Un guide pour Fes, datant de 1916 !
J’ai trouvé il y a quatre ou cinq ans ce Guide de Fès de Prosper RICARD, édité en 1916, par l’imprimerie municipale de Fès.
Je pense qu’il s’agit du premier guide touristique sur la ville et qu’il a été publié à l’occasion de la « foire d’échantillons » qui s’est tenue à Fès en octobre 1916 :
certaines publicités d’époque font référence à cette foire (voir La « Foire d’échantillons » de Fez, Octobre 1916 ) Prosper Ricard avait été nommé à Fès, par le général Lyautey en 1915, comme Inspecteur des Arts indigènes.
Parallèlement à son action en faveur des Arts et de l’Artisanat, Ricard a œuvré au développement du tourisme à Fès et au Maroc et il est l’auteur de nombreux guides touristiques ; je n’ai jamais vu mentionné dans sa bibliographie ce petit guide de Fès … plus que centenaire aujourd’hui. Il m’a semblé intéressant de le publier car c’est un guide simple de Fès : la « Visite de la ville » et les « Itinéraires » indiquent ce qu’il fallait voir en 1916 … et sont toujours utiles aujourd’hui. Les nombreuses « réclames » nous permettent de retrouver les noms des pionniers de l’économie moderne de Fès et la localisation initiale de ces commerces que nous avons ensuite connus ailleurs.
J’ai recopié le texte sans rien changer. Les scans des publicités sont parfois de médiocre qualité mais déchiffrables !
GUIDE DE FÈS
Renseignements pratiques.
Aperçu historique.
Organisation municipale.
Principaux monuments.
Excursions urbaines et suburbaines.
RELATIONS DE FÈS AVEC L’EXTÉRIEUR
Les trois grandes voies d’accès à Fès sont :
1° la voie d’ouest, par les ports de Casablanca (340 k.), Rabat-Salé (250 k.), Kénitra (210 k.) et Larache ;
2° la voie du nord, par Tanger (316 k.) ;
3° La voie de l’est, par l’Algérie et Oudjda (300k.).
Si la voie de Tanger, qui traverse la zone espagnole, et celle d’Oudjda ne peuvent encore être suivies avec toute la liberté et l’aisance désirables, celle des ports français de la côte occidentale est aujourd’hui entièrement livrée au commerce, à la colonisation et au tourisme. Des pistes, pouvant être assez facilement parcourues en un jour par les automobiles, et constamment améliorées, alternant avec des tronçons de routes déjà parfaites qui s’allongent de jour en jour, relient Fès à Rabat-Salé par Meknès et Tiflet, à Kénitra par le Col de Zegotta et Petijean. Un chemin de fer militaire, passant par Meknès et Dar Belamri, relie la grande capitale marocaine aux ports de Kénitra (1 jour 1/2), Rabat-Salé (2 j.) et Casablanca ( 3 j.).
GÉNÉRALITÉS
La ville de Fès (1), située au cœur du Maroc septentrional, a une population indigène de 100 000 habitants environ, dont 8 000 israélites cantonnés au Mellah. La colonie européenne compte actuellement 600 personnes.
Pour l’instant, le Sultan est représenté dans sa capitale du nord par un khalifa, Mouley Mohammed ben El Mahdi, qui est un de ses frères. Ce représentant du Makhzen central est assisté d’un vizir, Si Abdallah el-Fasi, Commandeur de la Légion d’Honneur, et d’un personnel de secrétaires.
Fès est le siège du commandement d’une région qui comprend un certain nombre de cercles et de territoires dont plusieurs constituent de véritables marches organisées à la limite des tribus insoumises.
Par sa situation et son importance historique, autant que par le chiffre et la richesse de sa population, Fès peut être considérée comme le véritable centre religieux, politique et économique de l’empire chérifien.
Fès est divisée en deux villes principales : Fès el-Bâli « Fès le Vieux » et Fès el-Jdid « Fès le Nouveau », auxquelles s’ajoutent deux grands faubourgs Dehar Mahrès et Dar Debibâgh ; le tout formant une chaîne d’agglomérations, orientée d’est en ouest, s’étendant, avec des solutions de continuité, sur une longueur de 6 à 7 kilomètres.
Fès el-Bâli, la ville la plus ancienne, occupe le fond et les pentes d’une partie de la vallée de l’Oued Fès, très étroite et très inclinée sur ce point. Les rues étroites et tortueuses y forment un réseau parfois inextricable. Les souqs en sont nombreux et animés, notamment à la Qisariya avoisinant le horm de Moulay Idris. Peuplée de citadins maures, elle est la ville noble par excellence.
Fès el-Jdid, située sur un plateau dominant Fès el-Bâli à l’ouest, est surtout habitée par des nègres, des journaliers, des mokhaznis et des gens du guich ; aussi a-t-elle plutôt l’apparence d’une ville bédouine. Elle comprend encore le Dar el-Makhzen ou Palais du Sultan avec ses jardins ainsi que le Mellah où habitent les Juifs.
Dehar el-Mahrès est un quartier neuf de casernes. Dar Debibâgh, plus ancien, a abrité les premières troupes françaises qui, à partir de 1912, sont venues séjourner à Fès.
(1) Cf.- Une ville de l’Islam : Fès. Esquisse historique et sociale, par Henri Gaillard. Paris, J. André, éditeur.– Le Maroc d’aujourd’hui, par Eugène AUBIN. Armand Collin, Paris, 1912
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
GARE
Une seule gare dessert actuellement la ville ; elle se trouve à Dar Debibâgh, auprès de l’emplacement de la future ville française. À l’arrivée du train quotidien, on y trouvera des voitures et même des automobiles pour le Mellah (Fès el-Jdid) et le Bou- Jloud (entrée de Fès el-Bâli), à des prix modérés.
HÔTELS
À Fès el-Bâli
– Hôtel Belle-Vue, Bab el-Hadid, près de l’Hôpital Auvert (Figari) ; 12 chambres à 8 fr. ; pet.déj., 1 fr. ; déj. et dîn., 4 fr., vin non compris ; pension journalière, 15 fr., pet.déj. non compris ; terrasse avec grand jardin et parc ; voiture ou auto à la gare, au moment de la Foire.
– Grand Hôtel, rue Tariana Kebira, 27 (Galy) ; 12 chambres à 1 et 2 lits, de 5 à 10 fr., pet.déj. 0 fr. 75 ; déj. et dîn., 4 fr., vin compris ; arrangements pour séjours prolongés ; jardin, chambre noire, piano, écurie, auto à la gare.
– Hôtel de France, r. Ed-Douh ; 21 chambres de 5 à 8 fr. ; pet.déj., 1 fr. ; déj. et dîn., 4 fr., vin compris ; pension journalière (ch. et repas) 15 fr. ; pension mensuelle, 180 fr. vin compris, sans la chambre ; jardin.
À Fès el-Jdid
– Hôtel de Lyon, Derb Ali Chérif ( Hech) ; 18 chambres de 3 à 6 fr. ; pet. déj., 0 fr.60 à 1 fr. ; déj. et dîn., 3 fr. 50, vin compris ; pension journalière pour les repas, 5 fr. ; pet. jardin, chambre noire, bains, voiture à la gare.
– Maroc-Hôtel, place du Commerce ( Map) ; 6 ch. à 5, 6, 7 fr. ; pet. déj., 1 fr. ; déj. et dîn., 1 fr. vin non compris ; pension mensuelle pour les repas, 150 fr., vin non compris.
– Grand Hôtel de la Résidence, Grande Rue ( de Caprara) ; 8 chambres de 5 à 6 fr., pour une personne, de 8 fr., pour 2 personnes, augmentées de 2 fr. pour les voyageurs ne prenant pas leurs repas à l’hôtel ; pet. déj., 1 fr. ; déj. et dîn., 3 fr. 50, vin compris ; voiture à la gare
CAFÉS
Dans la plupart des Hôtels et au Mellah, Grande Rue et Place du Commerce
BAINS MAURES
Au Mellah, Grande Rue, pour européens ; d’autres sont disséminés dans toute la ville, mais pas recommandables : 0 fr. 20 ou en location, pour le soir, 2 fr.
POSTES ET TÉLÉGRAPHES
Français, au Mellah, Grande Rue ; à Fès el-Bâli, Zenqat el-Guebbas et à Ras Cherrâtine;
Anglais, à Fès el-Bâli, Consulat d’Angleterre, rue Sidi el-Khiyât et Kettânine.
BANQUES
Crédit Foncier d’Algérie et de Tunisie, à Fès el-Bâli, Kettânine ;
Banque Algéro-Marocaine, à Fès el-Bâli, Ras Cherrâtine.
CHANGE
À Fès el-Bâli : Crédit Foncier d’Algérie et de Tunisie, Souk el Attarine ;
Au Mellah, en face du Bordj.
PHARMACIES
Meynadier et Delafoata, au Mellah, Grande Rue.
GARAGES
Mazères, à Dar Debibâgh, camionnage automobile pour toute la région ; Cibrie, camionnage automobile pour la ville ; Château-Jego, automobiles Ford, pièces de rechange ; Laurent et Garcia, automobilistes ; Gall, camionnage hippomobile.
PAPETERIE ET CARTES POSTALES
Mellah, Grande Rue.
JOURNAUX
De France, de Rabat et de Casablanca, au Mellah, Grande Rue ; de Fès, Akhbar Télégraphia, texte arabe, aux Services Municipaux, à Fès el-Bâli
TABACS ET CIGARES
Des bureaux nombreux existent dans toute la ville (enseignes bleues) ; on trouvera surtout les cigares au Mellah
SPECTACLES
Concerts, chez Map (pas d’entrée, consommations) et Slous (entrée) au Mellah ; Paulette et Blum (pas d’entrée, consommations) à Dar Debibâgh.
CINÉMAS
Cortès, à Fès el-Bâli, Tala ; Garcia, à Dar Debibâgh
CERCLES MILITAIRES
Du Batha, rue Ed-Douh, à Fès el-Bâli.
ADMINISTRATIONS
Résidence, au Dar Beïda, Bou Jloud ;
Subdivision (Région Fès) au Dar Tazi, rue Sidi el-Khiyât ;
Services Municipaux de Fès-Ville, rue Ed-Douh ;
Cercle de Fès, rue Sidi el-Khiyât ;
Trésor et Postes aux Armées, à Dar Debibâgh.
CONSULATS
Tous à Fès el-Bâli :
– d’Angleterre, r. Sidi el Khiyat ;
– d’Espagne, r. Ed-Douh ;
– d’Italie, à Kettanine.
VOITURES ET AUTOS DE PLACE
Stations : Place du Commerce et Porte-Neuve de Bou Jloud.
Tarif applicable dans le périmètre Dehar-Mahrès, Dar-Debibâgh, Rond-point de la route de Meknès, Bab Segma, Porte-Neuve de Bou-Jloud, Bab el-Hadid,Bab Jdid.
1- Course. Voitures 2fr. 50 (Jour) 3 fr. 50 (nuit) ; Autos 3fr.50 (J) 4fr.50 (N)
2- Heure. Voitures 4 fr. 50 (J) 6 fr. (N) ; Autos 6 fr. (J) 8 fr. (N)
3- Journée de 12 heures. Voitures : 10 fr.
SERVICES D’OMNIBUS
Assurés par des voitures ou des autos :
– de Fès el-Jdid, place du Commerce, à Dar Debibâgh ; de Fès el-Jdid, place du Commerce, à Dehar Mahrès : 0 fr. 80 la place sur les voitures et 1 fr. la place sur les autos.
– de Fès el-Jdid, place du Commerce à la gare de Dar Debibâgh, 0 fr. 80 la place ; bagages : 0 fr. 25 par colis de 25 kilos., 0 fr. 75 par colis de 50 kilos.
– de Porte-Neuve de Bou Jloud à Bab Dekâken, 0 fr. 20 la place.
MULETS DE LOUAGE SELLÉS
S’adresser à Fès el-Bâli, Souq Ech-Chemmaïn.
CURIOSITÉS MAROCAINES
Broderies de soie au point de Fès ; broderies d’or et d’argent ; tapis berbères ; tissus de soie et d’or ( khamias, ceintures et abrouq) au Souq du Morgtân ; poteries blanches et émaillées, au Souq des potiers ; cuivres ornés, au Souq des Ceffârine et au horm de Moulay Idris ; reliures artistiques, au Souq de Ceffârine.
APERÇU HISTORIQUE
La fondation de Fès est due à Idris II, fils d’Idris 1er descendant d’Ali, gendre du prophète et chef de la célèbre dynastie des Idrissides ; elle remonte à l’année 808 de J.-C. (192 de l’hégire).
Idris II a son tombeau dans la qoubba de Fès qui porte son nom (Moulay Idris) ; sa « baraka » protège la ville fortunée et son nom est glorifié dans les mille actes de la vie où le fidèle évoque la puissance des saints et appelle leur bénédiction.
La première agglomération se composait de deux groupements distincts : Adouat el-Qaraouiyine, peuplée surtout d’arabes, et Adouat el-Andalous, où se fixèrent en majeure partie les berbères ; le premier, sur la rive gauche de l’Oued Fès, le second, sur la rive droite. Chacun de ces groupements vécut longtemps sa vie propre avec ses mosquées, ses souqs et ses bazars particuliers.
Sous les princes de la dynastie Zénète, qui succédèrent aux Idrissides, à la fin du Xème siècle (375 H.), Fès vit s’édifier de nouvelles mosquées, des fondouqs, des bains publics. Elle s’étendit même au-delà de l’enceinte élevée par les Idrissides ; des ponts relièrent les deux Adouat ; les portes de Bab Fetouh et Bab Guissa furent construites.
Bien qu’à l’époque des Almoravides Marrakech devint la résidence préférée des sultans, Fès ne continua pas moins à se développer. Youssef ben Tachfin (2ème moitié du XIème siècle ) y amena d’Espagne de nombreux ouvriers qui commencèrent à construire les moulins hydrauliques encore si nombreux aujourd’hui ; il permit encore l’installation, vers l’oued, de nouvelles industries en faisant abattre les murs qui séparaient les deux Adouat.
Les Almohades entrent à Fès en 1145 (540 H.) après s’en être rendus maîtres en l’inondant. Ils en rasent d’abord les anciens remparts qu’ils reconstruisent ensuite ; ces ouvrages subsistent sur la partie nord du pourtour de la ville basse actuelle. À la fin de leur règne, la ville de Fès correspond à peu près à ce qu’est de nos jours Fès el-Bâli. La capitale du Maghreb est alors très puissante. Si l’on en croit le « Roudh El Qartâs », elle compte à cette époque, 785 mosquées, 12 lieux d’ablutions et 80 fontaines, 93 bains publics, 472 moulins, 99 236 maisons, 19 011 petites maisons sans patio, 477 fondouqs, 9 422 boutiques, 2 qisariyas, 3 064 fabriques, 117 lavoirs publics, 86 tanneries, 116 teintureries, etc.
Avec les Mérinides, qui s’emparent de Fès en 1218, la ville redevient la résidence des souverains et continue à s’agrandir et à s’embellir. La vieille cité étant trop étroite pour abriter les partisans et les armées de la nouvelle dynastie, les princes régnants élèvent sur le plateau situé à l’ouest de Fès, une autre cité : El Médina el Beïda, la « ville blanche »appelée ensuite Fès el-Jdid, la « ville nouvelle »(1276 J.-C., 674 H.). Celle-ci comprend le Dar el-Makhzen ou Palais du Gouvernement, avec ses dépendances et des bâtiments destinés au logement des soldats, puis le Mellah ou quartier juif, où viennent se grouper les israélites ayant jusqu’alors vécu à Fès el-Bâli.
Les sultans mérinides créent encore de nombreuses et belles médersas ou collèges, témoins les plus purs de l’art hispano mauresque marocain. L’université maghrébine, qui attire une foule d’étudiants africains, voit ainsi consacrer sa renommée. Fès brille alors de son plus vif éclat. Peuplée de 125 000 habitants, dotée d’un commerce et d’une industrie très actifs, embellie par les arts importés d’Espagne, centre intellectuel remarquable, elle a une couleur et une originalité propres encore très persistantes au moment où Léon l’Africain la visite et la décrit ( XVIème siècle).
En 1550, Fès tombe au pourvoir de la dynastie des chérifs Saâdiens et n’est plus la capitale exclusive de l’empire : Marrakech lui est souvent préférée. Avec Moulay Rechid, premier chef de la dynastie actuelle des chérifs Alaouites, elle s’augmente cependant de nouveaux ouvrages : la Qasba du Khémis, dite aujourd’hui des Cherarda, et la Médersa Cherrâtin (1670). Le pont du Sebou est également construit.
Moulay Ismaïl (1672-1727), qui manifeste une aversion évidente pour les gens de Fès, s’installe à Meknès dont il fait le « Versailles marocain ». Fès se dépeuple alors. Cependant Moulay Abdallah y revient, fait élever une mosquée à Fès el-Jdid, ainsi que le parc et la maison de Dar Debibâgh, d’où il dirige un siège contre Fès et où il se réfugie au cours de son règne souvent troublé.
La sollicitude des princes alaouites pour la religion et l’instruction est encore marquée par l’édification sur l’ordre de Sidi Mohammed (1757-1787 ) de la médersa de Bab Guissa, et de la reconstruction sur l’initiative de Moulay-Sliman, de la mosquée et de la médersa d’El-Oued. Ce dernier entreprend en outre de grands travaux : il fait paver Fès el-Jdid, réparer le pont du Rsif, reconstruire les portes en ruines de Bab Fetouh et Bab Sidi Bou Jida, élève les mosquées modernes du Rsif, du Diouân, des Cherâbliyine, la zaouya et la coupole de Sidi Bou Ghaleb.
Les grands travaux entrepris par Moulay El-Hassan à partir de 1873, modifièrent la physionomie des deux villes qui étaient nettement restées, jusque-là, l’une la grande cité mauresque, l’autre la ville militaire et makhzen. Entre les deux améliorations s’édifie le palais de Bou Jloud, enfermé dans de hauts murs crénelés ; le Dar el-Makhzen s’agrandit de la mosquée et du minaret de Lalla Amina, de l’Agdal et d’un nouveau Mechouar ; la Makina ou manufacture chérifienne d’armes est enfin installée à côté de Dar el-Makhzen.
