Le tourisme après les attentats du 28 avril: Zenagui déjà sur un «plan Ma
Entretien avec le ministre du Tourisme Démarrage de la campagne «I love Marrakech» Un fonds de solidarité pour les familles des victimes Les fondamentaux de la destination restent solides «En plus des campagnes marketing, nous assurons une mobilisation globale de personnalités politiques, de célébrités, d’opérateurs économiques, de patrons du CAC 40…», annonce Yassir Zenagui Le jour même de l’attentat de Marrakech, le département du Tourisme a mobilisé les professionnels. Le lendemain, il a été convenu de mettre en place une cellule de crise pour assurer un suivi régulier et une veille. Un plan d’actions a été décliné en une série de mesures pour préserver les fondamentaux et maintenir Marrakech comme destination forte L’Economiste: Sommes-nous déjà dans une communication de crise. Y a-t-il un plan d’urgence pour Marrakech ? - Yassir Zenagui: Absolument. Dès le premier jour de l’attentat, je me suis rendu à Marrakech depuis Madrid. Tous les professionnels du tourisme ont été convoqués à une réunion à partir de minuit 30 mn. Nous avons convenu de mettre en place une cellule de crise. Je préfère plutôt parler de cellule de veille. L’objectif en est d’assurer un suivi régulier du plan d’actions mis en place pendant la même réunion. Il s’agit donc d’un reporting quotidien à raison de deux réunions par jour. Ensuite, nous avons tenu des conférences call pour faire le point tous les jours et assurer une veille en permanence avec une remontée de chiffres. - Justement, quels sont les principaux axes de ce plan d’actions ? - Nous avons lancé la campagne «I love Marrakech» avec des pin’s. Tous les ministres le portent ainsi que les chauffeurs de taxis, les guides, les opérateurs… Il y aussi des efforts au niveau de l’accueil. A l’aéroport, on offre des fleurs, du thé, des gâteaux traditionnels dans un esprit de gaieté. Le but est que tous les opérateurs se mobilisent via un élan de solidarité et de convivialité. Il y a aussi des actions symboliques avec notamment la mise en place d’un fonds à travers lequel les professionnels contribuent pour aider les familles des victimes. Il a aussi été décidé dans un esprit de solidarité avec les hôteliers d’embaucher des proches des victimes. Sur un tout autre registre, nous avons mis en place des actions de dynamisation des portails Internet, de la page Facebook baptisée «Red by Marrakech», et sur laquelle se mobilisent des centaines de milliers d’admirateurs de Marrakech. Il y a donc un véritable plan d’actions sur le Net avec des messages de solidarité à travers le monde (Etats-Unis, Europe, Moyen-Orient…). Autre axe phare, celui qui s’articule autour des actions d’animation sur la place Jamaa El Fna. Ce volet porte sur l’organisation d’événements culturels sur la place. D’ailleurs, mi-mai, nous organisons l’anniversaire de la 10e année de classement de la place Jamaa El Fna en tant que patrimoine universel de l’Unesco. Ensuite, il y aura une série d’événements programmés dans le temps baptisés «Jamaa El Fna, on continue». Concrètement, nous comptons inviter tous les grands tour-opérateurs, les décideurs pour des soirées de dîners au cœur de la place Jamaa El Fna - Mais comment réajuster la stratégie sur Marrakech après l’attentat du 28 avril - Pour la stratégie, nous allons encore plus renforcer la communication avec des budgets conséquents. L’idée est de continuer et reconduire ce que nous avons déjà commencé en réaction aux événements des pays arabes. En clair, en plus des campagnes marketing classiques, une mobilisation globale de personnalités politiques, de célébrités, d’opérateurs économiques, de patrons du CAC 40… de façon à les inviter à venir pour qu’ils parlent eux-mêmes de Marrakech telle qu’ils la perçoivent vraiment. C’est dire que la mobilisation sera générale pour montrer au monde entier que les événements du 28 avril ne remettent pas en cause les fondamentaux solides de Marrakech - L’on parle d’annulations de nuitées de 15 à 20% ? . Est-ce que la saison est compromise ? - C’est très difficile aujourd’hui de recenser parfaitement la situation. Et les chiffres avancés ne correspondent pas à la réalité. C’est moins que cela, la situation est exactement comme avant. Je rappelle que nous avons eu une démarche pédagogue et mobilisatrice dans tous les pays émetteurs pour freiner l’effet des événements arabes. Et on voit très bien que les efforts finissent par payer. On a eu une petite progression en mars et on s’attend à un grand retour et une progression de plus de 16% au mois d’avril. Donc, on revient à des tendances plus fortes que février. Moralité: il ne faut pas céder à la panique. Maintenant, par rapport à l’attentat de Marrakech, je ne peux pas dire qu’il n’y aura pas d’impact. C’est quand même un attentat terroriste qui a eu lieu au cœur de Marrakech. Mais ce qui est sûr, c’est que personne n’est en mesure de se prononcer et prédire