"Les faux hôtels 5 étoiles ne sont pas capables d'accueillir un touriste chinois" (ENTRETIEN)
Le marché touristique chinois est en plein boom au Maroc. Tout juste après la suppression du visa pour les ressortissants de l’Empire du Milieu désirant visiter le royaume, leur nombre a bondi de 240% en une année. Pourtant, beaucoup de choses restent encore à faire pour tirer le plein potentiel de ce nouveau marché. Retour avec Fouzi Zemrani, vice-président de la Confédération nationale de tourisme (CNT) et PDG de Z Tours, agences de conseil en voyages, sur les freins qui empêchent encore une pleine envolée de ce marché.
HuffPost Maroc: Combien pèse le marché des touristes chinois au Maroc?
Fouzi Zemrani: Selon les chiffres officiels, nous sommes à 100.000 touristes chinois qui ont visité le Maroc en 2017. Ils étaient à peine 10.000 visiteurs il y a tout juste 4 ans. Mais il faut faire attention à une chose. Quand les Chinois parlent de tourisme, ils évoquent deux éléments: le nombre d’arrivées et le nombre de recettes touristiques. Au Maroc, nous en sommes toujours à parler en termes de nombre d’arrivées et en nombre de nuitées. Je pense que ce paradigme devrait changer, car les gens ne viennent pas pour dormir au Maroc. Les gens viennent pour vivre une expérience.
J’ai toujours dit que les hôteliers sont des marchands de sommeil et les agences de voyages des marchands de rêve. Je ne suis pas pour la course au nombre, mais plutôt pour la course à la qualité. Il ne faut pas oublier que le touriste chinois a une durée moyenne de séjour de l’ordre de 6 à 7 jours, contrairement à l’Européen qui reste 2 à 3 nuits. Il est également très dépensier. Le prix moyen d’un package long-courrier pour un Chinois tourne aux environs de 4.500 dollars. On devrait donc viser ce type de clientèle. Pour ce faire, il faudra nécessairement adapter notre produit.
Le ministre avait justement beaucoup insisté sur l’adaptation de l’offre marocaine. De quoi a concrètement besoin un client chinois, qu’on ne puisse lui offrir pour l'instant?
Aujourd’hui, pas mal de clients chinois viennent dans des établissements soi-disant 5 étoiles. Il ne faut pas avoir peur de le dire: nous avons au Maroc de vrais 5 étoiles, comme nous avons de faux 5 étoiles. Ces derniers ne sont pas capables d’accueillir un client venant de la Chine. Quand il rentre dans sa chambre, le client chinois a besoin d’une bouilloire avec de l’eau chaude pour faire son thé. Il a également besoin d’enlever ses chaussures à l’entrée et d’enfiler des pantoufles à l’intérieur de la chambre. S’il ne trouve pas, par exemple, ces deux choses très simples, il fera une réclamation. Or une bouilloire et des pantoufles ne sont pas des éléments chers à mettre en place, on pourrait donc s’adapter facilement.
Au niveau de la gastronomie, un hôtel qui reçoit des clients chinois devrait au minimum engager un commis de cuisine qui ait les rudiments de la cuisine chinoise pour présenter quelques plats locaux. Il faut quelques salades, des nouilles et des ingrédients particuliers, notamment des épices, qu’on peut facilement trouver aujourd’hui à Derb Omar par exemple. Ce n’est pas le cas de tous les établissements hôteliers, qui se disent pourtant de luxe. Il faut donc prendre le temps de connaître réellement cette demande, l’évaluer et ensuite se fixer un objectif à atteindre en termes de recettes et non plus en termes de nuitées.
Cette adaptation n’est-elle pas également une question de communication, à l’heure où très peu d’opérateurs utilisent le mandarin pour attirer cette nouvelle clientèle?
Ce n’est pas qu’une question de langue. Vous savez, quand on parle de la promotion, certains se félicitent d’avoir mis en place des sites Internet qui valorisent la destination Maroc en mandarin. Ce qu’ils oublient, c’est que ces sites ne sont pas visibles en Chine à cause des restrictions sur les connexions. Si on ne passe pas par un hébergeur chinois, ça ne sert à rien puisqu’on est les seuls à les voir. La réalité est que nous vendons des produits bas de gamme, au mieux des produits de moyen de gamme.