Les fils de Moulay Hassan : Moulay Abd el-Aziz, Moulay Hafid, font également effectuer quelques travaux d’agrandissements dans les quartiers du Bou Jloud et du Dar el-Makhzen. Leurs ouvrages sont malheureusement empreints d’une décadence caractérisée.
L’autorité des derniers sultans devenant très précaire, c’est à Fès principalement que se nouent les intrigues de la politique marocaine. Au printemps de 1911, les Cherarda, puis les tribus des environs de Fès, se révoltent et investissent la ville. En réponse, à l’appel du Sultan, nos troupes, dirigées par le général Moinier, interviennent : elles entrent à Fès le 21 mai.
C’est à Fès que M. Regnault, ministre de France à Tanger, signe avec Moulay Hafid la convention du 30 mars 1912, qui reconnaît l’établissement du protectorat de la France sur le Maroc, et, au lendemain de laquelle, à la suite d’une rébellion de soldats du tabor (17 avril 1912), éclate une sanglante émeute qui dure trois jours et entraîne le massacre de nombreux européens. Le mois suivant, deux jours après l’arrivée à Fès du général Lyautey, nommé Résident Général, les Berbères attaquent la ville, forcent deux portes, sont repoussés et enfin défaits, le 1er juin, à Hadjra el-Kahla par le général Gouraud. La paix et la sécurité sont dès lors rétablies dans la capitale.
Sous la direction et le contrôle de l’Administration française, Fès retrouve son ancienne activité. Des travaux de salubrité sont entrepris sur tous les points de la ville ; des travaux de dégagement sont pratiqués à l’extérieur, une magnifique route fait le tour de la cité ; des voies s’engagent de tous côtés vers Petijean, Meknès, Sefrou, Taza ; un chemin de fer militaire relie la ville à la côte occidentale ; vers l’Est, une voie semblable atteint déjà Taza ; des dispensaires, des hôpitaux, des écoles pour indigènes et européens, un collège musulman sont créés ; des hôtels et des casernes sont construits ; la restauration des palais et des monuments historiques est entreprise; le plan de la ville française est étudié. La vieille cité fondée par Moulay Idris va reprendre, sous l’égide de la France, l’importance qu’elle n’a cessé de revêtir aux plus belles époques de sa prospérité.
ORGANISATION MUNICIPALE
ADMINISTRATION
Fès est administré par un pacha, Si Mohammed ben El-Baghdâdi, Officier de la Légion d’Honneur, que secondent deux khalifas, Si Driss ben Abdeljelil pour Fès el-Bâli et Si Driss ben El-Ouâfi, Chevalier de la Légion d’honneur, pour Fès el-Jdid.
Ces gouverneurs sont assistés d’une Assemblée municipale indigène, à caractère consultatif, le Mejless El-Balâdi, composé des principaux fonctionnaires de la ville et de huit membres élus par les notables de chacun des arrondissements de Adoua, Lemtiyine, Andalousiyine et Fès el-Jdid. Outre l’établissement du budget, le Mejless émet des voeux relatifs à des questions d’ordre municipal ( voirie, travaux publics, éclairage, marchés, etc.)
Les indigènes israélites sont administrés par le cheikh El-Yhoud, assisté du Mejless israélite qui comprend, sous la présidence du pacha, six membres élus. Cette assemblée a pour le Mellah des attributions analogues à celles du Mejless musulman.
JUSTICE INDIGÈNE
La justice musulmane est administrée par trois cadis, deux pour Fès el-Bâli et un pour Fès el-Jdid. Ces juges en matière civile sont assistés d’adoûls qui remplissent à la fois l’office de notaires et de témoins agréés.
Le pacha et ses khalifas connaissent des affaires pénales et des litiges commerciaux.
Un tribunal de paix est compétent à l’égard des ressortissants des tribunaux français au Maroc.
POLICE
Dix-neuf « moqaddems » ou chefs de quartiers, assistés de cent cinquante « assâs » ou gardiens, sont responsables de la police de Fès el-Bâli. Chaque moqaddem est secondé par un khalifa plus spécialement chargé de la voirie et de l’éclairage. Chaque quartier constitue un ilot isolé des quartiers voisins par des portes que l’on ferme la nuit. La sécurité est d’ailleurs parfaite. Un seul crime passionnel a été commis depuis quatre ans ; la moyenne des condamnations mensuelles pour une ville de 100 000 habitants n’excède pas 50.
La police de Fès el-Jdid et du Mellah est assurée par des agents de police français et indigènes, sous la direction d’un commissaire.
AUTORITÉS DE CONTRÔLE
Le contrôle de l’Administration indigène est exercé par le Bureau des Renseignements de Fès-Ville que dirige M. le capitaine Mellier, Chef des Services Municipaux.
Outre les questions d’ordre politique et de renseignements proprement dits, le Bureau de Fès-Ville assume la direction de l’Administration municipale tout entière en même temps que le contrôle des diverses autorités indigènes de la ville, de l’ordre judiciaire, financier, corporatif, etc. qu’il s’efforce d’éduquer en les initiant progressivement à nos principes et méthodes administratives.
Il prépare et oriente les délibérations des assemblées municipales indigènes.
Il se réserve enfin la direction des travaux publics dont la conduite technique appartient à un sous-ingénieur chef des travaux municipaux.
GROUPEMENTS CONSTITUÉS
Le « Mejless des Oulémas », réunion des jurisconsultes musulmans, étudie, à la manière d’un Conseil d’Université, les questions soumises à son arbitrage intéressant les « Tolba », étudiants et les Oulémas. Un certain nombre d’entre ces derniers sont chargés de cours qu’ils professent à la Mosquée de Qaraouiyine.
Une commission musulmane de bienfaisance surveille la gestion des Habous de Sidi Fredj dont les revenus sont affectés, sous la direction du « nadhir » administrateur de ces biens, à l’entretien des infirmes et des malheureux.
CONFRÉRIES RELIGIEUSES
Les principales confréries religieuses existant à Fès sont celles de Tijâniyin, Derqaoua, Qadriyin, Kettâniyin. Les Aïssaoua, Hemadcha et Guennaoua comptent également à Fès de nombreux adeptes. Les quatre premières confréries, qui jouissent d’une considération supérieur, se recrutent en grande partie dans la bourgeoisie ; elles se bornent à la pratique des cérémonies rituelles spéciales à chaque association. Les « khouân » ( on dit plutôt au Maroc « fouqara ») qui composent les trois dernières, sont en général des journaliers, des artisans, des nègres.
Les Aïssaoua et les Hemadcha s’exhibent périodiquement et se livrent en public aux répugnants exercices que l’on connaît.
Les Guennaoua parcourent la ville en chantant et en jouant des castagnettes et tambourins.
Chacune de ces confréries possède à Fès une ou plusieurs zaouyas. Quelques-uns de leurs « cheikhs » fondateur ou patron, ont leur sépulture à Fès ou dans la région.
D’autres confréries secondaires, telles que les Câdqiyine, les Ghâziyin, les Touhama, les Qasmiyine réunissent à Fès un certain nombre d’adeptes.
CORPORATIONS
Tous les corps de métiers sont constitués à Fès en corporations, chaque corporation ayant à sa tête un « amin »choisi par elle et présenté à l’agrément du makhzen, sorte de syndic chargé de la représenter officiellement, de la maintenir dans la tradition et de lui transmettre les décisions de l’autorité.
L’amin était également chargé sous l’ancien régime de recueillir les « hédia », offrandes qu’il remettait au Sultan à l’occasion des grandes fêtes religieuses au nom de sa corporation. Le « mohtasseb », ou prévôt des marchands, exerce sur tous ces artisans un contrôle particulier et fixe la mercuriale quotidienne des denrées.
Les principales corporations sont celles qui groupent les artisans des industries spéciales à Fès : les tisserands en majorité des gens de Fès et de Tlemcen, travaillant dans les ateliers par groupes de deux à chaque métier ; les fabricants de babouches, travaillant dans leurs petites chambres qui occupent les étages supérieurs des fondouqs ; les tanneurs, dans quatre tanneries ; les teinturiers, dans les boutiques ; les potiers, les briquetiers, les plâtriers et les gypseurs ou les sculpteurs sur plâtre ; les épiciers et les charbonniers tous originaires du Soûs ; les savetiers originaires du Tafilelt, comme les bourreliers et les « hennata » qui mesurent et transportent les grains ; les jardiniers sont des Djebala ; les portefaix viennent des Oulad El Hadj de la Moulaya et des Beni Ouaraïn ; les meuniers, les fourniers des Djebala ; les « guerraba », porteurs d’eau, gens de l’oued Saoura ; les porteurs d’huile, gens du Touat.
Certaines de ces corporations offrent quelque particularité pittoresque. C’est ainsi que les portefaix « zerzaïa » employés aussi comme gardiens de nuit par les négociants, s’entremettent également comme commissionnaires en marchandises. C’est encore à eux qu’a recours le maître mécontent de ses négresses pour leur faire administrer la bastonnade à domicile.
Chaque candidat portefaix doit, pour être admis dans la corporation, fournir une caution qui garantisse son honnêteté.
