La raison commune à mes ouvrages, c'est de répondre à la grande injustice dont est victime le Maroc dans la presse internationale
Entretien avec Henri-Louis Védie, professeur émérite, HEC Paris
«Dans le contexte national et international actuel, tous les efforts engagés par le Maroc devront bien sûr être poursuivis, et d'autres axes de réflexion devront être également menés de pair.»
Le livre «Maroc, émergence et développement global : Une volonté plus forte que les crises» de l’économiste français Henri-Louis Védie, vient de paraitre en France aux éditions ESKA. L’ouvrage se veut un rapport d’étape de 15 ans de chantiers de développement lancés sous l’égide de S.M. le Roi Mohammed VI, mettant la lumière sur les progrès réalisés dans les divers domaines économiques et sociaux ainsi que sur le choix du Maroc en faveur du développement durable.
Géopolis : Quelles sont les raisons qui ont motivé votre livre «Maroc, émergence et développement global : une volonté plus forte que les crises», et envisagez-vous d’autres ouvrages dans l’avenir ?
Henri-Louis Védie : Plusieurs raisons. La première est qu'il s'inscrit dans la continuité de deux autres ouvrages, l'un publié en 2008, «Une volonté plus forte que les sables», consacré aux provinces du Sud, traduit également en espagnol ; l'autre publié en 2009, «Maroc l'épreuve des faits et des réalisations», tous deux publiés aux éditions Eska. Et depuis 2009, il s'est passé beaucoup de choses au Maroc. La raison commune à ces trois ouvrages, et le temps ne l'a pas altérée, bien au contraire, c'est aussi de répondre à la grande injustice dont est victime trop souvent le Maroc dans la presse internationale, francophone entre autres, s'évertuant à mettre en évidence ce qui va mal – il y a dans tout pays toujours quelque chose qui va mal –, oubliant tout ce qui va bien, par volonté ou par négligence ? Ce livre entend comme l'on dit «remettre à l'heure la pendule de la vérité». Bien sûr, d'autres ouvrages suivront, en particulier le prochain qui devrait être consacré aux provinces du Sud
«acte II».
Vous avez présenté votre ouvrage devant les députés européens en novembre dernier, quel est l’impact qu’il a eu auprès d’eux ?
Au Parlement européen, j'ai présenté mon dernier livre devant le groupe de parlementaires que préside Gilles Pargneaux, dans le cadre du Groupe d'amitié Union européenne-Maroc. L'accueil a été excellent et chaleureux, la présentation de ce livre permettant de conforter différents points de vue partagés, et de répondre directement à certaines interrogations.
Vous soulignez dans votre livre les efforts considérables qui ont déjà été réalisés au Maroc durant les 15 dernières années, quels sont les efforts qui restent à faire et quels sont les axes prioritaires ?
Dans le contexte national et international actuel, tous les efforts engagés devront bien sûr être poursuivis, et d'autres axes de réflexion devront être également menés de pair. Ces axes prioritaires sont pour moi ceux se rattachant plus particulièrement à l'éducation, à la santé, à la réforme de l'administration et à l'économie informelle.
Vous indiquez que l’industrie marocaine sort peu à peu de la sous-traitance, notamment dans les secteurs automobiles et aéronautiques. Quelles sont selon vous les conditions pour que les autres secteurs industriels exportateurs connaissent les mêmes avancées ?
Faire ce qui a été fait, par exemple à Tanger Med, et profiter du développement attendu du continent africain. Pour autant, l'erreur serait d'oublier la sous-traitance et de ne pas la conforter. Car ce qui a été fait à Tanger Med ne l'a été que parce qu'existait au préalable sur le site une filière de sous-traitance très performante.
Le Maroc a engagé depuis quelques années un vaste chantier dans le domaine des énergies renouvelables, que vous avez relevé dans votre ouvrage. Quelles peuvent être les conséquences de la baisse des prix du pétrole sur ce projet ? Et à long terme, est-ce que ce projet peut permettre au Maroc de jouer un rôle dans la géopolitique des énergies renouvelables ?
Le choix des énergies renouvelables n'est que très relativement lié au cours du baril de pétrole. Il est généralement celui des opportunités des ressources immatérielles – vent, soleil – de chacun et du long terme. La baisse des cours du baril s'inscrit pour le moment dans le court terme. Cette baisse est tout bénéfice pour l'ensemble des pays importateurs, et donc bien sûr pour le Maroc. Elle a pour conséquence immédiate de permettre de trouver des ressources financières – conséquence de cette baisse – permettant de financer dans les meilleures conditions la mise en place d'énergies renouvelables. À long terme, c'est ce projet – d'énergies renouvelables – et lui seul – qui permettra au Royaume de jouer un rôle géopolitique dans le marché de ces énergies et plus particulièrement celles qui ont trait à l'éolien et au solaire.
Vous parlez dans votre livre de la politique africaine du Maroc, quelles sont selon vous les retombées géopolitiques à long terme de cette politique pour le Maroc ?
Aujourd'hui, le «pari africain de Mohammed VI» est déjà un pari gagnant. Et à long terme, cela va encore s'affirmer, tout particulièrement avec le continent africain.
Aujourd’hui, le Maroc est décrit comme une puissance diplomatique incontournable sur le continent. Quelles sont selon vous les conditions pour qu’il devienne un véritable porte-parole du continent et qu’il étende son influence ?
Tout simplement continuer !
Dans le nouveau monde multipolaire actuel, le Maroc opère progressivement un rééquilibrage de sa politique étrangère. Qu’en pensez-vous ? Et quels sont selon vous les axes à privilégier ?
La politique étrangère doit toujours trouver un équilibre entre le fondamental et le conjoncturel. Et le conjoncturel est par définition évolutif. Il est donc naturel que l'on procède, pour tenir compte du conjoncturel, à des rééquilibrages réguliers. Mais il faut toujours veiller à ne pas occulter le fondamental. C'est-à-dire pour moi l'axe Maroc-France, l'axe Maroc-Union européenne et l'axe Maroc-Afrique.
Depuis quelques années, le monde arabe connaît de nombreux troubles : les révolutions du Printemps arabe et maintenant la menace terroriste croissante. Quel rôle peut jouer le Maroc, qui, rappelons-le, est une terre de tolérance et de cohabitation pour toutes les religions, dans le cadre d’un retour à la stabilité de la région ? Et comment peut-il imposer son leadership ?
En restant ce qu'il a toujours été, à savoir une terre de tolérance, de respect des autres et de leurs croyances – ce que nous appelons nous français la laïcité. Ce leadership reconnu, comme en témoigne par exemple la toute dernière rencontre ayant eu lieu à Rabat entre les différents protagonistes libyens, ne peut que s'affirmer et se conforter pour tout ce qui a trait à la stabilité de la région.
Le Maroc sort d’une période d’extrême tension avec la France, qui a duré une année. Quelle analyse faites-vous de cette situation ? Et quels sont les éléments qui peuvent être mis en valeur par les deux pays pour reconstruire une relation plus forte ?
Même dans les couples les plus solides, il y a toujours des temps de turbulence. Les relations entre le Maroc et la France n'échappent pas à la règle. J'ai beaucoup regretté ce qui s'est passé ces derniers temps et me réjouis donc du retour à la normalité des relations entre nos deux pays. Je ne pense pas qu'il faille parler d'une reconstruction, car il n'y a jamais eu destruction. Nous devons toujours nous rappeler que ce qui nous unit appartient à notre histoire commune, le reste ne résiste pas au temps.
De nos jours, l’émergence économique d’un pays a nécessairement un pendant géopolitique. Comment le Maroc peut-il cultiver son influence ? Quels sont les éléments sur lesquels il doit s’appuyer pour construire son soft power ?
L'influence d'un État dépend de ses résultats économiques, mais aussi de l'éthique qui les porte et de la solidité de sa ligne en ce qui concerne les relations internationales. Tous des domaines ou le Maroc excelle en Afrique. C'est sur ces différents éléments qu’il faut s'appuyer pour développer le «soft power» dont vous parlez.
Nous savons que le Maroc connaît des problèmes majeurs comme le chômage des jeunes et l’éducation. Quelles sont selon vous les réponses qui peuvent être apportées à ces problèmes ?
Le chômage des jeunes est toujours un drame, et leur attente est légitime. Pour autant, la solution ne peut être immédiate, car elle suppose une politique de développement et d'investissement massif, ce qui a été fait et continue à se faire au Maroc, et dont les effets se font toujours sentir à moyen et à long terme. Il faut donc continuer sans relâche cette politique et y associer un enseignement adapté aux besoins du Royaume. Cela devrait être facilité par le fait que la révolution démographique du pays est maintenant achevée, ce qui n'était pas le cas dans les années 2000.
Comment voyez-vous le Maroc dans les 15 prochaines années, sur les plans économiques et géopolitiques ?
Je me refuse toujours à me projeter dans les prévisions de long terme. Je suis très keynésien sur ce point, «dans le long terme nous serons tous morts». Par contre, pour les raisons évoquées à travers ce questionnaire, je suis optimiste en ce qui concerne le ciel marocain.
Quels sont selon vous les obstacles majeurs pour les ambitions du Maroc ?
Au cours de la dernière décennie, le Maroc a montré sa résilience aux chocs et sa capacité à agir à contre-courant de la conjoncture internationale. Il n'y a pas pour moi d'obstacle majeur, mais simplement des contextes plus ou moins favorables. La réussite est toujours signe de volonté, l'échec le plus souvent conséquence de son absence.
12 mars 2015 - 18h30
SOURCE WEB Par Bouchra Rahmouni Benhida, LE MATIN
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