Maroc : Moulay El Hassan, l’apprentissage d’un futur roi

À 15 ans, le prince héritier est de plus en plus présent sur la scène publique et semble déjà très à l’aise avec son destin royal. Comment Mohammed VI le prépare-t-il à lui succéder ? Quels sont les traits de sa personnalité ? Éléments de réponse.
Mardi 24 avril, sur le site de Sahrij Swani à Meknès. Moulay El Hassan préside l’ouverture du Siam (Salon international de l’agriculture au Maroc), grand-messe agricole du royaume. L’allure fière dans son costume sur mesure, les gestes posés, il remet des distinctions aux agriculteurs marocains – ces grands défenseurs du trône alaouite, comme les qualifiait le politologue Rémy Leveau – avant d’effectuer une tournée des stands.
Le temps est révolu donc où le petit Moulay El Hassan accompagnait son père à cet événement et bousculait le circuit de la visite. « Il avait presque 4 ans quand il a assisté pour la première fois avec Mohammed VI à l’inauguration de la deuxième édition de ce salon, se souvient un habitué de la manifestation. Comme tout petit garçon, quand il a vu des vaches, des moutons et autres animaux de la ferme, il a voulu les approcher de près. Mohammed VI, ravi de la vivacité de son enfant, est alors sorti du tracé officiel balisé par le tapis rouge. » Quitte à désorienter la cohorte des officiels. Ces attendrissants égarements protocolaires font désormais partie du passé…
Agenda princier
À la veille de ses 15 ans, qu’il fête le 8 mai, Moulay El Hassan s’apparente déjà à un « petit chef d’État » qui se forme au métier de roi à l’ombre de son père. Il est désormais omniprésent sur la scène publique, comme en témoigne son agenda princier chargé : le 20 mars, à Rabat, celui que l’on appelle Smyet Sidi – en référence à son grand-père – dans l’enceinte du palais, a présidé un dîner organisé en l’honneur de l’ancien président français François Hollande.
Le 8 février, Moulay El Hassan donnait le coup d’envoi du Salon international de l’édition et du livre à Casablanca. Le 4 février, c’est également lui qui a remis le trophée aux Lions de l’Atlas, grands vainqueurs du Championnat d’Afrique des nations 2018 de football.
Le tout en l’absence de Mohammed VI, alors en convalescence à Paris après une opération chirurgicale pour une arythmie cardiaque. Moulay El Hassan s’est d’ailleurs rendu dans la capitale française pour poser tout sourire au chevet de son père avec les autres membres de la famille royale. Détail significatif du cliché officiel : c’est Moulay El Hassan qui tient la main du chef de famille, du chef de l’État…
Mohammed VI, papa cool
La complicité entre le roi et son prince saute aux yeux. Accolades, bises franches, regards emplis de tendresse, selfies sans apparat, rires et moments de connivence… Avec son fils, Mohammed VI n’est pas avare de démonstrations d’affection et tient à montrer qu’il est avant tout un papa comme les autres. Différent en cela de son père, Hassan II.
Mohammed VI avait 8 ans quand il a prononcé son premier discours à l’Académie militaire de Kenitra et 10 ans quand, en 1974, il est chargé de représenter Hassan II à l’enterrement de Georges Pompidou. Sidi Mohammed, en djellaba et coiffé d’un tarbouche grenat ressemble à « une petite virgule rouge dans la cathédrale », comme le décrit alors la presse de l’Hexagone.
Le papa attentionné qu’il est devenu a longtemps préservé son fils en tenant compte de son caractère plutôt timide et fait en sorte depuis deux ans que celui-ci apprenne à se sentir à l’aise dans les mondanités et devant les caméras. Au point que le quotidien espagnol El Mundo, généralement peu tendre envers la monarchie marocaine, écrit : « On a rarement vu un petit garçon traiter avec autant de facilité et de courage avec les rois et les chefs d’État. »
Coqueluche des médias
C’est qu’en décembre 2017 père et fils posaient devant les photographes, sourires Ultra Brite, sur le perron de l’Élysée aux côtés d’Emmanuel et Brigitte Macron, en marge du One Planet Summit. Cela a été une nouvelle occasion pour la presse internationale de couvrir d’éloges ce « super beau gosse », ce « prince de la mode » au « maintien impeccable » et au « sens aiguisé du protocole ».
Les journalistes people s’émerveillent depuis toujours devant son regard « pétillant d’intelligence ». Dans un dossier intitulé « Leçon particulière », consacré à leur duo père-fils, le magazine Paris Match décrit l’actuel souverain comme un « père tendre et attentif », et Moulay El Hassan comme « un fils qui écoute les conseils de son père ».
Le reportage a eu lieu en marge de la COP22 sur les changements climatiques, organisée à Marrakech en novembre 2016. Pour le royaume, c’est un événement très attendu, dont tout le monde parle depuis des mois. Pour Moulay El Hassan c’est la plongée dans le grand bain de la géopolitique internationale : « À 13 ans, le prince héritier assiste déjà à certains grands événements officiels pour apprendre le métier de roi, comme son père au même âge », écrit l’hebdomadaire. En réalité, Moulay El Hassan a alors presque 14 ans, et cette première vraie apparition officielle intervient bien plus tard que celle de son père à l’époque où il était prince héritier.