Les épiciers « beqqâla » et charbonniers « fehhâma », tous gens du Soûs, sont solidairement responsables des dettes que laisserait celui d’entre eux qui aurait, par exemple, pris la fuite.
Les tanneurs « debbâgha » excluent de leur compagnie tout artisan qui s’est rendu coupable d’un vol.
INDUSTRIES
Les principales industries indigènes de Fès sont, par ordre d’importance : l’industrie textile, l’industrie du cuir, les industries de la terre (poteries, carreaux), du bois, des métaux, de l’alimentation.
LES INDUSTRIES TEXTILES
Elles comprennent :
– Le lavage et le blanchiment des laines, qui occupent à Fès environ deux mille ouvrières.
– Le filage et le tissage : les artisans obtiennent des tissus extrêmement variés pour la confection des couvertures et vêtements : « haïks » et « jellabas » ; le nombre des métiers est considérable.
– Le travail de la soie : dévidage et décreusage, teinture, tressage, tissage sur des métiers de grande et petite tire. Un essai de sériciculture entrepris en 1914 ayant donné d’heureux résultats, a été renouvelé et développé depuis trois ans, spécialement dans un but de vulgarisation ; des mûriers ont été plantés en abondance de manière à permettre une notable extension de cette industrie.
– La broderie : les broderies de Fès sont justement renommées ; broderies de soie sur cotonnades et étamines destinées à l’ornementation de rideaux, de taies et enveloppes de matelas ; broderies de soie sur drap et applications pour la confection de « haïtis » tentures murales dont les plus riches sont recouverts de somptueuses arabesques d’or.
– Le tricotage de la laine pour la fabrication des « tarbouches » ou chéchias.
L’INDUSTRIE DU CUIR
Elle comprend à Fès :
– Le tannage : préparation dans quatre tanneries principales, notamment d’un cuir souple et épais appelé « ziouâni » ;
– La confection des babouches « belghas » qui fait vivre 20 000 personnes ; l’importance de l’exportation s’est chiffrée en 1914, à 10 millions de francs (2/3 Égypte, 1/3 Sénégal) ;
– La confection des sacs « chkâras » et des ceintures ;
– La reliure artistique : les artisans ont conservé des beaux fers originaux de style oriental et hispano-mauresque.
L’INDUSTRIE DE L’ARGILE
Elle fournit les poteries simples, peintes et émaillées, les carreaux et mosaïques de faïence, les briques cuites (vingt-cinq fours).
L’INDUSTRIE DU BOIS
S’applique à la menuiserie et charpente d’art, qu’embellissent des sculptures et peintures de pure tradition hispano-mauresque ; le tournage du bois ; la marqueterie ; la vannerie ; la confection d’instruments aratoires et la fabrication de roues et turbines hydrauliques.
LES INDUSTRIES DU MÉTAL
Elles comprennent :
– pour le fer : la fabrication par les forgerons de fenêtres treillagées, de ferrures et pentures artistiques ;
– pour le cuivre : l’emboutissage de formes et l’ornementation par la ciselure ;
– pour le fer-blanc : la confection de lanternes en fer-blanc et en laiton découpés ;
– la taillanderie ordinaire est également représentée ;
– les bijoux, fabriqués surtout au Mellah, sont de deux sortes : la bijouterie citadine qui comprend des joyaux d’or rehaussés d’émaux et la bijouterie bédouine, qui n’emploie que l’argent ciselé.
LES INDUSTRIES D’ALIMENTATION
Elles sont représentées par la meunerie et la minoterie. Il existe à Fès environ deux cent cinquante moulins, qui sont presque tous constitués en biens habous.
Soixante fours existent en ville destinés à la cuisson du pain, qui se pétrit dans chaque maison ; ils cuisent une moyenne de 100 000 pains par jour.
PRINCIPAUX ÉDIFICES ET MONUMENTS RELIGIEUX, PUBLICS ET MILITAIRES
MOSQUÉES
Entrée interdite aux non musulmans.
Le fondateur de Fès construisit les deux premières mosquées de la ville. La Zaouya de Moulay Idris, qui porte son nom et contient son tombeau, a été plusieurs fois reconstruite et comprend aujourd’hui la célèbre qoubba qui abrite son mausolée et deux mosquées attenantes. Le horm est toute la partie des souqs qui s’étend aux abords immédiats de la zaouya.
La mosquée Jâma en-Nouar, la première où pria Idris, est aujourd’hui presque délaissée.
C’est sous le règne de Yahia ben Mohammed, petit-fils de Moulay Idris, que furent construites les deux mosquées qui devaient occuper une place si importante dans l’histoire de Fès.
La première, devenue par la suite la mosquée cathédrale El-Qarouiyine, ne fut d’abord qu’un oratoire de 30 mètres sur 30, édifié en 248 H. (IXème siècle) par les soins de Fatma bent Mohammed El-Feheri, originaire de Qairouan. En 321 H. elle devint une véritable mosquée avec les Zenata qui firent élever le minaret actuel (345 H. Xème siècle). Sous l’almoravide Youssef ben Tachfin (XIème), la mosquée fut agrandie et reçut ses dimensions définitives, qui en font la plus grande mosquée du Maghreb. Elle compte, dit le Roudh El-Qartas, 270 colonnes formant 16 nefs de 21 arcs chacune. Quoique d’architecture un peu lourde, elle a des parties qui présentent un réel intérêt archéologique. Aux extrémités de la cour s’élèvent deux kiosques rappelant ceux de la cour des Lions de l’Alhambra de Grenade, supportés comme eux par d’élégantes colonnes de marbre et construits l’un sous Youssef ben Tachfin, l’autre sous le sultan saadien Abd Allah ech-Chikh. Une vasque à eau jaillissante orne également cette cour.
La mahakma du Cadi, du côté des Adouls, est d’un style intéressant. A remarquer aussi trois portes plaquées d’ornements de bronze, dont l’une date de 531 (XIIème siècle). À l’intérieur se trouverait un minbar d’une beauté exceptionnelle.
La mosquée El-Qarouiyine est devenue depuis longtemps le centre intellectuel du Maghreb et le siège de l’Université musulmane de Fès. Aujourd’hui, de nombreux étudiants « tolba », venus de toutes les régions du Maroc, s’y rassemblent encore pour suivre les cours de professeurs renommés.
D’abord un oratoire édifié au IXème siècle par Meriem bent Mohammed ben El-Feheri, sous le règne de Yahya ben Mohammed ben Idris, la mosquée El-Andalous possède un minaret d’un type spécial, peu élégant, élevé comme celui de Qarouiyine par les princes Zénètes (Xème siècle). A l’époque d’El-Bekri, elle comprenait 6 nefs et une petite cour.
La grande porte nord, de proportions imposantes, a été construite par l’almohade En-Nâcer, mais a été l’objet de restaurations assez récentes.
La Grande mosquée de Fès el-Jdid, située dans le quartier de Moulay Abd Allah, est moins ancienne que les précédentes. Sa construction fut ordonnée en même temps que celle de la ville nouvelle, par le mérinide Yacoub ben Abd el-Haqq, en 675 H. (XIIIème siècle). C’est là que le sultan va prier le vendredi, lorsqu’il est présent à Fès, et que le peuple, convoqué, y reçoit les communications émanant de l’autorité impériale.
Fès possède aussi des types de mosquées plus récentes, remontant au XVIIIème siècle, la plupart édifiées à l’époque de Sidi Mohammed (1757-1787) : la mosquée du Rsif, avec son haut et élégant minaret ; la mosquée de Diouân, aux portes intéressantes, surmontées d’auvents ; la mosquée des Cherâbliyine, ainsi appelée à cause des boutiques de rapetasseurs de babouches qui l’avoisinent, elle est dominée par un gracieux et élégant minaret mérinide plaqué de faïences polychromes ; la mosquée de Bab Guissa, qui fut envahie au mois de mai 1912, par des assiégeants qui purent ainsi massacrer un certain nombre de nos soldats, défenseurs de la porte voisine.
Fès compte encore un nombre considérable d’autres mosquées et oratoires. On en rencontre à chaque pas qu’on fait dans la ville, nous nous sommes bornés à signaler les principales et les plus intéressantes.
MÉDERSAS
Dispersées, comme les mosquées, sur tous les points de la ville : à Fès el-Jdid et à Fès el-Bâli, parties hautes et basses de la médina.
Les princes mérinides furent les véritables artisans de la beauté de leur capitale, qui atteignit son apogée au temps de leur règne. Six médersas sur neuf existant actuellement furent bâties par eux et en un court laps de temps ; elles témoignent de l’intérêt qu’ils portèrent aux oeuvres d’enseignement et de la sollicitude qu’ils eurent pour les arts. On connaît la destination de ces monuments malheureusement aujourd’hui très délaissés qui servaient d’écoles, de mosquées et abritaient les étudiants de l’Université étrangers à Fès. Les plus remarquables sont :
La médersa de Fès el-Jdid, la plus ancienne, construite en 720 H. (1320 J.-C.) par Abou Saïd, comprise aujourd’hui dans l’enceinte de Dar el-Makhzen, par suite des agrandissements faits à l’époque contemporaine par Moulay el-Hasan ; elle porte aujourd’hui le nom de médersa el-Méchouar bien qu’elle ne reçoive plus d’étudiants.
