Boycott et morosité économique: inquiétude dans les milieux d'affaires

Le mouvement de boycott de certains produits de grande consommation, entamé il y a plus d'un mois, a pris une telle ampleur qu'il impacte considérablement le climat des affaires. Ralentissement, attentisme, profil bas, inquiétude sont des mots qui reviennent dans les conversations. Des observateurs de haut niveau évoquent un tassement prévisible des investissements privés.
En marge de l’assemblée générale élective du nouveau président de la CGEM, tenue le 22 mai, nous avons interrogé à ce sujet des chefs d'entreprises connus, dans différents secteurs. Tous ont requis l'anonymat. Les temps sont à la discrétion.
Voici leurs réponses:
> Agroalimentaire/ production:
Le patron d’une entreprise opérant dans le secteur agroalimentaire a clairement exprimé son inquiétude par rapport au mouvement de boycott initié le 20 avril dernier.
«Nous ne pouvons pas être insensibles à la campagne de boycott, c’est sûr qu’elle nous a perturbés surtout que nous n’avons pas l’habitude de voir ce type de mouvement», déclare-t-il.
Il poursui : «il est vrai que le moral n’est pas au beau fixe. La question qui se pose est de savoir comment mettre fin à ce type de mouvement et comment y faire face si, un jour, nos produits sont dans le viseur des citoyens».
Il ajoute que le manque de visibilité qui règne actuellement implique un manque de confiance des entrepreneurs, ce qui se traduit directement par un ralentissement des investissements.
Dans ce sens, notre interlocuteur interpelle le gouvernement qui, selon lui, doit activer le conseil de la concurrence et déclencher une enquête sur les entreprises boycottées.
Interrogé sur la question des investissements futurs, notre source répond que son entreprise poursuivra les investissements déjà engagés mais n’ira pas plus loin que cela.
Cela dit, nous avons posé la question à un autre opérateur appartenant au même secteur. La réponse était différente.
«Nous sommes sereins pour l’instant, nous sommes optimistes par rapport à la rationalité du grand public», nous indique-t-il.
Il ajoute: «je pense qu’il ne faut pas craindre un mouvement de boycott si une entreprise opère dans les normes; il n’y aura aucune raison pour que les gens l’attaquent».
Dans ce sens, notre interlocuteur précise que les entreprises marocaines doivent agir en responsabilité, faire plus attention et communiquer toutes les informations nécessaires au grand public.
> Tabacs manufacturés:
De son côté, le patron d’une multinationale opérant dans l'industrie du tabac nous affirme que l’environnement est actuellement stable, à tendance négative.
Au sujet du mouvement de boycott, il s’exprime ainsi: «Le boycott illustre bien un changement de paradigme: l’individu a maintenant le pouvoir de faire tomber les grandes institutions».
«Nous avons l’impression que ce qui était impossible autrefois est devenu possible aujourd’hui ; ce n’est pas rassurant pour un entrepreneur», ajoute-t-il.
Prudent, notre interlocuteur poursuit: «je pense qu’il faut dorénavant prendre en considération ce type de mouvement ainsi que le rôle du consommateur dans le monde des affaires».
«L’impact sur le climat des affaires est direct surtout à cause du manque de visibilité et de la volatilité des décisions aujourd’hui», précise notre source.
«Le mouvement de boycott, en soi, ne me freine pas mais la réaction "lamentable" des pouvoirs publics laisse à désirer!», conclut-il.
> Immobilier:
Dans le secteur immobilier, le patron que nous avons sollicité perçoit le phénomène du boycott comme une véritable alerte.
«La campagne de boycott a eu un gros impact sur certains investisseurs, moi inclus, mais cela ne m’empêchera pas de continuer d’investir; le secteur a déjà connu le pire et nous sommes sur le point d'entamer une période de reprise», explique-t-il.
Néanmoins, il faut, selon lui, activer et promouvoir la transparence du conseil de la concurrence et renforcer le rôle des organismes de défense des consommateurs.
Il conclut: «Nous sommes confiants mais il faut mettre en place des mécanismes de régulation plus efficaces».
> Textile:
A l’instar de la majorité des entrepreneurs, un investisseur dans le secteur du textile partage l’idée selon laquelle le mouvement de boycott impacte significativement le climat des affaires et pointe le vide laissé par le conseil de la concurrence.
«Si le sujet n’est pas traité, nous craignons que cela devienne une habitude chez les consommateurs, ce qui risque d'entraîner un recul des investissements, en particulier l'arrivée de nouvelles marques dont le pays a besoin», indique-t-il.
Par ailleurs, notre interlocuteur estime que le secteur du textile au Maroc connaît déjà un désengagement important des investisseurs.
> BTP:
Contrairement à la majorité des investisseurs interrogés, le patron d’une entreprise opérant dans le secteur du BTP reste optimiste malgré le phénomène de boycott.
«Moi j’ai un moral de combat! C’est quand ça ne se déroule pas bien qu’il faut se battre», déclare-t-il.
Selon lui, le boycott ne vise pas l’économie mais les pratiques qui pourraient être illicites ou qui pourraient toucher le consommateur directement. Ainsi, il estime que «cela n’empêche pas ceux qui veulent poursuivre leur activité de travailler tout en optant pour la transparence et la concurrence loyale».
Toutefois, notre interlocuteur fait savoir que le problème qui menace le secteur est principalement la baisse de la consommation de ciment durant les 5 dernières années.
Interrogé sur la question des investissements futurs, l’entrepreneur précise que seuls des investissements de transformation et de restructuration sont prévus.
> Services d’audit et de conseil:
Enfin, le patron et dirigeant d’un cabinet de conseil et d’audit rejoint la majorité des patrons en estimant qu’une certaine inquiétude règne sur le climat des affaires au Maroc. Selon lui, cette inquiétude est amplifiée par le manque de visibilité pour les entrepreneurs.
«Un tel phénomène est nouveau et doit désormais être intégré dans la stratégie d’investissement et de gestion des affaires au niveau de chaque entreprise», insiste-t-il.
Pour remédier à la situation actuelle, notre interlocuteur estime qu’il faut rétablir la confiance des investisseurs en améliorant le fonctionnement des institutions de régulation et la transparence des entreprises.
Le 23 Mai 2018
Source Web : Le Boursier
Les tags en relation
Les articles en relation

