentes. Le grand danger actuellement, c’est qu’on a observé durant ces 20 dernières années, un double mouvement: d’un côté on a des régions rurales qui se dépeuplent et qui connaissent même un véritable processus de désertification. Ce sont les zones rurales bours arides ou semi arides où la population jeune émigre vers les grandes villes, et ne restent au village que les femmes, les enfants et les grands-parents. D’un autre côté, on a dans les périmètres irrigués et dans les zones de cultures intensives, un processus d’urbanisation intensif. Progressivement, ces zones sont devenues des bassins d’immigration. Du coup, les petits douars se densifient, deviennent des villes et ces dernières commencent à s’étendre sur les terres à haute potentialité agricoles. Pendant longtemps on parlait de ruralisation des villes, il faut aujourd’hui parler d’urbanisation des campagnes. C’est quelque chose qui est passé presque inaperçue et qui n’a pas été bien analysée par les géographes et les ruralistes. Les conséquences de cet exode vers les périmètres irrigués vont être dramatiques pour l’économie nationale.

La réglementation de la construction peut-elle contribuer à limiter ces dégâts ?

Ce qu’il faut d’abord, c’est intensifier les efforts de sensibilisation auprès des gestionnaires des territoires –autorités locales, députés et présidents de conseils communaux. La terre agricole est un bien rare et les zones irriguées sont encore plus rares puisqu’elles ne représentent que 2% des terres cultivables au Maroc. Cette rareté extrême doit conduire à une vigilance extrême. La terre agricole doit être un bien à conserver et à mettre en valeur non une opportunité pour la spéculation immobilière légale ou clandestine. Du coup, la pratique réglementaire doit s’adapter à la nature des territoires. Dans les périmètres irrigués, dans les zones sensibles autour des barrages, le long des fleuves et du littoral, la réglementation de la construction doit s’appliquer avec rigueur. Ailleurs, dans le rural profond, dans les zones impropres à l’agriculture, on peut admettre un assouplissement des procédures administratives. Mais partout, il faut intensifier les efforts de sensibilisation et d’accompagnement technique et administratif des ménages.

Quelles ont été les principales conclusions tirées de ce séminaire ? Un début de consensus s’est dégagé entre les élus et les responsables administratifs dont les directeurs des agences urbaines et les présidents des commissions, sur la nécessité d’engager dans l’immédiat des réformes juridiques pour assouplir les procédures administratives et laisser des marges d’adaptation aux présidents des conseils communaux pour tenir compte des spécificités locales. C’est le grand acquis de cette rencontre qui a été organisée à dessein à la veille du lancement d’un vaste programme de réforme de l’ensemble des textes régissant l’urbanisme et l’aménagement du territoire.

Le 22/03/2019

Source web : la vie eco

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