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Sahara au Sommet de l’UA : Les motifs d’un revirement [Décryptage]

Sahara au Sommet de l’UA : Les motifs d’un revirement [Décryptage]

Moussa Faki Mahamat a atterri, mardi soir, à Tindouf, dernière étape de sa tournée avant de présenter un rapport détaillé devant les chefs d’Etat africains réunis dès le 1er juillet en Mauritanie. Un document qui ne semble pas inquiéter la diplomatie marocaine. Abdelfattah El Fatihi et Abdelfattah Belamachi décrypte ce revirement.

Le dossier du Sahara fera l’objet d’un rapport sur les propositions de l’organisation continentale en vue d’un règlement de la question du Sahara occidental lors du 31e sommet de l’Union africaine, prévu les 1er et 2 juillet en Mauritanie voisine. Depuis plusieurs jours, le président de la Commission de l’Union africaine effectue une tournée régionale qui l’a mené notamment au Maroc et à Tindouf pour cette même raison.

Alors que le Maroc a catégoriquement refusé, à plusieurs reprises, toute implication de l’UA dans le règlement du conflit du Sahara occidental, le royaume ne semble pas réagir à ces dernières actualités. Pis, le communiqué final des autorités marocaines suite à la visite de Moussa Faki Mahamat fait même l’impasse sur le rapport détaillé que doit présenter le Tchadien devant les chefs d’Etat lors du sommet de Nouakchott.

Un «danger» pour le Maroc

S’agit-il d’un revirement de la partie marocaine ? Abdelfattah El Fatihi y voit un «danger». Contacté par Yabiladi ce jeudi, l’expert stratégique dans les affaires maghrébines et du Sahara rappelle d’abord que «c’est monnaie courante que l’Union africaine demande des rapports sur la question sur Sahara». «Cela intervient toujours suite à une demande de l’Algérie et du Front Polisario et leurs relais. Ce qui est nouveau aujourd’hui réside dans le fait que le Maroc est désormais membre de l’UA, ce qui met davantage sous la loupe le dossier du Sahara», enchaîne-t-il.

«Le Maroc n’était pas consulté lorsqu’il ne faisait pas partie de l’organisation panafricaine mais désormais, il est consulté tout comme les autres parties de ce différend. Cela permettra donc de présenter des rapports équilibrés. Mais concrètement, cela constitue un danger puisque le retour à l’UA n’a pas permis au Maroc d’intégrer toutes les structures décisives de l’organisation panafricaine.»

Et une épreuve pour l’UA

Pour lui, «l’Algérie, l’Afrique du Sud et les supporters du Polisario continuent de dominer l’UA, ce qui empêche toujours que l’organisation soit capable d’intervenir dans le dossier épineux et compliqué du Sahara». «Le Maroc ne tente pas d’éviter le débat mais il sait, en se référant à l’histoire et aux décisions précédentes, que l’UA n’est pas neutre sur ce dossier», fait-il savoir.

Abdelfattah El Fatihi estime qu’«aujourd’hui, le dossier sera présent en force devant l’UA suite aux consultations élargies menées par Horst Köhler auprès d’institutions et d'organismes régionaux». Des consultations «basées sur la thèse selon laquelle les deux parties du conflit siègent toutes les deux au sein de l’Union africaine. C’est donc cette même organisation qui pourra, selon Köhler, être capable d’instaurer des pourparlers directs qui étaient jusque-là quasi-impossibles», nous déclare l’expert.

Il voit même dans ce prochain sommet de l’organisation basée à Addis-Abeba, «une nouvelle occasion pour l’UA d’attester que ses institutions disposent d’une gouvernance politique et sont capables de l’ériger en tant qu’organisation continentale disposant de la confiance de tous ses membres». «Cela dit, le Maroc peut suivre le prochain rapport (de Moussa Faki, ndlr) et œuvrer pour qu’il soit équilibré», conclut-il.

Un mal pour un bien

De son côté, le professeur de relations internationales à l’Université Mohamed V Rabat, Abdelfattah Belamachi, rappelle aussi que l’Union africaine s’est toujours saisie de la question du Sahara, «d’une façon ou d’une autre». «Ce que le Maroc refuse, c’est que ce dossier soit suivi par un envoyé spécial de l’UA au Sahara. Mais pour que le dossier face l’objet de discussions, il faut rappeler que cela a toujours été le cas depuis longtemps, bien avant l’adhésion du Maroc à l’organisation panafricaine», poursuit-il.

L’expert nous indique aussi que «le fait que l’UA soit intéressée par ce dossier n’est pas un problème, mais il ne faut pas qu’elle soit un intervenant ou joue un rôle pour la recherche d’une solution».

«Pour l’UA, le Maroc considère peut-être que son fauteuil au sein du Conseil de la paix et de la sécurité lui permet d’expliquer sa position ou de trouver une réponse aux appels à l’intervention de l’organisation panafricaine, c’est la diplomatie qui peut prendre ce genre de décisions. Je ne crois pas que le rapport du président de la Commission africaine sera impactant ou permettra de prendre une quelconque décision au sein de l’UA.»

Notre interlocuteur rappelle aussi qu’il y a une «reconnaissance internationale de la nécessité à ce que les organismes régionaux jouent un rôle dans le règlement de conflit en collaboration avec l’ONU». «C’est un mal pour un bien, lorsqu’on sait que le dossier du Sahara n’est pas un conflit armé nécessitant l’urgence d’une intervention régionale de la part de l’UA», estime-t-il.

Tout en faisant savoir que les organisations internationales «peuvent mettre sous les feux des projecteurs certains dossiers la concernant», Abdelfattah Belamachi estime que «si cette présentation (du rapport de Faki, ndlr) menaçait les intérêts du Maroc, la diplomatie se serait activée pour intervenir». Et même dans ce cas de figure, «l’UA ne peut pas imposer au Maroc ses décisions», conclut-il.

Le 21 Mai 2018

Source web Par yabiladi

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