33 milliards de dirhams dorment toujours sur les comptes des collectivités

A l’heure où chaque million DH économisé sur le déficit public est présenté comme une prouesse, les collectivités territoriales et leurs groupements (incluant les régions, les préfectures, provinces et communes) se paient le luxe d’accumuler plus de 33 milliards DH d’excédent, dormant sur leurs comptes. C’est en effet une donnée de tout ce qu’il y a d’officiel figurant sur le dernier bulletin mensuel de statistiques des finances locales publié par la Trésorerie générale du Royaume au titre de septembre dernier. Cela fait des années que les collectivités traînent ces disponibilités oisives. En fait, sur les 9 premiers mois de l’année, les régions, communes, provinces et préfectures n’ont dégagé «que» 6,7 milliards DH d’excédent. Le reste, soit plus de 26 milliards DH, est hérité des exercices antérieurs. Car il faut savoir que la manne inutilisée des collectivités grossit à vue d’œil depuis des années. En 2009 elle s’établissait à 19,3 milliards, ce qui veut dire qu’elle a augmenté de près de 71% depuis.
Tout cela ne manque pas de susciter la frustration sachant que la plupart des collectivités sont loin d’assurer ne serait-ce que le minimum syndical en termes de services au citoyen qui se trouve obligé de composer avec des équipements publics qui brillent par leur absence ou au mieux leur vétusté, des voies de circulation à ce point délaissées même en centre-ville qu’elles en deviennent impraticables par endroit, des moyens de transport en commun pour le moins perfectibles… Et il faut dire que 33 milliards DH peuvent régler une grande partie de ces problèmes. Pour en prendre la mesure, cette enveloppe correspond par exemple exactement aux investissements programmés par l’Office national des chemins de fer (Oncf) sur la période 2010-2015 avec à la clé une profusion de chantiers de modernisation du réseau ferroviaire, de construction de gares, de mise en place de plateformes logistiques, tout en permettant de mettre de côté quelque 20 milliards DH pour le financement de la LGV. Sachant que le coût d’un kilomètre d’autoroute est à peu près de 30 millions de dirhams, le calcul est rapidement fait pour savoir qu’avec 33 milliards de dirhams ce sont environ 1.300 km d’autoroute que l’on pourrait ajouter aux 1.800 déjà existants ! Autrement dit, nous aurions plus de 3.000 km d’autoroute…
Une autre estimation bon an mal an, pour 31 milliards DH le Maroc peut construire 4 nouvelles autoroutes pour relier Agadir et Guelmim, Fès/Meknès et le nord, Safi-Marrakech et Béni-Mellal, et enfin Rabat à l’aéroport Mohammed V, selon de récentes estimations du ministère de l’équipement. On pourrait même garder les deux milliards qui restent pour l’entretien (l’entretien d’un km d’autoroute coûte 500 mille dirhams une fois tous les dix ans).
Pour un investissement de moins de 33 milliards DH, les pouvoirs publics ont même pu faire sortir de terre la ville nouvelle de Tamesna à proximité de Rabat qui n’a en fait mobilisé que 22,5 milliards DH. Les conclusions sont plus édifiantes encore quand on s’amuse à calculer toutes les infrastructures de base que l’on pourrait réaliser grâce à cette enveloppe. Elle pourrait sans peine financer la construction de plus de 250 centres hospitaliers provinciaux offrant chacun une soixantaine de lits et disposant des derniers équipements, ou encore plus de 8.200 centres de santé de proximité, tout cela considérant bien sûr les coûts de réalisation actuels. Ce sont encore 1.320 parcs de taille généreuse, ou encore 1.650 centres culturels que l’on pourrait lancer sans délai grâce à ce matelas. Mais il faudra manifestement prendre son mal en patience pour voir tous ces équipements devenir réalité, tant les collectivités semblent peu être portées sur l’investissement. Sur les 9 premiers mois de l’année elles n’ont mobilisé que 8,1 milliards DH soit, plus ou moins, le quart des 31 milliards DH budgétés sur toute l’année. Les collectivités semblent beaucoup plus soucieuses de consommer les fonds dont elles disposent pour financer leur fonctionnement. Ainsi, elles ont englouti 16,5 milliards DH à ce titre, soit le double de ce qui a été alloué à l’investissement, dégageant un taux de réalisation relativement élevé de 60% de ce qui a été prévu pour tout l’exercice.
Et encore, le taux de réalisation des investissements aurait pu être plus bas encore si ce n’était les programmes nationaux dont les réalisations contribuent à élever la moyenne. En effet, les programmes d’électrification rurale globale, d’alimentation groupés en eau potable des populations rurales ou encore ceux relatifs aux routes rurales affichent un taux de réalisation de 58%. De la même manière, mais dans une moindre mesure, les projets intégrés (construction de gares routières, réalisation de souks hebdomadaires, travaux d’aménagement, construction, entretien des chemins…) embellissent la situation avec un taux de concrétisation de 29%. En face, les projets qui sont du seul ressort des collectivités, à savoir les travaux neufs, les grosses réparations, ou encore les acquisitions immobilières, ne dépassent guère un taux de réalisation de 20%. Les collectivités sont championnes des seules acquisitions mobilières (véhicules, motocycles…) avec la consommation du tiers du budget qui y est alloué sur les 9 premiers mois de l’année.
Les collectivités pèchent par manque de compétences
En plus de susciter la frustration, le peu d’entrain que manifestent les collectivités pour consommer les fonds dont elles disposent a de quoi surprendre. En effet, ces entités bénéficient d’une procédure allégée et moins contraignante pour engager une dépense en comparaison avec les organismes centraux. Des ressources sont en effet mises à leur disposition avant le début d’année, et il leur suffit de programmer les projets à financer en fonction de leurs rentrées prévisionnelles pour que le Trésor ouvre les vannes du financement. C’est dire que le manque de ressources n’est plus véritablement le souci majeur. Le nœud du problème réside plutôt, selon les experts, dans l’inaptitude de la plupart des collectivités à satisfaire rigoureusement aux procédures entourant la mobilisation de fonds. De même, l’on évoque leur incapacité à gérer des projets structurants et à prendre en charge la maîtrise d’ouvrages en garantissant respect des délais et qualité de prestation.
Le 28 Novembre 2017
Source Web : Aujourd'hui le Maroc
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