Reconstruction après le séisme au Maroc : l'approche innovante de l'architecte Elie Mouyal

Elie Mouyal, architecte marocain renommé et spécialisé dans la construction traditionnelle en terre, propose une méthode singulière pour la reconstruction d’habitations intermédiaires après le séisme dévastateur au Maroc. Il met l'accent sur une approche participative où les habitants sont au cœur du processus de reconstruction, utilisant des matériaux de récupération et une mousse isolante projetée pour créer des habitations durables. Cette approche vise également à revitaliser les communautés touchées tout en préservant leur identité culturelle.
RFI : Sait-on combien de villages et de logements ont été détruits par le séisme ? Elie Mouyal : On sait qu'il y a 700 douars [des groupements d'habitations au Maghreb, NDLR] qui sont à moins de 30 km de l'épicentre. Or, on sait que la destruction est allée jusqu'à 50 km. Donc, par extrapolation, on est à 1 500 ou 2 000 douars, voire peut-être plus dans le rayon de 50 km où ça a été assez destructeur pour que les maisons ne soient plus utilisables. Donc le nombre annoncé de 50 000 logements [nombre évoqué dans le programme de relogement du Maroc, NDLR], peut-être même qui sera dépassé. Et donc on ne peut rien comprendre à cette crise. En tout cas, nous, on n'a rien compris dans les premiers jours, jusqu'à ce qu'on soit percuté par ce chiffre extravagant de milliers de douars, de milliers de villages.
C'est un chiffre tellement extravagant que toutes les stratégies qu'on aurait pu imaginer ou concevoir, toutes, ont ramené à cette quantité et à la logistique nécessaire. Donc, en fait, tout change à partir du moment où on se met en tête que c'est 2 000 villages.
Concrètement, nous avons vu les premiers secours, mais il va falloir reconstruire. À quelle échéance ? Et que reconstruire ?
L'habitation d'urgence pour la semaine qui vient est acquise maintenant. Moi, en tant qu'architecte, j'ai été contacté par différents amis qui ont déjà commencé à phosphorer. Et quand j'ai vu dans quelle direction ils ont envisagé la reconstruction, j'ai été effrayé et je leur ai dit : « Écoutez ! L'Enfer est pavé de bonnes intentions. Je ne mets pas en doute votre bonne volonté, mais ce que vous voulez faire, vous les hommes de la côte et de la plaine, vous n'avez rien compris à la montagne. S'il vous plaît, réfrénez votre bonne volonté ou on va dans le mur et moi je ne vous suis pas. »
S'il faut faire un habitat intermédiaire pour passer un hiver – probablement deux, car il faut être réaliste, ce sera probablement deux – il faut proposer une solution qui est basée sur le génie des gens du lieu. Il ne faut pas apporter des solutions clés en main. Ce ne sont pas des kits. Il faut s'abstenir. Même si on a le kit, il ne faut pas le donner.
Il faut donner une méthode et j'en ai mis une au point très vite pour que les gens qui le veulent trouvent un emplacement. À eux de le choisir avec leurs familles, avec leur clan, au soleil, à l'ombre, comme ils veulent. C'est à eux de dire où est-ce qu'ils veulent passer l'année ou les deux ans.
On va leur expliquer, avec une vidéo, le prototype qu'on va monter dès demain. On va monter un petit prototype en une journée, peut-être en deux le premier, et on va montrer qu'avec très peu de moyens, on peut faire une cellule familiale qui peut passer l'hiver, voire deux hivers.
Et vous proposez une reconstitution participative ?
Exactement. C'est que les gens qui sont prêts à se prendre en main que l'on va aider. Nous, on va apporter la touche finale. Enfin, l'impact de départ et la touche finale. L'impact de départ, qu'est-ce que c'est ? C'est de leur demander de rassembler les rondins, les roseaux, les vieilles portes, les vieilles fenêtres, les bouts de ficelle et bouts de fils de fer, un peu de pierres. Les pierres, il y en a partout. Et avec ça, on fait la structure en rondins et roseaux.
Et s'il faut, on ramènera un peu de roseaux de la plaine. Ce n'est pas le problème. Mais tout le monde a vu sur les images. Les rondins sont disponibles. Ces gens-là ont construit des maisons très élaborées. Ils arriveront bien à faire les 15 mètres carrés qu'on va leur proposer, avec ces rondins et des rouleaux de roseaux et de bois.
Donc une fois qu'ils auront monté l'ossature de cette structure, on apporte de Casablanca une machine qui va projeter en une heure une mousse isolante de 3 à 4 cm d'épaisseur sur cette structure. Elle devient étanche, isotherme et elle durera largement plus que les deux ans. Et eux auront la possibilité de la parfaire par l'extérieur et par l'intérieur selon leur souhait. Ils pourront faire un torchis de terre et de paille sur les extérieurs.
Et c'est surtout ça qui est important, c'est que les gens doivent, à titre individuel, se reprendre en main à titre collectif, retisser avec leur communauté un travail collectif, ce qu'ils appelaient « touiza », c'est-à-dire, on se met ensemble et on règle nos problèmes ensemble. Et nous, la ville, on apporte juste la touche finale pour les aider.
C'est important qu'ils restent sur leur terre. C'est important qu'ils ne soient pas assistés au-delà de la dernière touche. Il faut qu'ils se reprennent en main. Ils vont se redonner confiance en eux. On doit reconstruire avec les gens sur leur terrain et ce sont eux qui commandent. On vient les aider. Si on sort de cette logique, alors tout est à craindre. Mais si on reste dans cette logique qui a été bien définie, alors tout est possible.
Le 15/09/2023
Source web par : rfi
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