Entretien avec Rachida Chbani, directrice artistique du Festival du cinéma arabe «Aflam du Sud»
«Le cinéma arabe a besoin du regard dérangeant et incisif des femmes»
Le Matin : Quelle est la particularité de cette édition 2014 du Festival Aflam du Sud ?
Rachida Chbani : Cette édition 2014 est dédiée à la Syrie. Dans ce sens, nous avons programmé «Cinéma de l’espoir». Suite au confit syrien, nous montrerons des images captées par des hommes et des femmes au péril de leur vie. Ensuite, nous allons aborder d’autres thématiques. Je citerai «Rencontre au féminin : Women’s Rights», une série de débats qui, comme son titre l’indique, mettra l’accent sur le rapport du cinéma et les droits de la femme. Présente dans tous les secteurs de la production cinématographique, la femme joue un très grand rôle dans ce domaine, mais cela reste très peu reconnu mondialement. Il est très difficile de faire un film dans un pays arabe lorsqu’on est une femme arabe. Le cinéma arabe, qui reste en quête de son identité propre pour mieux s'intégrer dans le champ audiovisuel mondial, a besoin du regard dérangeant et incisif des femmes. En collaboration avec l’association «Arab Women’s Solidarity» de Belgique (AWSA-Be) et dans le cadre du volet «Women’s Rights», nous avons choisi le film «Soul Abortion» de Baharaa Hijazi dont la thématique de l’avortement touche de très près la femme actuelle arabe pour en débattre avec des professionnels.
Quels sont les autres genres de films que vous avez programmés pour cette édition ?
Il y a «Le film-débat» où nous traiterons le film «Un Cinéma muet» de Meyar Al-Roumi. Un film qui échappe à la censure qui paralyse le cinéma syrien depuis un demi-siècle suivi d'un débat «Entre censure, crise et guerre, quel est l’avenir du cinéma syrien ?» On retient également «Le film scolaire». Il est à rappeler dans ce sens que le souci du festival est d’amener plus de jeunes et surtout ceux issus de l’immigration à venir voir des films. Car le film est une bonne source et un excellent moyen d’enseignement. À l’issue de la projection, les animateurs rencontrent les élèves pour susciter leurs réflexions sur le sujet soulevé dans le film et ainsi provoquer le débat. Nous avons concocté une série de longs et de courts métrages de divers horizons que nous allons projeter tout au long du festival.
Le festival tend à promouvoir la diversité entre le Nord et le Sud au cœur de Bruxelles. Comment s’opère cette promotion ?
Dans une société plurielle comme la nôtre, la thématique de l’interculturalité soulève encore des questionnements nombreux et complexes. La quasi-totalité et variété du programme du festival tentera de traiter la thématique du développement durable du vivre ensemble et de l’égalité des chances en sa globalité. Pour atteindre nos objectifs, nous donnerons la possibilité au public, lors des rencontres et des projections, non seulement de voir des films, mais aussi d'avoir la possibilité de les débattre lors des Q&A organisées dans les salles avec le public en présence des réalisateurs. À travers le film scolaire, nous espérons une prise de conscience par les jeunes, citoyens de demain, pour sauvegarder l’harmonie du vivre ensemble et faire en sorte que la différence ethnique ne soit pas un vecteur de harcèlement comme c’est le cas dans plusieurs écoles belges.
Quel est l’intérêt de l’atelier de calligraphie que vous avez programmé ?
L’intérêt de cet atelier est d’éveiller la curiosité des jeunes issus de l’immigration et les inciter à aimer cet art arabe qui leur reste méconnu et les amener, tout doucement, à apprendre l’écriture de l’arabe.
Vous avez également programmé des films qui abordent de plus en plus de sujets tabous, de cultures complexes et diversifiées. Pourquoi cette orientation ?
Les cinéastes arabes ont commencé à porter leur attention sur des pensées prohibées et des sujets tabous dans le septième art. Le cinéma veut montrer les injustices contre les femmes et les enfants, telles que la violence conjugale, l’inceste, l’adultère, le viol, la discrimination salariale… Le cinéma tente aussi de traiter ouvertement le sujet de l’homosexualité. L’objectif est de tester le spectateur et le mettre à l’épreuve pour le faire se questionner. Ces cinéastes ramènent sur l’écran des sujets à «scandale» pour une volonté de faire avancer les mentalités de leur public.
En tant que directrice artistique du festival, quel regard portez-vous sur cette manifestation au fil des éditions ?
Cette initiative, au démarrage, n’a pas eu accueil de la part des pouvoirs subsidiaires. J’ai dû faire face à des réactions comme : «Nous n’avons pas besoin d’un festival du cinéma arabe». Au fil des quatre éditions du Festival du film arabe que j’ai organisées, suivies des trois éditions d’Aflam du Sud, aujourd’hui, je peux dire que je fidélise un public cinéphile et averti et que le festival devient un rendez-vous bruxellois, mais au niveau de sa survie financière, comme on dit chez nous, «Allah Yejib».
Promouvoir la diversité
Au cœur de Bruxelles, capitale d’Europe et bassin multiculturel, le Festival Aflam du Sud se veut une vitrine de la culture arabe à travers le septième art. Le festival prend de l'importance avec la renaissance du monde arabe qui produit des films de grande qualité. Des films qui discutent de plus en plus de sujets tabous, de cultures complexes et diversifiées. Cette troisième édition présentera un programme riche en émotions et en qualité. L’objectif du Festival Aflam du Sud est de promouvoir la diversité entre le Nord et le Sud au cœur de Bruxelles. Car la connaissance de l’autre passe par le rayonnement de sa propre culture et le festival contribuera utilement à cette prometteuse entreprise. L’édition 2014 se concentrera sur plusieurs thématiques notamment le conflit syrien, le film scolaire, les droits de la femme…
4 août 2014 –SOURCE WEB Par Ayoub Akil, LE MATIN
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