exactement ce qui va se passer. En tout cas, aujourd’hui, il n’y a pas eu d’effet de masse dans les annulations, les touristes n’ont pas écourté leur séjour et la vie a repris normalement le lendemain de l’attentat - Mais c’est surtout le segment MICE (tourisme d’affaires) qui représente 40 à 50% de l’activité qui est le plus menacé - Le MICE ne représente pas 50% de la totalité des flux. C’est un peu exagéré. Mais effectivement, on l’a vécu auparavant, les trois premiers mois, le MICE est généralement le segment le plus touché. Le MICE (ndlr: Meetings, Incentive, Conférences, Exhibitions), c’est principalement des entreprises qui organisent des voyages pour leur personnel ou des congrès et conférences. Donc c’est tout à fait normal qu’il y ait des annulations. Mais d’après ce que déclarent les hôteliers, les annulations ne dépassent pas les 5%. Ceci étant, il ne faut pas céder à la panique et surtout ne pas exagérer. Si j’avais vu un mouvement de masse, je l’aurais signalé. Mais tant qu’il n’y a pas de mouvements de masse, il faut rester fort et solide. Car c’est notre comportement qui déterminera la tendance à venir. Encore une fois, je le répète, les fondamentaux de Marrakech sont solides. Preuve à l’appui, à l’international, tous les opérateurs (les TO) sans exception nous ont signifié qu’ils ne déprogramment pas Marrakech, qu’ils maintiennent la destination et qu’ils se mobilisent tous contre le terrorisme. C’est dire que Marrakech aime le monde et le monde aime Marrakech. C’est une ville qui entretient une relation passionnelle avec ses visiteurs - Oui, mais certains hôteliers commencent déjà à brader les prix. Sauf qu’après, ce sera difficile de revenir au pricing normal - Je suis parfaitement d’accord. Ce discours, je le tenais avant même l’attentat. Les professionnels qui annoncent des réductions de 50 à 60% ont toujours été les premiers à payer le prix fort de leurs remises. L’argument de vente se retourne contre eux. Le jour où on sera vraiment dans le rouge, à ce moment-là, on va prendre les mesures nécessaires. - Quel impact peut avoir l’attentat sur les agendas de la Vision 2020 ? - Aucun impact! La Vision 2020 court sur 10 ans. Mais le meilleur moyen de freiner l’impact passe par la mobilisation de tout le monde. On a fait les discours, la politique, les stratégies… Maintenant, il faut retrousser ses manches. Nous avons besoin de tout le monde. Je suis convaincu que nous allons nous en sortir, car tout ce qui ne tue pas rend plus fort. - Que pèse aujourd’hui le plan Biladi ? - Indépendamment de l’attentat, Biladi est l’un des plans importants de la Vision 2020. Ce n’est plus un simple programme d’investissement, c’est aujourd’hui un plan à part entière. C’est le plan tourisme interne dans lequel il y a Biladi. C’est une priorité. Aujourd’hui, le Marocain a besoin d’un produit touristique de qualité. Pour commencer, il faut développer l’offre et créer le produit. La première étape consiste à pousser l’investissement dans ce sens en sensibilisant les opérateurs et investisseurs marocains et étrangers. Le site pilote d’Ifrane est déjà mis en place avec une fourchette des prix qui oscille entre 400 et 500 DH pour des appartements de 6 à 8 personnes Le but est de faire des stations de qualité pour des vacances dans de bonnes conditions. Kounouz Biladi Le département du Tourisme est conscient que le programme Kounouz Biladi ne fonctionne pas encore à plein régime. 10.000 lits ont été vendus jusque-là avec une augmentation de 4%. Mais certains hôtels, même inscrits sur la liste, ne jouent pas le jeu et refusent des fois des clients. «C’est vrai, nous avons reçu des réclamations dans ce sens. Malheureusement, Kounouz Biladi n’est pas une loi, on ne peut rien imposer C’est une négociation qui se fait avec l’adhésion des opérateurs», admet le ministre du Tourisme. Ceci étant, l’opération est au stade de démarrage. Le but étant d’améliorer au fil des années le concept. «Le plus important est de mobiliser les opérateurs et mettre en place des regroupements d’agents et de TO pour faire des réservations de masse et négocier les prix». Fonds souverains Des pays amis se mobilisent aux côtés du Maroc pour enclencher une véritable dynamique avec un effet d’entraînement dans l’investissement touristique. Il s’agit de fonds souverains notamment du Qatar, des Emirats arabes unis, du Koweit ou encore de Bahrein. Des équipes du département du Tourisme sont en ce moment en road show au Moyen-Orient pour confirmer des partenariats. Il y a aussi des manifestations d’intérêt de la part d’investisseurs américains, des institutions financières D’ailleurs, les Européens et les Américains feront partie de la deuxième partie du road show du ministère. En juin, un voyage est prévu aux USA, au New York Exchange et au WTTC pour promouvoir le Maroc et débattre des fondamentaux du tourisme et de l’opportunité d’investir. SOURCE WEB L’Economiste Propos recueillis par Amin RBOUB