Qu’est-ce qui fait que l’offre marocaine n’est pas de bonne qualité?
D’abord, les opérateurs chinois sont rudes en négociations: ils écrasent les tarifs au maximum. Quand vous vendez ce type de produits aux hôteliers, surtout à ces prix-là, vous êtes donc assuré de vous retrouver avec un service qui ne donne pas une satisfaction totale. Il y a une réflexion à faire à ce niveau afin de nous améliorer.
Ne serait-ce pas plutôt un manque de volonté de la part des opérateurs?
Malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’opérateurs qui sont conscients de ces enjeux. Nous sommes une population assez disparate, surtout quand on parle des agences de voyages. Il y a donc un gros travail à faire au niveau de cette population, aussi bien au niveau régional que national, afin de les sensibiliser. Cela peut passer par des forums comme celui Maroc-Chine ainsi qu’à travers des cycles de formation. Si ce travail n’est pas fait, ce sont les Chinois qui vont venir s’installer au Maroc et seront émetteurs au départ du royaume. Malheureusement nous avons une fédération qui est en perdition totale, avec des luttes intestines et nous n’arrivons pas à nous en sortir.
Le 02 Février 2018
Source Web : Huffpostmaghreb
Les tags en relation
Les articles en relation
#MAROC_Agadir : la Covid-19 ramène le tourisme 40 ans en arrière
Côté recettes, sur 6 MMDH de chiffre d’affaires annuel générés par la première station balnéaire du royaume, la destination a perdu plus de 4,35 MMDH, ...
Tourisme. Pourquoi le Maroc stagne ?
Alors que la stratégie touristique 2020 visait 20 millions de touristes, le Maroc est encore loin du compte avec seulement 11 millions d’arrivées. La digita...
En vidéo : L’expérience touristique à la découverte de la région Guélmim Oued-Noun
La région Guelmim Oued Noun est l'un des douze territoires administratifs du nouveau découpage territorial Marocain arrêté en 2015. Elle s'étend su...
Maroc : Les hôtels baisseront de 30% les prix pour tous les Marocains, promet la CNT
Alors que le Royaume se prépare à accueillir, pour cette saison estivale, les touristes marocains nationaux et ceux résidant à l’étranger, le secteur hô...
Tourisme : hausse de près de 70% des recettes au premier semestre 2023
À fin juin 2023, les recettes touristiques ont atteint 47,8 milliards de dirhams, en hausse de 68,9% par rapport au premier semestre 2022, d’après les derni...
Tourisme : Regagner les Marchés Perdus
C’est là les conclusions à tirer d’une certaine politique touristique qui a conduit à la contraction des flux touristiques vers le Royaume, surtout au d�...
Tanger : Les chniois explosent les chiffres
Selon la délégation provinciale du tourisme, la ville de Tanger a accueilli 25.406 arrivées de touristes chinois en 2018, soit une hausse de 105% par rapport...
Communiqué de Presse Une Marque touristique Maroc de plus en plus forte et des perspectives favorab
Plus qu'une résilience, la destination Maroc a connu un bon comportement en 2016 malgré un environnement international très défavorable. Les recettes...
Plan Biladi, un autre passif de la Vision 2020
Dans les établissements classés, 30% des nuitées sont consommées par les nationaux. Le Conseil national du tourisme espère la création d’une plate-forme...
Marrakech/tourisme: Encore loin de la reprise!
Les professionnels demandent encore plus de mobilisation L’embellie que connaît le secteur «compense à peine» les pertes subies depuis 2010 Si l’A...
Casablanca, troisième destination touristique du Maroc: Le balnéaire s’enrichit dans la région
Selon Said Mouhid, directeur du Conseil régional du tourisme Casablanca-Settat, «le tourisme à Casablanca se présente bien. Les résultats touristiques da...
Tourisme: Encore une année de disette!
La baisse française installée et les marchés allemands et anglais également affectés Un retour à «la normale» à espérer à partir de 2017 A mi-p...