Le Maroc paralysé par l’endogamie public-privé
Blocage, Hirak, zelzal, boycott et maintenant scandales d’Etat mettant en lumière les limites du mélange des genres et des conflits d’intérêts, le Maroc est balloté de crise en crise. La paralysie gouvernementale est telle que pour sortir le pays de l’ornière, le Palais devra sacrifier au moins ses deux tours, Akhannouch et MHE, pour que la partie d’échecs perdure sans plus de casse. Osera-t-il ?
Le greffon n’a pas pris. Censés noyauter le résidu du PJD qui justifiait le respect des élections et de la Constitution, Aziz Akhannouch et Moulay Hafid Elalamy, les deux super-ministres ré-imposés par le Palais comme des mords aux islamistes sont pris chacun dans une tourmente infernale.
Hier coqueluches du coup d’Etat contre Abdelilah Benkirane et de l’ingéniosité ancestrale du Makhzen à faire et défaire la politique de ce pays, ils sont après un tour de piste gouvernemental, devenus les boulets du Makhzen.
En haut de la pyramide, le roi vaque à ses occupations lointaines, laissant dans l’arène du pouvoir quotidien des technocrates peinturlurés du bleu de la colombe mener la barque de l’exécutif à qui la barre a été confiée à un chef de gouvernement intermittent du spectacle.
Des hiraks de rue au boycott numérique, les bourrasques ont vite démontré qu’il faut des politiques de carrière pour calmer les ardeurs populaires et non des businessmen affairés à leurs parts de marché et autres fusion-acquisitions.
Le président-express du RNI a été pris la main dans le pot de confiture de la libéralisation des hydrocarbures, tandis que le raider de l’industrie est soupçonné d’avoir porté son art du délit d’initiés jusqu’au façonnage du budget de l’Etat.
Voilà donc ce qu’il en coûte d’avoir porté en totem du développement le modèle de l’endogamie public-privé. C’est bien connu, l’effacement des frontières entre monde des affaires et gestion de la chose publique est source de conflits d’intérêts, un mélange des genres, producteur de scandales, que l’absence de reddition des comptes au Maroc ne permet pas de corriger.
La situation est bien pire que celle de l’emprise des intérêts privés sur la vie publique, tant les contre-pouvoirs institutionnels sont une chimère. En démocratie, ce qui est reproché à Aziz Akhannouch ou à Moulay Hafid Elalamy confine, en cas de traduction pénale avérée, à la « prise illégale d’intérêts » ou au « trafic d’influence ».
Dans les deux cas spécifiques, les puristes diront qu’il n’y a rien d’illégal à se goinfrer des interstices des lois, s’agissant de dispositions ayant été convenues dans un cadre institutionnel et non dans les coursives de la haute administration. Mais en réalité, et comme pour la rente, il s’agit d’une situation et non d’un délit en soi.
Le conflit d’intérêts, recouvre « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés […] de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». En un mot, c’est l’apparence de la connivence et de la complicité.
Et c’est bien de cela qu’il s’agit lorsqu’un homme d’affaires est simultanément ministre et qu’au sein du gouvernement dans lequel il agit, des lois servent opportunément ses intérêts particuliers.
Si c’est en effet Abdelilah Benkirane qui a démantelé l’encadrement des prix des carburants pour des desseins que ses co-partisans tentent d’expliquer aujourd’hui, dans les faits, c’est bien en priorité l’un de ses ministres, et non des moindres, étant celui qui l’a détrôné, qui a ramassé la timbale. Idem pour Saâdeddine El Otmani qui a laissé son ministre des Finances, Mohamed Boussaid (lui aussi en sursis) amender une loi de Finances, alors qu’un autre membre de son gouvernement, du même parti, préparait en privé une culbute de son affaire à qui cette retouche allait profiter.
Est-ce l’histoire de loups technocrates dans la bergerie islamiste qu’il faut retenir, pointant l’incompétence du PJD en matière d’économie publique, ou celle de l’immoralité de jokers placés pour les refreiner au sein d’un même exécutif et qui au passage ont fait les poches des contribuables ?
L’attelage malsain qui devait étouffer les uns au profit des autres a abouti à une situation de dangereuse paralysie des affaires de l’Etat avec pour corollaire, pire que l’attentisme ou le blocage, une fièvre populaire que rien ne pourra calmer qu’une nouvelle charrette pour l’échafaud.
Or, des cartes maitresses à abattre pour évider encore et toujours la boutique PJD, le Palais n’en a plus vraiment dans sa manche. Quand lors de discussions de salon, il se murmure déjà qu’un nouveau zelzal est en gestation ou qu’on tire déjà des plans sur la comète Istiqlal avec l’option Nizar Baraka pour un nouveau gouvernement avant l’heure, c’est qu’il y a péril en la demeure Maroc.
Le 15 Avril 2018
Source Web : Le Desk
Les tags en relation
Les articles en relation
Gouvernement El Othmani – Quelles études ont fait nos ministres?
Beaucoup de chemins mènent aux plus hauts postes de l’Etat. Zoom sur les études et le parcours de chacun des 19 ministres du gouvernement El Othmani, nommé...
Maroc : une croissance appréciable malgré les incertitudes liées au Covid-19
Plusieurs indicateurs clés du Fonds monétaire international confirment que l’économie marocaine a montré une résilience face à la pandémie du nouveau c...
Ouarzazate: Grogne des opérateurs touristiques
Les opérateurs touristiques en ont ras-le-bol avec la nouvelle fermeture des frontières qui met encore à terre le secteur. Ce lundi à Ouarzazate, ils tienne...
Les textes de loi s’entassent: Mais où sont passés les nouveaux parlementaires ?
Le chef de gouvernement nommé se trouve dans une situation constitutionnellement inédite. Il est à la fois député et chef de gouvernement. Les deux ne sont...
Aziz Akhannouch reçoit le président du gouvernement des Iles Canaries
Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a eu, mercredi à Rabat, des entretiens avec le président du gouvernement des Iles Canaries, Angel Victor Torres, qui e...
Refus du nouveau Statut unifié par la Coordination Nationale de l'Éducation qui opte pour la repri
Les négociations marathon entre les quatre syndicats les plus influents du secteur de l'éducation et la commission ministérielle tripartite, visant à fi...
Akhannouch annonce la création d’une nouvelle commission interministérielle
Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a annoncé, ce mercredi, la création d’une commission interministérielle qui veillera à accompagner le chantier de ...
"Non, les 'islamistes' ne sont pas les vainqueurs aux législatives marocaines"
Aux journaleux de la presse occidentale dont les pupilles se dilatent et les papilles s'éveillent dès qu'il y a mention d'islam et qui titrent "Le...
Hydrogène vert : ces grands projets annoncés au Maroc durant l’année 2023
De nombreux projets de production d’hydrogène vert au Maroc ont été annoncés durant l’année 2023. Passage en revue, en écrit et en images, de ces inve...
Visite d’État Historique d’Emmanuel Macron au Maroc : Partenariats Économiques, Culturels et S
Ce lundi 28 octobre, le président français Emmanuel Macron entame une visite d’État au Maroc, une rencontre stratégique visant à renforcer les liens poli...
Annulation de l'AG de l'OMT: Le cas Aït Taleb
Il suffit que Khalid Aït Taleb, ministre de la santé, agite la menace d’une nouvelle vague de la pandémie pour que le reste de l’Exécutif plie. On cr...
Journée mondiale de l’enseignant : quid des défis et des besoins de ce métier
La réussite d’un système éducatif repose sur la qualité de l’enseignement et sur les enseignants. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation...