TSGJB BANNER

Agadir Sauvez le cinéma Salam ! Humeur ramadanesque Écrit par Mostafa Houmir

Agadir  Sauvez le cinéma Salam  ! Humeur ramadanesque   Écrit par Mostafa Houmir

Dois je avouer que le tollé provoqué dernièrement par le nouveau film de Nabil Ayouch ne m'a fait ni chaud ni froid ? Pourquoi ? Pour la simple raison, pour la dramatique raison, pour la tragique raison que chez nous, à Agadir, on ne pourra pas voir ce film !
Pourquoi ? Me diriez vous !

Pour la simple raison, pour la dramatique raison, pour la tragique raison que nous n'avons pas de salle de cinéma! Toutes les salles de cinéma de la ville de la mer et du soleil ont fermé leurs portes les unes après les autres. Les gadiris ne jouissent plus de ce plaisir légitime d'aller voir un film dans une salle obscure comme le commun des mortels. ..Une ville touristique comme Agadir qui n'a même pas une salle de cinéma, c'est une réalité amère et déplorable, scandaleuse et intolérable !
Je suis un petit professeur de français au collège. Les élèves de cette génération ne me donnent plus d'exemples comme « Si j'ai de l'argent, j'irais au cinéma» ou «Dimanche prochain, j'irai au cinéma avec mes copains» ! ... Parce qu'ils ne connaissent pas le cinéma, n'y ont jamais mis les pieds! ... Je suis désolé et navré de constater ce manque effrayant, ce vide, cette lacune, dans leur vie de tous les jours.
Cette génération souffre de ce manque d'éducation culturelle, artistique et civilisationnelle que prodigue le septième art. C'est un constat catastrophique! Je parle en connaissance de cause, comparant mes élèves d'aujourd'hui à ceux des années quatre vingts
...Le cinéma, cet outil magique, joue un rôle essentiel et primordial dans la formation de la personnalité, et priver nos enfants du cinéma est un crime!
C'est pour cela que je lance cet appel à nos responsables locaux: Construire des salles de cinéma au profit des enfants et des citoyens de la ville, c'est un de leurs droits civiques les plus vitaux! Ou, au moins, faire en sorte que les anciennes salles fermées soient rénovées, restaurées et rouvertes pour notre bonheur et notre liesse collective!
Parmi ces salles de cinéma dont la fermeture prématurée m'a fait tant de mal et de peine n'est autre que le Cinéma Salam. Cette salle populaire dans un quartier populaire. Mon amour et mon attachement à cette salle ne datent pas d'hier. Notre amitié et notre complicité sont aussi vieilles que mon insignifiante personne. Je l'ai découverte à l'âge de sept ans grâce à mon père qui était féru de cinéma. Sa féerie était telle que j'y ai passé les plus belles années de ma vie!
C'est une salle pas comme les autres.
C'est une salle historique: pour les Gadiris des années soixante, soixante dix,
il ne s’agissait pas d’une salle de cinéma comme les autres. Cinéma Salam est unique en son genre. Du point de vue architectural, elle est vraiment bizarre; en la voyant, vous la prendriez pour une usine !
Mais ce n'est pas cela qui fait son originalité, il y a autre chose : disons d'abord que cette salle a échappé au terrible séisme qui a ébranlé l'ancienne Agadir. Comme les maisonnettes du quartier industriel où elle fut bâtie, elle a survécu à cette catastrophe et elle est encore là, toujours vivante, toujours opérationnelle... Plusieurs années durant, elle était la seule salle obscure de notre ville où l'on pouvait admirer ces fameuses images mouvantes sur grand écran. A cette époque où il n'y avait rien, le cinéma Salam était l'unique distraction des Gadiris qui n'avaient même pas la télé.

