Jean-Pierre Mas (EDV) : "Le niveau des réservations est en croissance significative pour 2019 !"
L'interview de Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EDV)
"L'année 2019 s'annonce bien" ! Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage se veut optimiste. Pour autant, il ne baisse pas la garde : IATA, Bercy, sur-tourisme... les points de vigilance sont nombreux. Interview.
TourMaG.com - Quel bilan tirez-vous de l'année 2018 ?
Jean-Pierre Mas : 2017 a été la meilleure année de l'histoire de notre secteur. 2018 faits mieux.
La croissance sur la partie tourisme sera de l'ordre de +7%, tandis que sur le voyage d'affaires, la progression sera moins sensible, de l'ordre de 1 à 2%.
Sans les mouvements sociaux d'Air France et de la SNCF, l'année aurait été encore meilleure.
Le seul bémol, mais je n'ai pas de données économiques, c'est l'image détériorée de la France par les mouvements sociaux du printemps et par les gilets jaunes ces dernières semaines.
TourMaG.com - Quid de 2019 ?
Jean-Pierre Mas : L'année s'annonce bien. Il n'y a aucune zone de conflit dans les régions touristiques dans le monde.
L'Egypte devient même (sous réserve de l'évolution suite à l'attentat de cette semaine) cet hiver une destination refuge pour les Français qui hésitaient à prendre des vacances en France, de peur d'être pris en otage par les gilets jaunes.
Le niveau de réservations est en croissance significative.
Je ne vois pas ce qui pourrait se profiler de très négatif pour 2019.
Les destinations boudées par les Français retrouvent des couleurs, aux premiers rangs desquelles la Tunisie, le Maroc et l'Egypte, qui sont en forte hausse. Il y a de bonnes raisons d'être optimiste.
Quant au voyage d'affaires qui est lié à la situation économique, je n'imagine pas de dégradation en France. Je ne suis pas inquiet.
Bien sûr, il y a des craintes sociales, notamment avec les gilets jaunes, et géopolitiques avec les deux va-t-en-guerre à Moscou et aux Etats-Unis. Pour résumer 2019 : optimisme, vigilance et actif.
TourMaG.com - Justement, quels sont ces points de vigilance ?
Jean-Pierre Mas : Nous devons réussir à parler à une catégorie de personnes, ceux nés après 1981, la génération Y, les millennials qui ne savent pas que l'on existe. Les Entreprises du Voyage ont dégagé un budget pour communiquer et aller là où ils sont, notamment sur les réseaux sociaux.
Autre cible pour nous : les plus de 40 ans, qui nous connaissent mais qui sont très tentés par la désintermédiation. Pour eux, nous allons mettre en avant notre valeur ajoutée : réassurance, garantie de bonne fin du voyage...
Deux cibles, deux discours et deux médias différents.
Quand je suis arrivé aux EDV, le syndicat était en difficulté économique, il ne l'est plus. Nous avons un budget pour commencer à rendre visible la profession.
TourMaG.com - Bercy et l'administration restent aussi un sujet de préoccupation ?
Jean-Pierre Mas : Effectivement, à Bercy, nous avons à faire à des fonctionnaires "hors sol", coupés des réalités, qui se reproduisent entre eux...
Quand je parle de Bercy, c'est un mot général pour nommer la réglementation tatillonne qui n'est pas adaptée aux entreprises.
La seule façon de se faire écouter, c'est de menacer et de crier plus fort. C'est ce que nous avons fait pour la taxation des aides des comités d'entreprise (CE) avec le soutien des syndicats de salariés et les associations de tourisme.
TourMaG.com - Justement, le sujet de taxation des aides aux CE pourrait resurgir en 2019 ?
Jean-Pierre Mas : Disons que c'est terminé dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), mais le sujet pourrait effectivement revenir... Cette taxation est une source de revenus fiscaux importants, même si elle est surestimée par Bercy. Le ministère des finances ne lâchera pas le morceau facilement.
Sur la hausse des frais de gestion des chèques-vacances, nous n'avons pas réussi à nous faire entendre... Quand les entreprises sont les seules cibles, c'est plus compliqué. Nous ne gagnons pas à tous les coups.
