Désintox. Non, la Mauritanie n’a pas suspendu l’application des nouveaux droits de douane sur les légumes marocains
Certains médias ont fait état de la suspension de la hausse des taxes douanières décidée par les autorités mauritaniennes à l’entrée de certains légumes. L’absence d’informations officielles et les approximations médiatiques sont un vivier de fake news alimentant les commentaires sur un dossier devenu sensible. Pour lever toute équivoque, Le360 Afrique a contacté des opérateurs exerçant à Nouakchott qui ont livré leurs témoignages.
D’emblée, il faut rappeler que depuis le 1er janvier 2024, la Mauritanie a fortement augmenté les taxes douanières concernant les légumes entrant sur son territoire, quelle que soit leur porte d’entrée: El Guerguerate, poste frontalier avec le Maroc pour les légumes importés du Royaume, ou le port autonome de Nouakchott, pour les légumes venant d’autres pays. Ces derniers sont particulièrement les Pays-Bas, principal fournisseur de la Mauritanie en 2023 en légumes (oignons, tomates, pomme de terre…) l’Egypte et la Turquie.
Contrairement à ce qui a été rapporté par certains médias sur une prétendue suspension de cette hausse des droits de douane, les camionneurs, contactés à Nouakchott par Le360 Afrique, ont démenti cette information. Idem pour l’opérateur Hassan Khalil, un importateur mauritanien de légumes, qui a répondu à nos questions depuis le port de Nouakchott où il dédouanait sa cargaison légumes, a démenti le revirement des autorités mauritaniennes. Selon Hassan Khalil cette hausse «est maintenue». Une information confirmée par les opérateurs marocains du marché «marocain» des légumes de Nouakchott.
D’ailleurs, dans l’une de ses rares sorties sur la question, le ministre mauritanien de l’Economie, Abdessalem Ould Mohamed a souligné sur les ondes de RFI: «Nous avons le droit de protéger nos productions de façon saisonnière lorsqu’il y a une concurrence forte et des risques de pertes. Nous sommes de nouveaux entrants dans la production des produits horticoles, nous devons continuer à soutenir nos jeunes entrepreneurs».
Etant votée par les parlementaires dans le cadre de la loi de finances rectificative, la décision d’augmenter les taxes douanières a valeur de loi. Elle ne peut donc pas, du jour au lendemain, être suspendue sans communication des autorités.
C’est d’autant plus vrai que les rares sorties des autorités mauritaniennes sur la question indiquent que cette hausse de la taxe sera appliquée durant les quatre premiers mois de chaque année pour protéger la production locale.
L’amalgame résulte du fait que ce ne sont pas tous les transporteurs de légumes passant par le poste frontalier d’El Guerguerat qui sont concernés par la hausse des droits de douane. En effet, cette augmentation ne concerne qu’une liste de légumes importés par la Mauritanie (oignon, carottes, pomme de terre, choux,), quelle que soit leur provenance, et non des légumes en transit.
Les opérateurs et camionneurs marocains rencontrés par notre correspondant au niveau du marché «marocain» de Nouakchott ont tous confirmé que cette hausse des taxes ne concerne pas les légumes en transit sur le marché mauritanien à destination des pays de la Cedeao.
Autre amalgame à lever: les légumes marocains ne sont pas les seuls ciblés par cette opération de hausse des droits de douane. Hassan Khalil, un importateur mauritanien ayant importé des légumes de Turquie en atteste. «J’importe des oignons et des pommes de terre à partir de la Turquie. Les taxes douanières ont connu une hausse exponentielle ces derniers jours, passant du simple à plus du double. Je comprends le souci légitime des autorités de protéger la production locale et de pousser à la pratique du maraîchage. Mais celle-ci est loin de pouvoir couvrir les besoins du marché. Le résultat est une forte hausse des prix au détriment du consommateur», souligne Hassan Khalil.
Troisième incompréhension à éclaircir: cette hausse des droits de douane ne concerne que certains légumes et non tous les produits importés du Maroc, comme l’ont laissé entendre certaines sources. Les camions transportant des produits divers à destination de la Mauritanie ne sont pas concernés par ces nouvelles taxes appliquées du 1er janvier au 30 avril de chaque année, selon les autorités mauritaniennes.