La médersa des Attarine, du même souverain (721 H., 1321 J.-C.), située à l’une des extrémités du souq du même nom, quoique de dimensions réduites, fut peut-être le chef-d’oeuvre de l’art mérinide ; les lignes des angles partant des colonnes de marbre, surmontées de jolis chapiteaux sculptés, en sont particulièrement fines ; les grands arcs des axes et l’auvent en bois sculpté sont remarquables ; une lampe en bronze, garnie d’inscriptions et à forme curieuse est suspendue au plafond de la salle de prière. La restauration vient d’en être commencée.
La médersa es-Sahrij, avoisinant la mosquée des Andalous, dans le quartier de Adoua, est ainsi appelée à cause du bassin rectangulaire creusé au milieu de la cour intérieure. Elle fut construite en 721 H. (1321 J.-C.) par Abou el-Hasan Ali, alors qu’il était encore héritier présomptif. Les lignes de l’architecture intérieure en sont très belles et le décor, très poussé, d’une grande tenue. La porte d’entrée est aujourd’hui privée du revêtement de bronze qui la recouvrait autrefois.
C’est Abou el-Hasan qui fit construire aussi la médersa el-Mesbâhiya située près d’el-Qarouiyine, du nom du premier professeur qui y enseigna : Mesbah ben Abdallah. On l’appelait aussi médersa er-Rokham « école du marbre » à cause d’une fontaine en marbre blanc , apportée d’Algésiras, qui s’y trouvait. À remarquer : l’entrée sous un auvent de bois sculpté, le plafond du vestibule, la face de la cour donnant accès à la salle de prière, les chapiteaux de pierre sculptée, portant les arcs jumelés de l’ouverture de cette salle ; la vasque de marbre blanc pour les ablutions, remplie d’eau toujours claire et courante.
La plus importante des médersas mérinides est enfin la médersa Bou Anâniya, du nom de son fondateur, l’émir Abou Inân Farès, fils de Abou el-Hasan. Construite de 751 à 756 H. (1350 à 1355 J.-C.), elle a deux entrées reliées par un intéressant couloir à coudes nombreux. L’une de ces entrées, monumentale, est fermée par une magnifique porte plaquée de bronze ouvragé ; l’escalier de marbre et de faïences, est bordé de bancs que revêtent de magnifiques panneaux de faïences polychromes ; au-dessus, décorations très fines de plâtre fouillé ; en haut, plafond à stalactites en bois, aux milliers de pendentifs peints. Franchie la porte s’ouvrant dans une boiserie, on pénètre dans une vaste cour dallée de marbre blanc, dont le revêtement mosaïque est couronné d’une belle inscription en caractère cursifs noirs. Immédiatement au-dessus commence la décoration de plâtre dans laquelle se creusent, par endroits, les fenêtres des chambres d’étudiants du premier étage s’éclairant sur la cour. Cette ornementation est balancée par des linteaux et consoles reliant les piliers, et de grands arcs en bois de cèdre sculpté supportant une frise majestueuse et un auvent aux consoles traditionnelles de la période hispano-mauresque ; le tout ciselé avec une patience inlassable et un art exquis.
Deux salles de cours à coupoles hémisphériques s’ouvrent sur la cour ; celle de droite est fermée par une porte à deux battants portant des sculptures d’une ténuité extrême.
Une dérivation de l’oued Fès sépare la cour de la salle de prière ; deux ponceaux permettent de la franchir. La salle de prière renferme aussi des parties très captivantes : mihrab finement décoré, vitraux anciens, robustes colonnes et chapiteaux hispano-mauresques supportant le mur de refend de la salle, nefs à membrures remarquablement enchevêtrées.
De la cour on aperçoit le minaret de la médersa, d’une rare beauté de proportions et d’une jolie couleur.
À l’entrée de la Bou Anâniya se trouvent enfin, sur des consoles les treize grands timbres alignés d’une horloge ancienne, dont le fonctionnement a été oublié ; puis en face de l’entrée principale, des latrines monumentales, se composant de cellules disposées autour d’un grand patio central qu’orne un bassin rectangulaire, et abrite une magnifique charpente à membrures d’entrelacs géométriques.
Les trois autres médersas de Fès furent construites beaucoup plus tard par les sultans alaouites. La moins récente d’entre elles, la médersa ech-Cherratine, fut fondée en 1670 par Moulay Rechid. La porte, à deux battants recouverts de bronze ciselé, donne accès, par un couloir droit, à la cour centrale entourée de galeries au rez-de-chaussée et à tous les étages.
L’architecture et le décor, encore intéressants, sont pourtant moins purs qu’à l’époque mérinide. Sur les angles de la cour s’ouvrent des « douïras », maisons petites et hautes à patio central et cellules étroites pouvant abriter chacune une trentaine d’étudiants.
Les deux autres médersas de Bab Guissa et d’El-Oued ont été fondées ou reconstruites par Sidi Mohammed (2 ème moitié du XVIIIème siècle).
MAISONS ET PALAIS
Le luxe des habitations de Fès est proverbial et contraste avec la pauvreté des rues étroites, enserrées entre de hauts murs nus. On accède dans les maisons par un passage coudé conduisant dans un patio, avec ou sans galerie, à piliers ou colonnes pavées de carreaux émaillés et généralement marquées, au centre par une vasque de marbre, d’où l’eau jaillit ; les plus riches d’entre elles sont ornées, dans les soubassements, de mosaïques de faïences et plus haut, de plâtres fouillés ; les linteaux sont peints, ainsi que l’auvent qui couronne le patio. Les chambres, pareillement décorées, sont limitées de charpentes sculptées et enluminées, fermées par de lourdes portes semblablement traitées. Les habitations les plus luxueuses se trouvent principalement dans la partie haute de Fès el Bâli, au milieu de jardins où croit une végétation luxuriante.
Les maisons des Moqri, Mnebhi (aujourd’hui collège musulman), Tazi (résidence du Commandant de Région), Ben Sliman, Djamaï sont de date assez récente.
Dans le quartier de Bou Jloud, le Palais du Batha, dont une partie est occupée par le musée (on peut visiter) remonte à l’époque de Moulay-El-Hasan, ainsi que la presque totalité de Dar El-Beida, Résidence actuelle.
Le Dar El-Makhzen, à Fès el-Jdid, renferme une suite d’habitations, d’importance variable, d’âges différents dont les plus récentes ont été construites par Moulay El-Hasan et ses fils Moulay Abd el-Aziz et Moulay Hafid. Délaissées et mal entretenues, elles accentuent le degré de décadence qui a frappé depuis longtemps déjà les arts de ce pays.
CIMETIÈRES
Il existe de nombreux cimetières à l’intérieur et à l’extérieur de la ville. Les premiers fermés au public, sont de surface limitée ; généralement réservés à d’importantes familles, ils comprennent un nombre assez restreint de tombes qui se groupent le plus souvent sous une qoubba abritant la sépulture d’un ancêtre. Les autres, occupent de vastes emplacements situés aux abords immédiats de la ville, sur des hauteurs la dominant ; ils sont couverts d’innombrables mausolées.
Le cimetière de Bab Mahrouq, qui s’étend entre Bab Mahrouq et Bab Segma, renferme la pittoresque qoubba de Sidi Bou Beker El-Arabi ; celui de Bab Guisssa, situé sur les pentes dévalant au nord de Fès el-Bâli, est dominé par les tombeaux croulants des derniers mérinides ; enfin celui de Bab Fetouh, au sud, a reçu les sépultures de savants renommés, entr’autres de Sidi Ali Bou Ghalem à l’intérieur des murs et de Sidi Harazem, à l’extérieur.
Il y a enfin le cimetière juif qui est non moins curieux, et dont on jouit d’une vue générale lorsqu’on traverse les jardins d’Aïn-Khemis.
PONTS
Deux des ponts construits par les Zenata, sur l’oued qui sépare les deux quartiers de la basse ville, subsistent encore, ce sont ceux de er-Rsif près de la mosquée du même nom et de er-Remila appelé aussi pont de Beïn el-Moudoun (entre les deux villes). Ils ont naturellement été réparés plusieurs fois depuis, notamment le premier dont la dernière et importante restauration remonte à Sidi Mohammed (2 ème moitié du XVIIIème siècle).
Le pont du Sebou, situé en aval de la ville, est dû à Moulay Rechid, premier sultan de la dynastie des Cherfa alaouites, qui le fit construire pour faciliter les relations de Fès avec Taza et l’est du Maroc.
FORTIFICATIONS
Les innombrables murailles qui entourent la ville sont d’époques assez diverses. Les remparts s’étendant au nord, entre Bab Mahrouq et Bab Guissa remontent à l’époque almohade ; ceux qui dominent au sud le quartier de Tamdert sont probablement aussi anciens. Quant aux fortifications qui entourent Fès el-Jdid, elles datent pour la plupart de l’époque mérinide.
Par contre, les murs reliant Fès el-Jdid et Fès el-Bâli sont assez récents (2 ème moitié du XIXème siècle).
Des portes qui percent ces murs, les plus anciennes sont : à l’Est, Bab Sidi bou Jida construite par les Zenata et d’abord longtemps appelée Bab Beni Msafar ; elle fut réparée par Sidi Mohammed (XVIIIème siècle) ; au Nord Bab Guissa et au Sud Bab Fetouh, édifiées, l’une par le fils de l’émir zénète Dounas, Adjissa, l’autre par le deuxième fils du même émir, el-Fetouh. Cette dernière a été reconstruite également sous le règne de Sidi Mohammed.