#TOURISME_MAROC_CNT_CGEM: Une «Commission Tourisme» à la CGEM ?
Des appels pressants pour la création d’une « Commission Tourisme » à la CGEM seraient suivis avec beaucoup d’intérêt par des professionnels, projet p...

PLF2018. CGEM: “Des satisfactions et des regrets“
Le PLF 2018 est présenté comme le budget de l’entreprise, de l’emploi et de la relance. Ce n’est pas totalement l’opinion de la CGEM. Abdelakder Boukh...

#MAROC_TOURISME_RESTAURATEURS_Ramadan : Un mois qui s’annonce difficile pour les restaurateurs
Au fur et à mesure que l’on se rapproche de ramadan, l’inquiétude des restaurateurs augmente. Durement impactés par la crise liée à la Covid-19 l’ann...

#MAROC8FRANCE : Le Maroc et la France main dans la main pour un partenariat du futur
Les échanges commerciaux entre le Maroc et la France ont enregistré un taux de croissance moyen de l’ordre de 4,5%, passant de 56 milliards de dirhams (5,7 ...

#Maroc_Israël_22/03/2021 : Nouveaux accords entre les organisations patronales
La coopération entre le Maroc et Israël prend une autre tournure avec la signature, lundi 22 mars, d’un accord de partenariat stratégique pour promouvoir l...

Dialogue social: 37 projets de décrets devant le Conseil de gouvernement
Le gouvernement entame le processus de mise en œuvre de l'accord du 25 avril 2019 relatif au dialogue social. Trente-sept projets de décrets seront ain...

Maroc : la nouvelle hausse du salaire minimum légal actée
Le Conseil de gouvernement a approuvé, ce jeudi, le projet de décret n°2.23.799, fixant le salaire minimum légal pour les activités agricoles et non agrico...

Maroc : Nouveau soutien aux TPME via la Charte d’investissement
Le gouvernement marocain renforce son soutien aux TPME à travers un nouveau dispositif d’appui à l’investissement lancé dans le cadre de la nouvelle Char...

Droit de grève au Maroc : vers une loi organique équilibrée après 60 ans d'attente
La Commission de l’enseignement, des affaires culturelles et sociales à la Chambre des conseillers poursuit l’examen du projet de loi organique n° 97.15 s...

Casablanca: Tenue de l'AGO de la CGEM
La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a tenu, vendredi à Casablanca, son Assemblée générale ordinaire (AGO) sous la présidence de C...

Forum des compétences marocaines en Allemagne : 3ème édition
Eco et finances - Le 3ème forum des compétences marocaines en Allemagne a débuté ses travaux du 30 septembre jusqu'au 1er octobre 2017 à Tanger. Le t...

L’industrie marocaine inaugure une nouvelle ère
Un message Royal trace la voie du secteur lors de sa première journée nationale Industrie : La tenue de la journée nationale de l’industrie, initiée co...