Encore môme, «entrer» au cinéma Salam était pour moi un jour de fête, d'euphorie et de folie inimaginables. Avant d'entrer, je regardais avec émerveillement les affiches et j'apprenais par coeur le titre du film pour pouvoir dire fièrement aux gosses du quartier : «Hier, j'ai vu Le bon, la Brute, le Truand !» Et si je ne comprenais pas un mot, j’en demandais le sens, le lendemain à l'instituteur qui me grondait : « Au lieu de réviser tes leçons, tu es encore entré au cinéma Salam ! «...Nous faisions la queue, bien sages devant la matraque du policier, notre ticket à la main, sans nous lasser, sans protester, épiant l'ouverture de la porte vitrée...Et c'est la ruée vers les sièges du premier rang. Les lumières ne tardaient pas à s'éteindre et la magie commençait. Nous oubliions tout, même notre nom, et nous pénétrions dans l'univers féerique du grand écran. Nous admirions amoureusement l'héroïne (toujours belle, jeune et appétissante), nous encouragions le héros (toujours beau, gentil et téméraire), nous sifflions le méchant (toujours laid, sale et cruel)... Et gare à l'opérateur quand il «coupait» une scène du film ! Les injures, les cris, les sifflements stridents fusaient de partout : toute une salle enragée prête à pendre cet homme pour l'amour du cinéma ! Ah, la belle époque !
Je peux vous dire que c'était au cinéma Salam que j'ai appris à aimer cet art, à aimer la vie! Et combien de voyages, combien d'aventures, combien de croisières, combien de découvertes j'ai vécus, les yeux fixés sur le grand écran, la tête ailleurs ! C'était fabuleux : j'ai fait la conquête de l'ouest et la ruée vers l'or. J'ai fait des aventures rocambolesques dans des îles perdues et exotiques. J'ai cherché des trésors fabuleux et j'ai combattu des animaux sauvages et des dragons mythologiques. J'ai survolé la terre sur un tapis volant et j'ai piloté des avions et des fusées. J'ai fait des duels au pistolet et à l'épée. Je suis allé en Chine, en Amérique, à Venise, en Afrique, à l'Arctique, en Inde et au Népal ; j’ai vu le monde entier ! J'étais un héros, un superman, un aventurier. J'étais un cowboy, un indien, un agent secret, un samouraï, un détective privé, un gladiateur, un aborigène, un bagnard, un justicier, un cavalier...
Ah, la belle époque ! Et qui pourrait oublier tous ces personnages qui nous hantaient et qui resteront gravés dans nos mémoires, indélébiles et vivants : Dracula et Frankenstein, Rocambole et Fantomas, Zorro et Tarzan, Spartacus et César, Sindbad et Ali Baba, Roméo et Juliette, Jingo et Géronimo...
Oui, cinéma Salam fait partie de la mémoire collective des Gadiris. C'est une salle «historique» qui a vu défiler des personnalités politiques nationales venues à Agadir pour une conférence ou un meeting. Cinéma Salam se souvient de Aziz Belal, Ali Yata, Abderrahrim Youssoufi, Ahmed Osmane, Noubir Amaoui, Abderrahim Bouabid, Allal El Fassi, Mohamad Bensaïd... Et toutes ces pièces théâtrales et toutes ces
soirées artistiques...
A présent, cette salle est fermée. Elle agonise, proie à l'usure et à la corrosion du temps. Elle est dans un état de tout ce qu'il y a de piteux. Chaque fois que je passe à côté d'elle et la vois dans cet état, j'ai un pincement au coeur!
Ne devrait on pas la rénover, l'embellir, lui donner peau neuve et lui redonner la vie pour que l'on puisse encore y voir des films et...se souvenir !
Cinéma Salam, ya salam !
Je crie haut et fort : » SAUVEZ le cinéma Salam!»...

A bon entendeur...
28 Juin 2015 Sauvez le cinéma Salam d'Agadir!
SOURCE WEB Par Mostafa Houmir  Al BAyane

Tags : Les gadiris ne jouissent plus de ce plaisir légitime d'aller voir un film dans une salle obscure comme le commun des mortels- Agadir qui n'a même pas une salle de cinéma, c'est une réalité amère et déplorable, scandaleuse et intolérable- Cette génération souffre de ce manque d'éducation culturelle, artistique et civilisationnelle que prodigue le septième art- Le cinéma Salam, c'est une salle historique pour les Gadiris des années soixante, soixante dix- cette salle a échappé au terrible séisme qui a ébranlé l'ancienne Agadir- le cinéma Salam fait partie de la mémoire collective des Gadiris. C'est une salle «historique» qui a vu défiler des personnalités politiques nationales- SAUVEZ le cinéma Salam-