Au Sud-Ouest de Fès el-Bâli se dressent :
– Bab Hadid, près de l’Hôpital Auvert ;
– Bab Jdid, dans un cadre magnifique, qui supporte en outre un canal destiné à l’alimentation de la Médersa es-Sahrij, près de la mosquée des Andalous ; elle a été élevée par le mérinide Abou el-Hasan Ali.
Au Nord-Ouest s’élèvent :
– Bab Bou Jloud et Bab el Mejless, celle-ci recouverte de faïences bleues et bâtie en 1913 seulement ;
– Bab Mahrouq, d’abord appelée Bab Ech-Cheria, construite par les Almohades. L’année même de sa construction, on brûla vif, sous ses voûtes, le berbère el-Obeïdi, chef d’une révolte dans les montagnes des Ghomâras, d’où son nom actuel de Porte du Brulé. Depuis, on y suspendait les têtes des rebelles tués au cours des expéditions entreprises par les sultans dans les tribus insoumises de leur empire.
Lorsqu’on arrive à Fès par la route de Meknès, une succession imposante de portes est celle qui s’offre à la vue à partir de Bab Segma à laquelle succèdent les portes fermant au Nord et au Sud le Mechouar de la Makina puis Bab Dekâken à l’entrée du Dar el-Makhzen.
Les autres portes donnant accès à Fès el-Jdid, Bab Jiaf, Bab Lamer n’ont rien de particulier. La porte Bab Semmârine qui, en bordure de Fès el-Jdid, communique avec le Mellah, a toutefois un caractère tout spécial, avec des coudes multiples et ses voûtes élevées.
Les Qasba encore existantes, en totalité ou en partie, sont : Qasba de Bou Jloud, construite par l’almohade En-Nâcer (fin du XII ème siècle), sur l’emplacement d’une ancienne qasba rasée par son grand-père Abd el-Moumen, et édifiée probablement par les Almoravides. Cette qasba servit de résidence aux premiers princes mérinides. Il n’en reste plus que des vestiges.
La Qasba des Filala ou Qasba en-Nouar, Qasba des Fleurs, remonte également à l’émir almohade Mohammed En-Nacer. Elle doit son nom actuel aux gens du Tafilalet qui avaient suivi Moulay Rechid au moment de l’avènement de la dynastie actuelle. Rectangulaire, elle est flanquée aux quatre angles de tours de guet, et a des murs fort élevés reconstruits sous le règne de Moulay Sliman (fin du XVIIIème siècle).
La Qasba des Cherarda, élevée par Moulay Rechid (XVIIème siècle) est située au nord de Fès el-Jdid et en dehors des murs. Ce vaste enclos rectangulaire était destiné à abriter les tribus guich ou tribus makhzen où se recrutait l’armée et qui, en échange des services militaires qu’elles devaient au sultan, recevaient des terres et des exemptions d’impôts.
Quant aux deux bastions qui dominent au nord et au sud Fès el-Bâli, ils furent construits, sur l’ordre du sultan saadien Ahmed El-Mansour (fin du XVIème siècle), par des esclaves chrétiens ; le Bordj Sidi Bou Nafa est de la même époque.
VISITE DE LA VILLE
EMPLOI DU TEMPS
On peut faire des séjours prolongés à Fès sans que l’intérêt faiblisse un seul instant. Le voyageur qui ne disposera toutefois que d’une journée ou deux, passera rapidement à Fès el-Jdid, où il verra le Mellah et contournera le Dar el-Makhzen et le Bou Jloud, il visitera, dans Fès el-Bâli, les souqs de la Qisâriya, les abords du horm de Moulay Idris, fera le tour de la grande mosquée de Qarouiyine, entrera au fondouq des Nejjârine, s’arrêtera sur le seuil d’une ou deux médersas mérinides, telles la Médersa Bou Anâniya et la Médersa des Attârine. Une heure ou deux seront consacrées à la promenade, en auto ou en voiture, du Tour de Fès, qui se développe en belle route et d’où l’on jouit, sur les agglomérations différentes qui forment la capitale marocaine, des sites les plus pittoresques, les plus variés et les plus grandioses.
L’accès des voitures et des automobiles est interdit et impossible, d’ailleurs dans Fès el-Bâli. Les excursions à l’intérieur de la vieille ville se feront donc à pied, ou mieux à cheval ou à mule (Pour ces deux derniers modes de transport s’adresser aux hôtels ou au Fondouq des Chemmâïn).
Pour gagner du temps, on fera bien de prendre comme guides, de jeunes indigènes commençant à parler le français et pouvant déjà fournir d’utiles indications au sujet de l’itinéraire à prendre pour se rendre d’un point à un autre de la ville ; des rétributions très modiques seront suffisantes (50 centimes hassâni par demi-journée ; s’informer dans les hôtels) .
PRINCIPALES CURIOSITÉS
À FÈS EL-BALI
Les rues, les sous, les fondouqs, le horm de Moulay Idris, mosquée de Qarouiyine, les médersas, les palais et les musées du Bou Jloud.
À FÈS EL-JDID
Le Mellah, la grande rue de Fès el-Jdid, le Dar el-Makhzen, la Makina
ENVIRONS IMMÉDIATS
La route du tour de Fès, avec les cimetières des Mérinides et de Bab Fetouh.
ENVIRONS PLUS ÉLOIGNÉS
Sidi Harazem, Moulay Yaqoub, Sefrou, Meknès , Taza
ITINÉRAIRES
Le point de départ des itinéraires ci dessous est la Porte Neuve de Bou-Jloud, située à l’ouest de Fès el-Bâli, sur l’artère principale qui relie les deux agglomérations les plus importantes de Fès et à peu près en son milieu. Les voitures et autos stationnent sur la place avoisinante et les hôtels de Fès el-Bâli en sont proches.
FÈS EL-BÂLI — Les souqs de la Médina
Franchir la porte, en allant vers l’Est. Dans l’arc de cette porte on aperçoit deux élégants minarets dont l’un, celui de gauche, recouvert de mosaïques à faïences polychromes, appartient à la médersa Bou-Anâniya. Prendre la première rue à gauche ; puis descendre la rue immédiatement à droite. On trouve successivement :
Le « souq el-Tâla », abrité par un treillis de roseaux entrecroisés ; l’important groupe de Bou-Anâniya avec, à droite, la médersa dominée par son minaret, et, à gauche, les timbres de l’horloge et de grandes latrines publiques ; les « haddâdine », forgerons ; les « terrâfine », raccommodeurs de babouches ; la mosquée de Cherâbliyine avec son élégant minaret polychrome ; les « ghrâïbliyine », fabricants de tamis ; les « msâmriyine », marchands de quincaillerie indigène ; les « chekaïriyine », marchands de sacs marocains ; le « souq el attaârine », marchands d’aromates et d’épices, qu’on traversera de bout en bout ; ce souq, aux innombrables boutiques bien alignées et aux devantures multicolores, est recouvert d’une haute charpente à deux versants ; il est longé, à droite, par la « qisariya », ensemble de boutiques disposées au long d’un dédale incroyable de rues et, à gauche, par une succession de petits souqs divers : le souq des « khiyâtin » ou tailleurs, le « souq el-tellis » et le « souq el-haïk », souqs où se vendent les lainages du pays.
En face de l’extrémité du souq el-Attârine se trouve l’entrée de la jolie médersa el-Attârine.
Immédiatement à droite de la médersa el-Attârine s’élève la grande mosquée el-Qarouiyine (entrée interdite) des portes de laquelle on a un aperçu très intéressant sur les dispositions intérieures. On en fera le tour entier par la rue Bou-Touil, la place « es-Ceffârine », cuivreurs, d’où l’on pourra faire un crochet dans la rue des « Cebbâghine », teinturiers, la rue « es-Ceffarine » relieurs et libraires, les « quanbiyine », marchands de cordes, les « chemmâïne », marchands de cierges, le souq de Moulay Idris, d’où l’on contourne la zaouya et la mosquée du même nom, la place des « Nejjârine », menuisiers, avec l’admirable groupe monumental du fondouq, de la fontaine et du souq du même nom.
De ces derniers points on pourra bifurquer dans les innombrables souqs de la Qisariya, notamment au « Morgtan » où se vendent les broderies, tissus et cuivres de Fès, ainsi que les tapis de la région.
Du souq des Nejjârine, on regagnera (variantes ci-dessous) la Porte Neuve de Bou Jloud par la rue Zqâq el-Hadjer, qui traverse le petit marché de Souïquet ben Safi, passe
successivement devant le Dar Menebhi où est installé le collège musulman, la petite mosquée Abou el-Hasan (élégant minaret du XIVème siècle) et l’entrée secondaire de la médersa Bou-Anâniya.
