Table ronde Rendre le monde des affaires éthiquement correct
Au-delà des notions du bien et du mal, les intervenants ont mis l’accent sur l’éducation et le rôle des agents de socialisation, comme la famille et l’école. Et puis la main invisible de l’État doit jouer pleinement son rôle de régulateur. La question sur l’éthique est au cœur de la vie économique, politique et sociale. C’est en substance l’idée majeure des interventions de la table ronde organisée récemment par l’Université internationale de Casablanca. «L’éthique est au cœur de l’humain», commence Pr Driss Alaoui Mdaghri. En poursuivant que : «Ce qui fait de nous des êtres humains, c’est le fait que nous donnons un sens à nos actions. Et c’est pour cela qu’on parle beaucoup aujourd’hui de l’éthique surtout dans le droit des affaires. Et cela ne date pas d’aujourd’hui, le débat sur l’éthique remonte aux philosophes de l’antiquité. La question en a été évoquée par les penseurs et grands économistes comme Ricardo et Smith dans la mesure où les affaires et activités commerciales entraînent parfois des comportements égoïstes et non conformes à l’éthique». Le professeur Driss Alaoui Mdaghri a rappelé les affaires qui ont secoué le Royaume au lendemain de l’indépendance telle que celle des huiles nocives à Meknès. Par ailleurs, il a rappelé que le nombre de scandales qui secouent le monde aussi a considérablement augmenté un peu partout, en Chine, aux États-Unis, en Europe, en Afrique, c’est pour cela que l’éthique des affaires n’a jamais été aussi en vogue qu’à notre époque. L’individualisme, l’égoïsme tout court, qui règne en maître et occulte le jugement moral a pris le devant et s’est imposé comme une vraie valeur des temps modernes. Tout ce qui est bon pour moi est vu comme bien, la morale, la bonne conduite, le bon sens et les vertus n’étant réservés qu’aux autres. Aisni, l’Universitaire Driss Alaoui Mdaghri s’indigne contre cet état de choses et précise que l’activité économique gagne mieux à être bien régulée. En citant qu’il faut observer trois impératifs : économique, sociopolitique et moral. Tous les trois enchevêtrés et fortement liés les uns aux autres. «Le premier suppose une activité économique qui se développe de manière satisfaisante, production de richesse et d’opportunités dans de bonnes conditions d’égalité et de concurrence juste entre les différents acteurs économiques. Les entreprises doivent jouer leur rôle et contribuer à la moralisation des affaires. Cependant, il reste à savoir comment faire pour que la concurrence soit loyale. Et puis comment stimuler l’esprit d’entreprise et le désire de prendre des risques afin de trouver un équilibre ?», se demande-t-il. Concernant l’impératif sociopolitique, il a parlé du rôle que doivent jouer l’État et les institutions politiques pour réguler le jeu économique et les activités commerciales. «L’État doit développer l’économie et garder le contrôle pour imposer le respect des règles et garantir la concurrence loyale», ajoute-t-il. Avant de mettre l’accent sur l’impératif moral individuel qui suscite l’auto-interrogation sur le sens des actions de la personne. «L’État doit jouer son rôle, les entreprises de même, et puis, c’est à l’individu de se donner une bonne conduite éthique qui respecte les règles morales : on ne triche pas, on ne vole pas et ainsi de suite», conclut-il. Dans le même ordre d’idée, le conseiller du cabinet FigEs, Saâd El Mernissi, qui remplace son père Pr Mohamed El Mernissi, a insisté sur les règles morales qui imposent le respect et la concurrence loyale entre les acteurs économiques. Les hard laws sont les règles et les lois qui imposent le respect et les soft laws sont les lois morales et éthiques qui ne sont pas contraignantes. ________________________________________ Le rôle des médias Cette table ronde a été une occasion en or pour enrichir le débat et poser la question sur la moralisation des droits des affaires. Et ainsi que dire de la morale publique, dans l’État et dans les entreprises, sinon qu’elle a considérablement régressé ? Et puis partout triomphent l’immoralisme, l’affairisme, des délits d’initié, et l’argent roi. Nous avons observé statistiquement l’augmentation de la délinquance, de plus en plus violente, et dont les sujets, les auteurs, de plus en plus jeunes ; les médias en font souvent écho et ce phénomène inquiétant est l’objet de conversations partout. Pourtant, ceux qui s’en lamentent le plus font eux-mêmes souvent de nombreux actes délictueux ; la délinquance en «col blanc» connaît, en effet, elle aussi une hausse spectaculaire, sous des formes variées, toutes très répandues : la fraude fiscale, l’irrespect généralisé d’autrui, du Code de la route, entre autres. L’affaire qui a fait couler beaucoup d’encre sur la gestion de Tanger-Med et de la COMANAV est un exemple à méditer. Celles de la CNSS, du CIH et de l’ONDA aussi. Publié le : 28 Juin 2012 – SOURCE WEB Par Abderrahim Bourkia, LE MATIN