Equivalence des diplômes: «Le ministère doit arrêter les dégâts!»
Jacques Knafo, président de la Fédération de l’enseignement supérieur privé: «S’il faut aller jusqu’au clash, nous irons. Ces dernières années nous essuyons un recul énorme des inscriptions, à cause du flou juridique» (Ph. L’Economiste)
Et encore un motif de mécontentement des écoles privées. Cela fait quelques mois qu’elles ont suspendu leur participation à toutes les instances du ministère de l’Enseignement supérieur, en raison du refus de leur tutelle de reconnaître l’équivalence de leurs diplômes. Aujourd’hui, elles dénoncent la nouvelle procédure d’évaluation des accréditations des filières, désormais du ressort de l’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité. Elles sollicitent l’intervention du chef du gouvernement.
- L’Economiste: Les écoles privées sont contre le transfert de l’évaluation des accréditations à la nouvelle agence dès cette année. Pour quelle raison?
- Jacques Knafo: Tout d’abord, nous sommes contents que cette agence ait enfin vu le jour. Toutefois, elle ne s’est pas réunie avec les représentants du secteur privé auparavant. Tout a été décidé de manière unilatérale, y compris les tarifications qui seront appliquées.
- Mais vous boycottez toutes les instances du ministère depuis maintenant quelques mois…
- En effet, entretemps, le ministère a pris des décisions sans nous consulter. Nous avons sollicité la ministre par intérim à plusieurs reprises, mais nous n’avons pas eu de réponse.
Ce que nous demandons, c’est un véritable cahier des charges, qui tient compte de toutes les doléances de nos trois sous-secteurs: la gestion, l’ingénierie et le paramédical. Chacun doit faire l’objet d’un cahier des charges spécifique. Et puis, pourquoi une filière accréditée, dont la qualité est reconnue par la tutelle, ne donnerait pas le droit à l’équivalence des diplômes. C’est pourtant ce que prévoit l’article 52 de la loi 01-00 régissant le secteur.
- L’ancien ministre, Lahcen Daoudi, vous avait invités à travailler sur la révision des conditions d’accréditation d’abord. Y a-t-il eu des concertations?
- Pas du tout. L’on nous a présenté un cahier des charges pour la reconnaissance uniquement, que nous n’avons pas accepté. Il faut savoir que la loi prévoit trois étapes: l’autorisation, l’accréditation, et l’équivalence qui doivent précéder la reconnaissance. Cette dernière étape est purement administrative, elle n’a rien de pédagogique et elle ne nous intéresse pas.
Le ministère estime que les conditions d’accréditation des filières ne sont pas contraignantes, et c’est pour cela qu’il s’oppose à l’équivalence. Qu’il nous donne alors de nouveaux critères. Nous avons nous-mêmes formulé des propositions, mais elles n’ont jamais été discutées ou acceptées.
- Pourquoi ne pas avoir boycotté la procédure de reconnaissance aussi?
- C’est une chose complètement différente, elle n’a rien à voir avec l’équivalence. Le ministre Daoudi a voulu lier l’équivalence à la reconnaissance, ce qui est faux. La tutelle a sauté l’article 52 pour passer aux numéros 53 et 54. C’est l’inverse qu’il aurait fallu faire. Pour être reconnu, il faut d’abord être équivalent.
Ils sont loin les 20% des effectifs que devait accueillir l’enseignement supérieur privé, conformément aux préconisations de la Charte de l’éducation. La part du secteur ne cesse de dégringoler ces dernières années, chutant à 4,6% en 2015-2016. Dans certaines écoles, le recul se situe entre 20 et 30% chaque année, selon la Fédération de l’enseignement supérieur privé
- Que comptez-vous donc faire?
- Nous déposerons les dossiers d’accréditation de nos filières, mais nous ne paierons pas les frais imposés. Moi je considère que la lettre qui m’a été envoyée n’est pas officielle. Elle m’est parvenue par e-mail et avec une boîte personnelle.
- Prévoyez-vous de travailler sur de nouveaux critères avec la nouvelle agence?
- Absolument. Cela dit, ce n’est pas son rôle, cela relève directement du ministère.
Nous sommes prêts à discuter et à négocier avec qui de droit. Ce que nous souhaitons, ce sont des critères clairs, objectifs, sérieux, acceptés par tous et qui tiennent compte des conditions économiques de chacun. Par exemple, l’on vient nous dire aujourd’hui que nos locaux ne sont pas conformes. Pourquoi donc les avoir autorisés?!
Le ministère doit arrêter les dégâts. Chacun doit prendre ses responsabilités. Il s’agit de prendre une décision stratégique pour le secteur, et c’est du ressort du gouvernement. Le chef du gouvernement doit agir.
- Ne faudrait-il pas commencer par revenir dans les instances du ministère?
- Il n’y aura pas de dégel tant que les choses ne sont pas claires. Nous sommes prêts à reprendre les discussions et à faire des concessions, mais il faut que ce soit win-win. Au final, nous cherchons l’intérêt de nos étudiants. Ne sont-ils pas aussi des citoyens marocains? Pourquoi les discriminer sur l’équivalence de leurs diplômes? Ceux qui ont les moyens s’inscrivent dans des établissements français pour avoir des diplômes reconnus. Les autres n’ont aucun recours.
Le 21 Février 2017
SOURCE WEB Par L’économiste
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