Variantes pour le retour :
a – Du souq de Ceffârine, on peut rejoindre Moulay Idris et Nejjârine par la rue des Cherrâtine, où l’on verra successivement les fabricants de lanternes, la Banque Algéro-Marocaine, le Bureau de Poste français de la Médina, la médersa Cherrâtine.
b – Du souq en-Nejjârine, on peut rejoindre la rue Zqâq el-Hadjer qui conduit directement à la Porte Neuve de Bou Jloud, par le Guerniz, dont quelques points du vieux Fès, sont particulièrement caractéristiques.
c – Du souq en-Nejjârine, on peut rejoindre la rue haute Ed-Douh en passant par les rues couvertes du Guerniz, d’où l’on gagne le Mejless el-Baladi, siège du Conseil municipal indigène de Fès, le Siâj, l’Aqbat es-Seba, la poste française du haut de Fès el-Bâli.
d – De Cherrâtine enfin on peut rejoindre la rue Ed Douh par Kettânine, grands fondouqs ou entrepôts, Banque du Crédit Foncier d’Algérie et de Tunisie, Prison civile, Mosquée de Sidi Ahmed ech-Chaoui, Dar Bou Ali, où le pacha rend la justice, le Mejless el-Bâladi et la fin de la variante précédente.
LE QUARTIER DE L’ADOUA ET LES POTIERS
Suivre le premier itinéraire jusqu’à la place des Ceffârine (cuivreurs). Prendre le souq des Mecchâtine, laisser les abattoirs à gauche et traverser le pont d’er-Remila, puis remonter ensuite vers la mosquée des Andalous ; ou bien suivre la rue des Teinturiers, traverser le pont de Sidi el-Aouad, d’où l’on a une intéressante perspective sur Fès ( remarquer constamment au Sud l’élégant minaret de la Mosquée du Rsif) et monter directement à travers les souqs d’el-Qouâss.
Passer devant la Mosquée des Andalous (p. 18) d’où la medersa es-Sahrij (p.19) n’est distante que de quelques dizaines de mètres. Longer à gauche la Mosquée des Andalous et continuer la montée. Sur le plateau, à droite, village de « noualas » berbères. Le quartier des potiers se trouve immédiatement à gauche. Il consiste en ateliers disposés de part et d’autre de rues bordées de murs. Chaque atelier se compose d’une aire plane, plus ou moins vaste, servant au séchage des pièces céramiques. Des locaux abrités pour le tournassage des poteries, le moulage des carreaux et des tuiles, la décoration des formes, des fours pour la cuisson bordent l’aire centrale. A proximité des ateliers de poterie, de tuiles et de carreaux se trouve un enclos le « tamdert » autrefois réservé aux mules de bât du Sultan, aujourd’hui occupé par des troupes.
Pour revenir au Bou Jloud, il sera préférable de suivre un chemin différent de celui de l’aller. On joindra par exemple, la qoubba de Sidi Ali Bou Ghaleb, près de l’arbre fétiche situé en contre bas et aux branches duquel sont suspendus des chiffons et des paquets de cheveux, d’où l’on reviendra aux Nekhäline pour remonter, après la traversée du pont de Rsif, par la mosquée et la curieuse place du Rsif, le Dar Ben Sliman, le Monopole des Tabacs, la Mosquée du Siâj, les rues Aqbat es-Sebâ, Sidi el-Khiyat et ed-Douh.
FÈS EL-JDID ET LE MELLAH
Voitures de louage au départ, place du Bou Jloud.
Au départ, à gauche, mosquée du Bou Jloud, puis une grande place bordée : au Sud, d’un haut et long mur, au Nord, de cellules nombreuses. On franchit ensuite Bab ech-Chems, édifiée par le major Campini, de l’ancienne mission italienne, et restaurée dans le style local en 1916. Immédiatement à gauche, porte donnant accès aux jardins municipaux de Bou Jloud et à la Résidence générale (voir plus loin). La route continue de se développer en droite ligne, laissant à droite un espace libre où chaque soir se réunissent des conteurs arabes. Immédiatement après, groupes architecturaux de murs et de portes dont la plus importante est Bab Dkâken, en face de laquelle se trouve l’entrée de Dar el-Makhzen ou Palais du Sultan.
De Bab Dkâken on pourra visiter : 1° la Makina, immédiatement au Nord (voir plus loin) ;
2° A pied seulement ou avec sa monture, le quartier de Moulay Abd Allah, situé au nord du Dar el-Makhzen. A l’entrée, resserré au pied des hauts murs, coule l’oued qui actionne une immense roue élévatoire d’eau. Plus loin, Djama el-Kebir, la grande mosquée de Fès el-Jdid d’où s’élance un élégant et vieux minaret, puis un souq au centre de l’agglomération où sont principalement réunies les filles soumises. La rue principale de Moulay Abd Allah conduit au Mechouar Bab el-Boujat, immense terrain nu de dix hectares de superficie entouré de murs ; là se dresse le Menzeh ou pavillon dans lequel le sultan reçoit lorsqu’il séjourne à Fès. Deux portes, dans le mur situé au Nord, donnent accès à la route de Meknès.
Après avoir tourné à gauche de Bab Dkâken, on pénètre dans la grande rue de Fès el-Jdid, succession ininterrompue de souqs très animés, marquée par les principaux édifices ci-après désignés :
– Poste de police de Fès el-Jdid ;
– Djama el-Beïda, la mosquée blanche ;
– Djama el-Hamra, la mosquée rouge ;
– L’Hôtel de la Résidence.
Après la porte coudée de Bab Semmârine, on atteint la rue des orfèvres israélites et enfin le Mellah ou quartier juif, extrêmement commerçant et animé, où s’est d’abord concentré le commerce européen de Fès. Un bureau de poste, des cafés et des hôtels s’élèvent à proximité ou en bordure de la grande place du Mellah. L’Ouest de la place est fermé par la porte de Bab Lamer.
Le retour peut s’effectuer :
1° Soit en contournant le long mur qui ferme l’Agdal à l’Ouest ; on traverse alors l’Oued Fès sur le pont Quantra Touïla en amont duquel les fassi viennent planter leur tente, au printemps, à l’époque de la fête du Sultan des Tolba ; puis, arrivé au Rond-Point de la route de Meknès, on rentre en ville par Bab Segma et le vieux Mechouar, d’où l’on peut visiter la Makina, ancienne manufacture chérifienne d’armes transformée depuis 1915 en ateliers d’apprentissage, et regagner l’avenue et la place de Bou Jloud.
2° soit par les jardins d’Aïn-Khemis, d’où l’on a une vue intéressante sur le Mellah et son cimetière, le Bordj de Sidi Bou Nafa, l’immense Pépinière municipale, créée depuis 1912, le chemin de la Résidence qui laisse le Dar Beïda à droite et traverse les jardins de Bou Jloud ( musique militaire les dimanches et les jours de fêtes) et ramène sur l’avenue et la place du Bou Jloud.
LE TOUR DE FÈS
Voitures au départ, place de Bou Jloud.
Le circuit peut se faire dans les deux sens indifféremment. L’itinéraire suivant est établi en commençant vers le Sud.
Quittant l’avenue du Bou Jloud à Bab ech-Chems, on entre dans les jardins du Bou Jloud, on passe ensuite devant le Palais de la Résidence et l’on rejoint la route qui conduit à l’Hôtel Belle-Vue. Laissant à gauche Bab el-Hadid, on longe l’enceinte de l’Hôpital Auvert pour descendre, par une route en lacets tracée dans les vergers, vers Bab Jdid, surmontée d’un aqueduc qui alimente l’oued Fès. Après la traversée du pont Qantra Kebira, on suit sur 600 mètres environ, la route de Sefrou pour reprendre le chemin qui passe immédiatement au pied du Bordj Sud. Belle vue sur les ravins boisés des oueds Zitoun, Masmoûda, Khrâreb, branches diverses de l’oued Fès, et sur le quartier d’Andalousiyine. Descente sur Bab Fetouh, dominé par le cimetière de droite où l’on pourra s’arrêter quelques instants, soit pour jouir du coup d’oeil sur la ville, soit pour visiter le quartier des potiers.
De Bab Fetouh, on se dirige vers l’Est (route de Taza) sur une distance de 300 mètres, puis descente rapide à gauche, dans de plantureux et importants vergers.
Après la traversée du pont sur l’oued Fès, tourner brusquement au Nord-Ouest. A droite, se développent les flancs dénudés du Zalagh, à gauche, des ravins magnifiques marqués par une végétation luxuriante. Montée en lacets qui ramènent aux remparts avoisinant Bab Guissa et le cimetière du même nom.
Au tournant le plus proche de cette porte, les touristes pourront mettre pied à terre, le soir après 4 heures, pour voir le conteur entouré de ses auditeurs groupés sur une sorte d’amphithéâtre naturel, très pittoresque, longeant les fortifications. Nouvelle montée en lacets en contrebas des tombeaux mérinides et ascension continue jusqu’à proximité du fort Chardonnet, d’où l’on a une vue magnifique sur Fès el-Bâli qui apparaît dans toute sa splendeur. On fera bien de s’avancer à pied, sur les pentes, pour jouir du coup d’oeil entier.
La route s’allonge ensuite en droite ligne vers l’Ouest laissant à droite des fours à chaux en action, à gauche le Bordj Nord, puis au loin la Qasba des Cherarda où est installé l’Hôpital Coquart (sic).
Au Sud, vue sur le Dar el-Makhzen et Fès el-Jdid. Plus loin, au Sud-Ouest, se dessinent Dar Mahrès et Dar Debibâgh.