Reste maintenant à savoir comment les Mauritaniens arriveront-ils à supporter cette hausse de la taxe? Rappelons que cette décision de faire passer cette taxe de 13,73% à 39,23% vise à protéger la production locale moins compétitive par rapport aux produits importés.
Or, selon le ministre mauritanien de l’Agriculture Memma ould Beibate Hamahoulklah, «le taux de couverture des besoins en légumes a atteint 24% en 2023, contre 10% en 2019». D’autres sources situent cette part de la production locale à seulement 15% des besoins.
Dans tous les cas, la dépendance du pays vis-à-vis des importations est patente. En conséquence de quoi, cette hausse des droits de douane a entrainé une flambée des prix des légumes au niveau du marché de Nouakchott, alimenté presque entièrement par les importations.
Actuellement, le marché demeure bien approvisionné par les importateurs qui ont tous, du jour au lendemain, répercuté la totalité de la hausse sur les intermédiaires. Partant, c’est le consommateur final mauritanien qui est affecté.
Reste à savoir quelle sera la réaction des autorités mauritaniennes durant la période du 1er janvier au 30 avril si jamais il y a une pénurie de légumes, notamment des oignons et pomme de terre.
Le 16/01/2024
Source web par : le360
www.darinfiane.com www.cans-akkanaitsidi.net www.chez-lahcen-maroc.com
Les tags en relation
Les articles en relation
Mix énergétique : le Maroc sur la bonne voie
L’énergie était au cœur de l’actualité cette semaine. Entre les derniers chiffres dévoilés par l’Office national de l’électricité et de l’eau ...
Sahara occidental et « accord du siècle » : le Maroc à l’heure de choix décisifs
Le Maroc, qui a toujours opté pour une certaine indépendance dans sa politique étrangère, est aujourd’hui tenu de faire des choix parfois douloureux sous ...
L'adhésion du Maroc à la Cedeao, premier jalon d’une vaste intégration sud-sud
L’adhésion prochaine du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) "constitue le premier jalon d’une vaste intégra...
Gazoduc Nigeria-Maroc : une étape clé franchie avec l'accord intergouvernemental en phase de final
Le projet du gazoduc Nigeria-Maroc, initié par le Roi Mohammed VI et soutenu par l'ancien président nigérian Muhammadu Buhari, s'apprête à franchir...
Investissement de 12,5 MM$ pour le Gazoduc Nigeria-Maroc
La réalisation du projet du Gazoduc Nigéria-Maroc, avance. En témoigne les dernières déclarations du PDG de la société «Nigerian National Petroleum Comp...
Mali : « le divorce est déjà consommé avec la France et la CEDEAO »
Docteur en Science Politique, ancien analyste du renseignement, Eric Denécé est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) qu’il...
La CEDEAO, la Mauritanie et le Sénégal s’engagent dans la réalisation du gazoduc Maroc-Nigéria
Nouvelle brique dans la réalisation du gazoduc Maroc-Nigéria, avec la signature à Rabat d’accords entre les deux promoteurs du projet, la CEDEAO, le Séné...
Gazoduc Afrique Atlantique: Le coup de génie Maroco-Nigérian
C’est plusieurs objectifs que Rabat et Lagos, mais aussi d’autres capitales alliées, réussiront à atteindre une fois leur projet de gazoduc bilatéral pa...
Gazoduc Maroc-Nigeria : la société pétrolière publique nigériane annonce un investissement de 1
La Nigerian National Petroleum Company Limited (NNPC) a annoncé sa volonté d’investir 12,5 milliards de dollars dans le futur Gazoduc Maroc-Nigéria, prenan...
Maroc : Mohammed VI annule sa participation au 51e sommet de la Cedeao, auquel est invité Benyamin
L'organisation devait se prononcer sur la demande d'adhésion du Maroc à l'occasion de son 51e sommet, qui a lieu à Monrovia. Mais plusieurs pays ...
Le volume des échanges du Maroc avec l’Afrique représente 7% de l’ensemble de ses transactions
Le CMC publie un nouveau numéro de sa lettre mensuelle "Maroc Conjoncture" Le Centre marocain de conjoncture (CMC) a annoncé la parution du 291è numéro d...
Alerte : Le Gazoduc Nigéria-Maroc officiellement lancé
Infomédiaire Maroc – Le Roi Mohammed VI a présidé, ce lundi au Palais Royal à Rabat, la cérémonie de signature d’accords relatifs au projet du Gazoduc...