Éducation royale
Soixante-treize ans plus tôt, son grand-père Moulay Hassan (le futur Hassan II), âgé lui aussi de 13 ans, participait à la conférence d’Anfa avec Churchill et Roosevelt. C’est d’ailleurs à ce moment qu’il comprend que la superpuissance américaine est un acteur avec lequel il sera utile de composer dans l’avenir… Ainsi va l’éducation royale chez les Alaouites : aller sur le terrain, s’habituer à l’exercice des responsabilités, fréquenter les chefs d’État et l’élite, écouter religieusement les conversations feutrées des grands de ce monde pour développer son sens de l’analyse et définir sa grille de lecture.
En cela, Mohammed VI ne déroge pas à la façon de faire de Hassan II et de Mohammed V. Les enjeux, bien sûr, ont changé, question d’époque. Moulay El Hassan est sensibilisé à l’écologie, quand la génération de son grand-père avait surtout été marquée par le colonialisme et les horreurs de l’occupation nazie. Autre point commun : comme son père et son grand-père auparavant, Moulay El Hassan étudie dans l’enceinte du palais, au Collège royal, suivant des programmes quasi similaires à ceux qu’a connus Mohammed VI, incluant le cours d’apprentissage et de déclamation du Coran dispensé chaque matin.
Lors d’une interview accordée à Paris Match en 2004, Mohammed VI déclarait : « Mes sœurs, mon frère et moi avons été éduqués de manière sévère, avec un programme scolaire très chargé. Nous avons également eu une solide éducation religieuse à l’école coranique du palais. Je veux que mon fils reçoive les mêmes principes de base. » Avant d’ajouter : « Je ne veux pas qu’il soit forgé à mon image, mais qu’il forge sa propre personnalité. »
Sans doute. Reste que les études supérieures du prince se feront en adéquation avec les exigences de son futur métier de roi et seront donc décidées par son père sur cette base précise, non sur celle d’un quelconque élan personnel. Ainsi, et contrairement à ce qui a pu être dit (et écrit) récemment, Moulay El Hassan n’a nullement l’intention de préparer le concours d’entrée au collège de formation des pilotes de chasse. C’est une règle : la famille royale s’interdit de dépasser certaines limites, quelles que soient les passions – et les élans – personnels.
Autre idée fausse : celle selon laquelle Moulay El Hassan recevrait des cours de protocole. « Il n’y a rien de tel, confie une source au sein du palais, le protocole n’est pas une formation que l’on dispense. Le prince “grandit dedans” et c’est Mohammed VI lui-même qui en inculque les règles à son fils. » Par ailleurs, Moulay El Hassan, parfaitement polyglotte, parle déjà l’arabe, le français, l’anglais et l’espagnol. Et prononce des discours, à l’occasion des fêtes de fin d’année du Collège royal, de façon fluide et éloquente.
Concernant les loisirs, là aussi Moulay El Hassan se distingue de son père. Mohammed VI est un amoureux des voitures de course et de jet-ski. Son fils adore le foot et le basket, pratiquant aussi la natation, le ski et l’équitation. Lui-même cavalier émérite, Mohammed VI suit personnellement les programmes d’entraînement du prince, qui devrait bientôt participer à ses premiers concours hippiques.
La presse espagnole croit aussi savoir qu’il apprécie l’équipe du Barça et qu’il est fan de Lionel Messi, même s’il a dû remettre le trophée du Championnat du monde des clubs au Real Madrid, en 2014, à Marrakech. En revanche, père et fils partagent un certain penchant pour les performers et les chanteurs grand public, notamment Maître Gims.
Un prince du XXIe siècle
Dans les salons huppés de Rabat, les élites se plaisent à dire que Smyet Sidi est « éduqué pour devenir un monarque révolutionnaire dans le monde arabe ». Fantasme ou réalité ? Vu l’environnement dans lequel il a grandi, son futur règne sera en tout cas différent de celui de ses aïeux. D’abord, contrairement à son père, Moulay El Hassan a été élevé au sein d’une famille nucléaire. En cela, il sera un enfant certes hors du commun mais de plain-pied dans le XXIe siècle ; un siècle dont il connaît déjà les grands enjeux.
Ensuite, contrairement à son grand-père que tout le monde devait laisser gagner au tennis, Moulay El Hassan n’a pas été habitué à la flagornerie. Lorsqu’il joue au foot au centre d’entraînement des FAR de la Maamoura, à Rabat, avec plusieurs enfants de militaires, ses adversaires ne lui épargnent pas les tacles appuyés. Un camarade l’a même blessé au pied il y a quelques années, sans toutefois subir de châtiment ni même se retrouver écarté de la pelouse foulée par le prince…
Le 17 Mai 2018
Source Web : Jeune Afrique
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