Le gardien du patrimoine marocain s’en va

Science, littérature, religion : ancien conseiller royal, Abbès Jirari a, pour le moins, eu plusieurs cordes à son arc. Avec son décès, c’est une des plus grandes figures intellectuelles de l’histoire récente du Maroc qui tire sa révérence.
Le 6 décembre 2023, l’UNESCO inscrivait dans sa liste du patrimoine immatériel de l’humanité le Malhoun; nouvelle qui avait grandement ravi au Maroc et qui, de façon très particulière pour Abbès Jirari, a sans doute eu valeur de consécration fortement personnelle. Décédé ce 20 janvier 2024, le concerné a en effet joué un rôle décisif pour que cet art poético-musical populaire marocain, comme le décrit l’UNESCO sur son site, prenne toute la place qu’il mérite dans le kaléidoscope civilisationnel made in Maroc. “C’est lui qui a fait que le Malhoun est aujourd’hui étudié à l’université”, rappelle le dramaturge et expert en arts patrimoniaux, Abdelmajid Fennich, qui, avec l’Académie du Royaume -dont il est membre de la chaire du Malhoun-, avait été à l’initiative le 10 janvier 2024 d’une soirée au Théâtre national Mohammed-V de Rabat pour célébrer le Malhoun et où il avait été prévu de rendre hommage à Abbès Jirari, sans que ce dernier, très diminué, ne puisse finalement participer.
Il faut dire que c’est à Abbès Jirari que l’on doit le tout premier travail académique consacré au Malhoun, à savoir sa thèse de doctorat publiée en 1970 aux imprimeries Al-Oumnia sous l’appellation de “Leqsida”. Ce travail, qui reste plus de cinquante ans après un des plus avancés ayant jamais traité du Malhoun, avait permis de compléter celui de compilation entamé quasiment à la même époque par Mohamed Ghali El Fassi -son aîné de 29 ans-, auteur d’une sorte d’encyclopédie en trois volumes qui regroupe les “qsaïed”, c’est-à-dire les poèmes les plus emblématiques du genre. Mais comme l’a aussi rappelé le roi Mohammed VI dans le message de condoléances et de compassion qu’il a adressé, le 23 janvier 2024, à sa famille, Abbès Jirari a plus généralement eu une contribution fleuve qui a également touché aux domaines de la science et de la religion, en plus donc de celui de la littérature.
Grande perte
“La disparition de feu Abbès Jirari est une grande perte non seulement pour son honorable famille, mais aussi pour le Maroc qui a perdu en lui une personnalité académique exceptionnelle”, a notamment écrit le Souverain, qui a personnellement bien connu Abbès Jirari dans la mesure où le défunt avait d’abord été son professeur au Collège royal de Rabat -où il avait nommé en 1979- puis son conseiller, après qu’il eût longtemps joué le même rôle auprès de son père, feu Hassan II. Parmi les anciens du Collège royal et camarades de classe de Mohammed VI, Fouad Ali El Himma, membre actuellement du Cabinet royal, et Mohamed Yassine Mansouri, directeur général d’études et de documentation (DGED), ont fait acte de présence aux funérailles de Abbès Jirari, le 21 janvier 2024 au cimetière ach-Chouhada de Rabat, aux côtés aussi du secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, Abdeljalil Lahjomri, de l’historiographe du Royaume et porte-parole du Palais, Abdelhak El Merini, ou encore du ministre des Habous, Ahmed Toufiq. Né le 15 février 1937 à Rabat, Abbès Jirari s’était très tôt envolé pour l’Égypte pour poursuivre des études universitaires, et ce au lendemain de l’indépendance du Maroc, à l’âge de 20 ans tout rond. Il y fera notamment la connaissance de son épouse, Hamida, qui est aussi la mère de ses quatre enfants, Alouf, Ola (décédée en janvier 1993), Mohamed et Rime. Fonctionnaire de l’ambassade du Maroc au Caire, il rentre au bercail en 1966 pour prendre le poste d’enseignant à l’Université Mohammed-V de Rabat, où il donne des cours de lettres arabes.
Également connu pour être un “alem”, c’est-àdire un savant religieux, Abbès Jirari fut, dans la seconde moitié des années 1990, président du Conseil des oulémas au niveau de l’ancienne région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër. Beaucoup de Marocains se souviennent d’ailleurs davantage de lui en tant que prêcheur -il a longtemps officié à la mosquée Lalla Soukaïna de Rabat, en plus d’avoir également animé de nombreuses conversations religieuses (les fameux “dourous hassania”) en présence de Hassan II. Homme de patrimoine, Abbès Jirari était en fait lui-même un peu devenu une partie de ce même patrimoine, où sa trace restera sans doute encore pour très longtemps indélébile.
Le 26/01/2024
Source web par : maroc-hebdo.press
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