«Sofia», Meryem Benm’Barek filme le Maroc au plus près
Avec son premier long métrage qui sort ce mercredi 5 septembre dans les salles en France, Meryem Benm’Barek a réussi son pari : filmer le Maroc d’aujourd’hui au plus près. « Sofia », c’est l’histoire d’un refus de grossesse d’une jeune femme. À partir de là , la réalisatrice marocaine aborde plein d’autres questions que la société marocaine refuse de voir : l’interdiction de relations sexuelles hors mariage, l’argent qui définit la liberté de chacun, les contraintes des femmes et des hommes dans une société très inégalitaire.
Tout le monde en parle au Maroc, mais qui le montre et va au-delà d'une complainte ? Le Code pénal marocain prévoit une peine de prison pour « toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Quand Sofia découvre enfin qu’elle est enceinte et – après un refus de grossesse – pratiquement en train d’accoucher, son monde s’écroule. D’une minute à l’autre, elle doit à la fois trouver un hôpital pour accoucher et un père pour son bébé. À partir de cette situation désespérée, Meryem Benm’Barek commence à détricoter le fonctionnement intérieur de la société marocaine.
Pour y arriver, elle n’évoque ni l’islam, ni utilise des images crues ou provocantes chères à son compatriote Nabil Ayouch. « L’histoire que je raconte dans mon film est au final assez connue pour les Marocains. C’est une histoire comme en vivent beaucoup de jeunes femmes au Maroc. Dans la seule ville de Casablanca, 150 femmes accouchent hors mariage chaque jour », affirme la réalisatrice de 34 ans ayant fait ses études en Belgique avant de revenir au pays.
Sofia, un visage innocent et des envies de manipuler les autres
Cependant, elle ne montre pas Sofia (et son visage innocent incarné par Maha Alemi) comme une simple victime, mais comme une femme dotée de ses propres intérêts et envies de manipuler les autres. « Ce qui détermine le statut de victime, ce n’est pas le genre, mais la situation économique », explique Meryem Benm’Barek, couronnée au dernier Festival de Cannes du Prix du meilleur scénario dans la sélection Un certain regard.
Ingénieusement, elle rend visible le réseau des acteurs agissant sur la jeune femme. Il y a son père et sa mère, en train de négocier avec la famille de sa tante venue de France un contrat sur un terrain au Maroc pour empocher un peu d’argent et assurer ainsi leur avenir dans un pays devenu très compliqué à vivre. On rencontre aussi Lena, sa cousine franco-marocaine, trop bourgeoise, bienveillante et bien-pensante pour voir la réalité de Sofia. Enfin, on découvre la famille d’Omar (interprété avec brio par le slameur Hamza Khafif), un jeune homme paumé et trop pauvre pour refuser le destin du père désigné : « Si Omar est la grande victime du film, parce qu’on ne lui laissa pas le choix, c’est simplement parce qu’il est en bas de l’échelle sociale. » Sans oublier les institutions comme l’hôpital, la prison, la justice, aussi hypocrites et corrompues que la société qui les entoure.
Dresser un portrait du Maroc contemporain
Avec une grande intelligence, la caméra de Meryem Benm’Barek s’approche de Sofia pour percer son mystère qu’on découvrira au fur et à mesure que l’histoire avance. Avec des cadres assez larges, elle capte le caractère des personnages. Des travellings dans les maisons et dans la ville de Casablanca - du quartier aisé d’Anfa au quartier populaire de Derb Sultan - permettent de dresser un portrait du Maroc contemporain : « Je n’ai pas essayé de le salir ni de le rendre beau, j’ai essayé d’être au plus près de la réalité ».
Publier Le 4 septembre 2018 Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â
Source web par: rfi
Les tags en relation
Les articles en relation
La nouvelle Tanger, grand Å“uvre de Mohammed VI
L’Afrique en villes (30). Notre parcours se termine au Maroc, face à l’Espagne, dans une cité mythique qui, depuis quelques années, a su se réinventer. ...
Blanchiment : Objets d’art, pierres précieuses et casinos dans le viseur
Le Maroc muscle son arsenal juridique en amendant le code pénal Le nouveau projet institue un certain nombre de règles à observer par les assujettis autom...
Le rapport 2024 du HCP met en lumière les défis et progrès socio-économiques au Maroc
Le Haut-Commissariat au plan (HCP) a publié l'édition 2024 des indicateurs sociaux du Maroc, fournissant une analyse détaillée de la situation socio-éc...
« Désertification des souks marocains : le poids insoutenable de l'inflation sur les ménages »
Les marchés marocains, autrefois vivants et animés, se vident aujourd'hui de leur dynamisme. Les jours de marché, jadis des moments forts dans la vie des...
Ayouch et Abidar devant la Justice, verdict le 10 février
Loubna Abidar, ainsi que le réalisateur Nabil Ayouch font l'objet d'une poursuite pénale. Le jugement tombera le 10 février prochain. Médias 24 fait...
Le Gouvernement Akhannouch Face à une Désillusion Croissante : Urgence d'une Action Concrète pour
Autrefois porteur d’un souffle nouveau, le gouvernement Akhannouch semble désormais englué dans une léthargie préoccupante, particulièrement dans certain...
#MAROC_code_penal_peine_de_mort : condamnation prononcèe !
Un couple poursuivi pour homicide volontaire et mutilation du corps d’un mineur a été condamné mardi à la peine capitale par la chambre criminelle de prem...
Viol collectif d’une mineure à Tiflet : la défense demande 20 à 30 ans de réclusion pour les t
Le procès des trois hommes accusés du viol collectif d’une mineure à Tiflet a repris ce jeudi 13 avril à la Cour d’appel de Rabat. La défense de la vic...
Benabdelkader: ‘’Le droit pénal ne protège pas seulement l’ordre public, mais aussi les libe
Le ministre de la justice, Mohamed Benabdelkader, a souligné, vendredi à Meknès, l’importance de l’équilibre entre la préservation de l’ordre public ...
Le Maroc a toujours la cote auprès des Français
N’en déplaise à ces chaînes avides de reportages au parfum exagérément exotique Tony Jazz : L’image paradisiaque du Maroc engendre moins de «buzz»...
Mohammed VI met le citoyen au cœur de toutes les préoccupations
Le premier discours royal, après celui de la fête du trône célébrant le 66ème anniversaire de la révolution du Roi et du Peuple, fut consacré à cette v...
#Maroc_Israël_liaisons_aériennes: A partir d'avril prochain (David Govrin)
Les liaisons aériennes entre le Maroc et Israël seront lancées dans deux mois (avril 2021), a affirmé le représentant d'Israël au Maroc, David Govrin....