Vu de Suisse. Les journalistes français perdus dans l’ère Macron
Selon le correspondant à Paris du quotidien suisse Le Temps, le traitement par la presse française de la présidence d’Emmanuel Macron est révélateur de la crise qu’elle traverse et de sa propre peur de l’avenir.
La lecture estivale des quotidiens français ne laisse pas l’ombre d’un doute : Emmanuel Macron sort, selon eux, terriblement meurtri et affaibli de son premier été présidentiel.
Oubliée, sa marche solennelle au pied de la pyramide du Louvre, au soir du 7 mai. Dissipé, le parfum de victoire écrasante après l’élection, à l’Assemblée nationale, d’une majorité absolue de députés En marche!. Effacée, l’idylle entre une partie de la presse et le candidat météore durant cette folle et imprévisible campagne présidentielle. Place aux échecs et aux soupçons. Le bras de fer du début juillet entre le jeune président bientôt quadragénaire et son chef d’état-major aura été, à en croire les éditorialistes, l’étincelle révélatrice. Une fermeté proche de l’arrogance. Une distance vis-à-vis des médias vite assimilée à du mépris. Et toujours, à travers l’affaire du statut de la première dame Brigitte Macron, ce soupçon de nostalgie monarchique et de goût prononcé pour l’exercice personnel du pouvoir.
Ils ont déjà écrit l’histoire
Le décor est donc posé. Dès cette semaine, l’annonce des futures ordonnances visant à réformer le marché du travail ne fera, peut-on lire, qu’aggraver le fossé entre ce nouveau pouvoir et la majorité des citoyens. L’hypothèse de travail est claire. Le candidat Macron, issu des élites de la République et des affaires, ne pourra jamais faire autre chose que la politique souhaitée par celles-ci. Son mandat est, dès le début, l’histoire d’un divorce entre deux France, condamné à s’envenimer. Le story telling ne pourra pas résister à l’épreuve des faits. La vraie nature de ce chef de l’État de 39 ans – celle d’un libéral invétéré acquis aux forces du marché – est condamnée à transpirer.
La difficulté, pour qui veut essayer d’y voir clair dans ce labyrinthe d’influences et de règlements de comptes que sont logiquement les médias français, est que ce scénario catastrophe repose sur deux piliers pour le moins fissurés : les sondages (il est vrai de plus en plus mauvais depuis le début de l’été), et quelques sérieuses erreurs de communication. Tout part de là, comme si un président mal noté par l’opinion publique était condamné à échouer, et comme si la rupture des habitudes médiatiques d’antan conduisait obligatoirement à l’échec annoncé.
Nicolas Sarkozy était fustigé pour sa propension à “l’hyperprésidence”. François Hollande perdit tout à considérer les journalistes comme des amis. Emmanuel Macron est accusé, ni plus ni moins, de ne pas respecter les règles. Son “spectacle” élyséen détonne. Son “clan” de conseillers peu connus des médias prive ces derniers des indispensables rumeurs. Plus grave encore : voici qu’un de ses amis journalistes, Bruno Roger-Petit, chroniqueur politique et sportif, vient d’accepter de le rejoindre à l’Élysée pour mieux “porter” sa communication…
On pourrait, pour analyser cette offensive anti-Macron, parler de dépit amoureux. Ce serait une erreur. Les journalistes français sont, avant tout, déboussolés. Ils ne veulent pas comprendre que ce président lettré, imprégné du personnalisme de la revue Esprit, ne croit plus aux corps intermédiaires d’antan, dont il constate chaque jour la décomposition. La presse écrite est en crise profonde, délaissée par ses lecteurs (surtout les jeunes) et concurrencée pour la publicité par les géants d’Internet. Les syndicats n’ont plus la cote dans les entreprises d’avenir, à savoir celles du secteur numérique. Les experts géopolitiques et économiques ont bien du mal à se relever des gifles constituées par le Brexit et Donald Trump. Emmanuel Macron n’est pas hostile aux journalistes. Ils demeurent à ses yeux des relais importants. Mais ils ne sont plus des boussoles. Encore moins des clés de voûte pour “transformer” la France.
Cette rentrée 2017 n’est pas celle d’un président identique à ses prédécesseurs. Elle est l’illustration d’une mutation politique brutale de l’Hexagone, dont l’issue demeure très incertaine. Les journalistes français, à travers le cas Macron, questionnent en réalité leur avenir. Ces prochaines semaines nous diront si cet été 2017 fut plus meurtrier pour eux que pour le locataire de l’Élysée.
Publié le 31/08/2017
Source web par courrierinternational
Les tags en relation
Les articles en relation
Donald Trump : Décrets sur l'OMS, l'Accord de Paris et TikTok
Le président américain Donald Trump a signé, lundi soir, une série de décrets visant à réorienter les politiques nationales et internationales des États...
Déplacement de Guterres à Rabat et Tindouf en attente d'une validation de l'administration Trump ?
Le quotidien Al Quds Al Arabi annonce avec une extrême précaution une possible visite de Guterres au Maroc et à Tindouf. Sauf que sur ce dossier le Portugais...
L'effet COP22: A Marrakech, les réservations hôtelières "explosent"
A l’approche de la COP22, les grandes artères de Marrakech sont devenues un chantier à ciel ouvert. La modernisation des infrastructures pour la réussite d...
#MAROC_USA_ELECTIONS 2020: « Avec Joe Biden, des réseaux hostiles au Maroc vont se remobiliser »
Donné largement favori dans la course à l’élection présidentielle par les derniers sondages, Joe Biden devrait vraisemblablement succéder à Donald Trump...
Présidentielle 2024 : Trump en position de favori devant Biden
L’ancien président américain, Donald Trump, devance de quatre points l’actuel occupant de la Maison Blanche, Joe Biden, dans les intentions de vote en pr�...
Le Sahara occidental au menu du Conseil de sécurité de l’ONU sur fond de rupture entre Alger et
La situation dans l’ancienne colonie espagnole s’est « fortement dégradée » depuis la rupture il y a près d’un an du cessez-le-feu observé depuis 19...
Bitcoin à plus de 100 000 dollars : une opportunité pour le Maroc ?
Le Bitcoin, la cryptomonnaie la plus célèbre au monde, a atteint un nouveau sommet historique en dépassant les 100 000 dollars. Ce record met en lumière l...
Vent glacial entre le Maroc et la France
CHRONIQUE. Pour l’écrivain Tahar Ben Jelloun, la France a commis une grave erreur en réduisant la délivrance des visas pour entrer sur son territoire. A...
Le Pentagone débloque 3,6 milliards de dollars pour le mur de Trump
Le Pentagone a annoncé mardi avoir débloqué 3,6 milliards de dollars pour financer la construction de 280 km de mur à la frontière mexicaine, à la demande...
Sahara : Les États-Unis conditionnent leur soutien aux forces militaires du Maroc
Le président des États-Unis Joe Biden a signé, lundi, la Loi sur l'autorisation de la défense nationale (NDAA) pour l’année fiscale 2022, annonce la ...
Russie, Merkel, Otan, Brexit: Trump réalimente les polémiques
La main tendue vers la Russie, "l'erreur catastrophique de Merkel" sur les migrants, l'Otan "obsolète", le "succès" du Brexit qui verra d'autres p...
Libre-échange: Trump signe le retrait des Etats-Unis du TPP
Comme annoncé durant sa campagne, Donald Trump a entamé sa présidence en signant l'acte de retrait des Etats-Unis du traité de libre-échange transpacif...


mardi 5 septembre 2017
0 
















Découvrir notre région