C’est au pied du mur que l’on voit l’architecte
Il est de bon ton ces dernières années de taper sur le béton et l’acier et les procédés constructifs « traditionnels » au nom de leur bilan carbone catastrophique. De fait, ils sont nombreux désormais à expliquer comment, avec de « nouveaux procédés constructifs », il est possible de construire de manière plus durable ou, à tout le moins, de façon plus respectueuse de l’environnement.
Il ne se passe pas une semaine sans que ne soit mis en avant tel ou tel projet affichant un mur en terre crue, en pisé, en chanvre ou en bottes de paille comme s’il y avait là une prouesse créative extraordinaire. C’est omettre un peu vite qu’en réalité ces procédés constructifs ont tous un jour ou l’autre été utilisés au cours de l’histoire de l’humanité. Il suffit pour s’en convaincre de se rendre partout dans le monde sur quelque site archéologique où abondent encore les restes de murs antiques en terre et cailloux mélangés. Il n’y a aucune espèce de gloire à réussir à ériger des murs avec tout ce qui nous passe sous la main, l’Homme est même depuis des millénaires passé maître dans l’érection de murs.
Pour autant, est-ce sa faculté à ériger des murs qui fait un architecte ? En effet, empiler des matériaux, quels qu’ils soient, et espérer que le mur ne s’écroule sous son propre poids est assez facile, c’est d’ailleurs ce pourquoi des murs résistent des millénaires durant. Ils ne constituent cependant pas une architecture. Laquelle certes érige des murs mais consiste avant tout à créer des lieux, des endo-climats protecteurs où la vie peut se développer sereinement. Pour ce faire il ne suffit pas d’ériger des murs, il faut aussi les franchir.
Il faut un franchissement pour réaliser une baie, qui permettra de pénétrer dans la construction, mais aussi franchir pour couvrir et protéger toitures et planchers. Dit autrement, bien plus qu’affronter la verticalité, il convient de supporter l’horizontalité. Bizarrement, dans ce domaine, il n’y a que très peu de volontaires pour révolutionner le monde de la construction !
Un regard dans le passé millénaire permet de constater que, hormis le bois et plus récemment le béton et l’acier, peu de matériaux permettent de réaliser un franchissement et de répondre à la question de l’horizontalité. Et si le bois le permet, c’est au prix soit d’une durée de pousse extrêmement longue, ce qui a valu la destruction par l’homme de nombre de forêts majestueuses, soit de nos jours par l’utilisation de bois plus jeunes, certes, mais nécessitant des procédés de transformation et d’ajouts de substances qui viennent quelque peu dégrader le bilan vertueux du matériau…
Plutôt que de verser dans la facilité en cherchant par quel matériau le béton de remplissage peut être remplacé, il serait intéressant de s’interroger plus sérieusement sur la façon dont il serait possible de lui substituer un autre matériau plus vertueux dans les structures porteuses car, pour le moment, il y a peu de pistes dans ce domaine !
Au même titre, personne ne remet en cause un autre matériau extrêmement utilisé dans la construction… le Verre ! Nombreux sont ceux à crier haro sur le béton, personne sur le verre ! Pour autant l’industrie du verre n’est pas exempte d’un bilan carbone conséquent mais il est vrai que, pour le coup, la solution de remplacement ne s’impose pas d’elle-même et, en regardant en arrière, nos prédécesseurs n’ont rien inventé sur le sujet. Rien ici qui permette de pontifier que « nos anciens étaient moins bêtes que nos ingénieurs actuels » ; il y a bien les Japonais pour avoir mis au point les papiers Washi mais question transparence et performance thermique il faudra repasser.
Force est donc de constater qu’au-delà du discours sur la nécessaire décarbonation du bâtiment et l’opprobre si facilement jeté sur le béton, peu de vraies solutions sont réellement étudiées. À ce jour seuls quelques effets d’annonce prêts à consommer font la doxa sur les réseaux sociaux où un pan de mur en béton est remplacé par un pan de terre crue. Sans l’explication cependant qu’une poutre plus conséquente a été nécessaire à l’édification et qu’elle a, à elle seule, cramé tout ou presque du bénéfice environnemental escompté.
Les progrès en termes de bilan carbone du bâtiment ne viendront pas des discours lénifiants de quelques opportunistes mais par un renforcement de l’ingénierie et de l’architecture afin d’engager de véritables recherches scientifiques, seuls gages de l’amélioration des procédés constructifs et de l’optimisation du bilan carbone, le postulat de départ.
Stéphane Védrenne
Le 26/09/2023
Source web par : chroniques-architecture
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