Le dernier cheval sauvage du monde de retour en Russie
Si le cheval de Przewalski avait le choix, il opterait pour une étable confortable et de l'avoine fraîche tous les matins, plaisantent les chercheurs qui étudient le tout dernier cheval sauvage ayant survécu jusqu'à nos jours. Mais le chemin vers la réintroduction de l'espèce -- éteinte dans la nature il y a une vingtaine d'années et reparue aujourd'hui -- passe plutôt par son installation dans les steppes désertes de Chine, de Mongolie et, plus récemment de Russie, avec leurs neiges épaisses et leurs vents glacials.
Six chevaux nés dans une réserve du sud de la France vont ainsi passer leur premier hiver en Russie dans le cadre d'un projet pilote de réintroduction de cette espèce, explique à l'AFP Tatiana Jarkikh, la responsable du projet. A terme, les scientifiques espèrent avoir 100 spécimens dans la réserve protégée d'Orenbourg, un regroupement de six réserves naturelles près de la frontière avec le Kazakhstan, souligne-t-elle.
La zone, qui s'étend sur près de 16.500 hectares, a abrité pendant des décennies un champ de tir militaire, ce qui a empêché son labourage, selon Mme Jarkikh. Aujourd'hui, c'est "la plus grande étendue de steppe intacte, vierge et strictement protégée de Russie", se félicite-t-elle.
"Ils sont plutôt heureux", malgré un climat difficile et de fortes chutes de neige qui ont notamment pris au piège plusieurs conducteurs sur une route locale en janvier, assure la responsable.
"C'est un animal sauvage et il doit demeurer dans son habitat naturel. Ils peuvent supporter des vents féroces et puissants, mais à regarder leur chanfrein, ils ont l'air très heureux", dit-t-elle, en affirmant que les chevaux adorent se rouler dans la neige et gratter le dos sur le sol verglacé.
"Ils n'ont pas peur du vent, de la neige ou du froid", insiste-t-elle. "Si le cheval de Przewalski a assez de nourriture, il est pratiquement invincible."
Malgré sa résistance et les efforts des spécialistes pour protéger cet espèce en danger, "il y a encore un long chemin à faire avant que le cheval puisse être considéré comme sauvé de l'extinction", rappelle Frédéric Joly de l'Association pour le cheval de Przewalski (TAKH), qui a fourni les spécimens pour le projet d'Orenbourg. Découvert au XIXème siècle en Mongolie par l'explorateur russe Nikolaï Przewalski, l'espèce a subitement connu une forte popularité en Europe, au point que les chevaux ont été abondamment capturés pour alimenter les zoos du Vieux continent.
Et cette campagne a finalement permis de préserver suffisamment d'animaux pour sauver l'espèce après son extinction dans son habitat naturel, explique Mme Jarkikh.
Jamais domestiqués par l'Homme, ces chevaux habitaient autrefois dans la steppe eurasienne s'étendant de la Chine à l'Ukraine, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Les quelque 2.000 spécimens existant aujourd'hui sont tous descendants de seulement 12 chevaux sauvages capturés, parmi lesquels une jument de Mongolie nommée Orlitsa et offerte à un responsable militaire soviétique Kliment Vorochilov lors de sa visite dans le pays en 1957.
Outre le problème de consanguinité des spécimens, les spécialistes ont aussi fait face au problème de l'accouplement des chevaux de Przewalski avec des chevaux domestiqués, qui aboutit à l'apparition de hybrides, faisant peser le risque d'une dilution de l'espèce, selon Mme Jarkikh.
Bien que le projet russe prévoyait initialement de laisser les chevaux complétement libres dans la nature, les scientifiques ont finalement rejeté cette idée, optant pour la construction d'une clôture autour de la zone. En quittant la réserve, les jeunes juments risquent de s'accoupler avec des chevaux domestiques des villages environnants et ramener ensuite des poulains hybrides au troupeau, explique la responsable.
"Quelques hybrides peuvent suffire à anéantir nos efforts de réintroduction. A quoi bon les protéger s'ils ne sont au final que de mignons chevaux hirsutes et non pas une vraie espèce?", s'interroge-t-elle.
La réintroduction d'une population sauvage ne serait toutefois viable que si la réserve était plus grande, de 100.000 hectares ou plus, selon Mme Jarkikh.
Le 14 Mars 2016
SOURCE WEB Par Libération
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