TourMaG.com - Vous allez suivre de près IATA ? Le 1er juillet 2019, le BSP nouvelle génération NewGen ISS sera lancé...
Jean-Pierre Mas : Effectivement. Nos relations sont inéquitables avec IATA. Un de mes sujets 2019 sera de rétablir une situation d'équilibre. Il ne faut pas reculer devant les exigences d’IATA et des compagnies aériennes.
L'attitude de Lufthansa devient juridiquement complexe, et l'un des sujets de 2019 sera de réagir.
Nous ne pouvons pas accepter de donner toutes les garanties et l'argent de nos clients sans avoir, de la part des compagnies, la moindre garantie sur la fourniture de la prestation qui a été achetée.
Les associations de consommateurs seront avec nous. Parmi les sujets de bataille : nous voulons que les compagnies garantissent le remboursement des billets émis et non volés en cas faillite, de la même façon que les agents de voyages garantissent les compagnies aériennes.
En France, nous avons marqué un petit point, avec l'organisme consultatif qui réunit les compagnies aériennes et les agences de voyages baptisé l'APJC. Depuis une semaine c'est un agent de voyages qui le préside. Il s'agit d'Isabelle Rech Francis de CWT.
Aujourd'hui IATA rêve du paiement à la semaine, mais son grand fantasme c'est le paiement quotidien et si possible avant l’émission ! IL’ association ne le dit pas de manière aussi claire mais c'est ce qu'elle imagine...
Nous sommes dans un rapport de force.
TourMaG.com - Le sur-tourisme et les émissions de CO2 liées au voyage sont aussi une crainte pour la profession ?
Jean-Pierre Mas : Oui, effectivement, et ce sera l'un des sujets phare des Journées des Entrepreneurs du Voyage à Madère. Nous y reviendrons à cette occasion avec la présence de Rodolphe Christin, sociologue, essayiste, écrivain, auteur du "Manuel de l'antitourisme".
Notre congrès affiche d'ailleurs complet !
TourMaG.com - Quel regard portez-vous sur la consolidation du secteur en France, et notamment sur les rachats successifs de Marietton Développement ?
Jean-Pierre Mas : Ce n'est pas un phénomène récent. La consolidation s'accélère en France. Je vois cela de manière positive. Le secteur économique intéresse les investisseurs et les fonds. C'est le signe de la vitalité du secteur.
Le tourisme est porteur en France et sur le plan mondial : il y aura deux fois plus de touristes dans 20 ans ! Ce n'est pas une consolidation avec une reprise d'entreprises à la casse ou extrêmement fragiles. C'est structuré, organisé.
Quant à Marietton Développement, le chemin que fait Laurent Abitbol est admirable.
TourMaG.com - L'arrivée de nouvelles entreprises dans le secteur du voyage est-elle aussi un signe de vitalité ?
Jean-Pierre Mas : Tout à fait. L'émergence de start-up dans l'univers du voyage est un autre signe de vitalité. Ce sera aussi un des sujets de Madère : comment apprendre à mieux travailler ensemble et à mieux les connaître.
TourMaG.com - Quel regard portez-vous sur la taxe des GAFAM en France ?
Jean-Pierre Mas : Quand je vois la taxation qui va rapporter 500 M€, c'est moins de deux fois plus que les heures supplémentaires dues aux policiers. C'est peanuts.
Se vanter de prendre cette somme aux GAFAM... personnellement je n'aurais rien dit ! Ce n'est pas significatif.
Le jour où Amazon va vraiment s’intéresser au tourisme, les lignes vont bouger. Nous nous adapterons. Les banquiers et les agences de voyages sont toujours là malgré la digitalisation de leur secteur.
Nous allons continuer, mais il faudra être novateur, créatif, prospectif.
En période d'euphorie, comme nous la traversons depuis deux ans, la tendance à l'endormissement est assez forte. Il faut rester vigilant !
Le 1 Janvier 2019
Source web par: tourmag
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