On rentre en ville par Bab Segma, le Mechouar de la Makina et l’avenue de Bou Jloud.
DAR DEBIBÂGH ET DAR MAHRÈS
Ce parcours peut être effectué à pied, à dos de bête de somme, en voiture ou plus rapidement, en une heure, en automobile.
De la place Bab Bou Jloud, on sortira de la ville par Bab Segma, puis tournant à gauche, au rond-point de la route de Meknès, franchir le pont Qantra Touïla, sur l’oued Fès, le long des murs de l’Agdal. Laissant à droite le lotissement de la ville européenne et la gare, on traversera les jardins de Dar Debibâgh, pour passer devant l’entrée de la Qasba de même nom. Au-delà, à gauche, se trouve le cimetière européen, déjà important. On fera le tour complet de la Qasba occupée par des troupes, un poste de T.S.F. et le Trésor et Postes aux Armées.
Ce tour ramènera le visiteur à l’entrée de Dar Debibâgh. De là, se dirigeant vers l’Est par la route déjà bordée d’arbres, il gagnera le grand quartier militaire de Dar Mahrès, situé sur une pente d’où l’on a une vue intéressante sur Fès el-Jdid et le Mellah. Une route, traversant une ligne de fours à briques et de luxuriants jardins conduit au pied de Sidi Bou Nafa, d’où l’on rejoint Fès el-Jdid par Bab Jiâf, place Bou Jloud ou par le chemin de la Pépinière et de la Résidence.
LES MUSÉES
Les musées de Fès sont provisoirement installés au Palais du Batha, en face des locaux actuellement occupés par le Cercle des Officiers, à l’extrémité ouest du jardin. On y accède par la rue ed-Douh. On peut les visiter (entrée gratuite).
Encore peu importants, ces musées comprennent :
1° Une Salle d’archéologie, à gauche, qui renferme des portes à panneaux et des bois sculptés, des mosaïques de faïence vernissée, des pierres tombales en marbre avec inscriptions, des plâtres fouillés, tous documents provenant pour la plupart d’une vieille maison mérenide du XIV ème siècle, sise au Souïqet ed-Debbân, construite et ornée suivant les traditions de l’art hispano-mauresque ;
2° Une Salle d’Arts industriels, à droite, où sont réunis des produits de l’industrie contemporaine, citadine et rurale.À noter, parmi les premiers, des poteries émaillées de Fès (collection Mellier) ; des ceintures de femmes, brochées ; des broderies de soie et d’or ; des cuirs et cuivres ouvragés ; des bijoux ; des reliures ; des étagères peintes ; des coffres recouverts de cuir et cloutés, etc. L’art rural de la région est représenté par les tapis à points noués et à haute laine, des tissus ornés à poil ras, des poteries berbères, tous objets à ornementation géométrique rectilinéaire ;
3° Une Salle d’Armes, entre les deux précédentes où sont rassemblées plus de 1300 pièces de toutes provenances et de toutes époques : fusils, sabres, cimeterres, pistolets, tromblons, poires à poudre, et armures, etc.
EXCURSIONS SUBURBAINES
En dehors des promenades très intéressantes qui peuvent être faites aux environs immédiats de Fès il convient de mentionner les excursions de plus longue portée qui permettront aux touristes de se faire une idée plus complète de la région de Fès et des régions voisines. Nous recommandons plus particulièrement la visite de Sefrou, de Meknès, et de Taza.
Sidi Harazem : 12 kilomètres. Deux heures à cheval ou à dos de mulet sur une piste excellente jusqu’à deux kilomètres de ce point.
Petit village berbère bâti sur les flancs d’un coteau. Les huttes de branchages et de terre qui le composent sont curieusement couronnées de nids de cigognes. Au pied du village se trouve le marabout du Saint Sidi Harazem et la source du même nom, d’où jaillit une eau chaude dans laquelle viennent se baigner de nombreux malades. Un beau bouquet de palmiers entoure la source et le marabout du Saint qui constituent un intéressant but de promenade.
Moulay Yacoub : 28 kilomètres. Bonne piste autres auto-cyclable par beau temps, pouvant être parcourue en une heure.
Sortir de Fès par Bab Segma en suivant la route de Meknès jusqu’au kilomètre 4. Piste à droite, très fréquentée, au travers de cultures céréalifères. Montée au sommet d’une colline d’où l’on jouit, sur la plaine du Saïs et les montagnes qui la limitent au Sud, d’un bon panorama. Vers l’Est, on aperçoit les sommets neigeux des Beni Ouaraïn. A l’Ouest et au Nord terrains mouvementés que surveille le massif du Zerhoun. Après avoir contourné plusieurs crêtes, on atteint, au bas d’une descente Moulay Yacoub, petit village berbère de quelques centaines d’habitants, s’élevant auprès du tombeau du Saint et d’une source d’eau sulfureuse. Celle-ci alimente un bassin où viennent se baigner des indigènes atteints de maladies de la peau.
Sefrou : 33 kilomètres. Une heure d’automobile sur une bonne piste.
La piste se développe dans la plaine du Saïs et s’élève peu à peu jusqu’à Sefrou, ville de 8000 âmes environ dont 5000 Israélites, encadrée dans un épais massif de vergers où croissent à la fois les essences fruitières de la zone méditerranéenne et des régions plus tempérées. Du poste militaire qui domine la ville de plusieurs centaines de mètres, on jouit d’un coup d’oeil magnifique : la cité apparaît sous la forme de deux îlots blancs entourés de hautes murailles, le tout se détachant dans un immense oasis de verdure.
A quelque distance plus au Sud de se trouve Anoceur où commencent les forêts de cèdre qui approvisionnent Fès en bois de menuiserie et de construction.
Meknès : 60 kilomètres environ. Le voyage peut s’effectuer soit par chemin de fer militaire en cinq heures (départ de Dar Debibâgh à 13 heures, arrivée à Meknès à 18 heures), soit par le service automobile en deux heures (départ de la place Bab Bou Jloud à 15 heures, arrivée vers 17 heures).
Ville de 33 000 âmes environ, située au centre d’une région fertile, ancienne capitale du sultan Moulay Ismaïl, contemporain de Louis XIV, Meknès offre le plus grand intérêt. Ses souqs, ses monuments, son Mellah, ses anciennes fortifications, ses jardins, méritent d’être visités. Elle peut, en outre, être le point de départ de très belles excursions :
– au Nord : Volubilis, ancienne ville romaine (deux heures en auto, quatre heures à dos de mulet), qu’on déblaie actuellement.
Tocolosida, voisine de Volubilis, qui referme également quelques vestiges romains.
Moulay Idris, village indigène pittoresquement situé dans une gorge sauvage du Zerhoun, où se trouve le tombeau et le sanctuaire du fondateur de la dynastie des Idrissides.
Le Zerhoun, massif montagneux peuplé de plusieurs villages berbères.
– au Sud : Agouraï (35 k., une heure en auto sur piste satisfaisante). Ancienne Qasba entourée de hautes murailles, sur la limite des tribus Guerouan et Beni Mtir.
El Hajeb (35 k., bonne piste). Sur le rebord d’un plateau. Chef-lieu de l’annexe des Beni Mtir.
Lalla Ito (70 k., bonne piste). Poste important qui domine une région mouvementée, très pittoresque.
Azrou (81 k., bonne piste). Village au pied du Moyen-Atlas, à proximité d’importantes forêts de cèdre.
C’est au sud de Lalla Ito et d’Azrou que se déploient, en éventail, les avants-postes français qui gardent les contreforts de l’Atlas.
Taza : 160 kilomètres. Piste accessible aux automobiles (route en construction sur 11 k.) : trajet en sept heures par El-Arba de Tissa, Oued Amelil et Bab Merzouka.
Ville arabe de 6 000 âmes environ, située sur un plateau de 625 mètres d’altitude, entre les massifs montagneux des Branès et des Ghiatas, entourée d’une triple enceinte de remparts aux tours crénelées. La ville a l’intérêt des agglomérations mauresques ; elle possède quelques monuments intéressants, notamment la grande mosquée. Le quartier du Mellah a été complètement détruit par les incursions des Ghiatas. La jonction des colonnes françaises du Maroc oriental et du Maroc occidental s’est opérée à Taza en 1914.
De Taza on peut gagner Oudjda et l’Algérie par Mçoun, Guercif, Taourirt et El-Ayoun par le petit chemin de fer militaire à voie étroite.
Le Guide de Fès 1916 comporte 29 pages de publicités, pleine page, toutes placées en fin de guide. J’ai regroupé ces publicités par 2.
Photographie qui n’existe pas dans le guide de Fès de Prosper RICARD, mais qui illustre bien la description qu’il nous fait de la ville de Fès en 1916.
Cliché pris vers 1920.
Vue aérienne qui permet de voir les agglomérations de Fès el-Jdid (avec à gauche le Mellah) et Fès el-Bali. On distingue le Méchouar de la Makina, l’avenue des Français et l’esplanade de Bou-Jloud qui relient les deux villes. Au premier plan, à gauche l’enclos du « tamdert » à Bab Fetouh.
Le 29 Juillet 2018
Source web par : Ouedaggai.Wordpress
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