Tourisme. Budget, destinations, séjours… les tendances vacances des Marocains cet été
Face à l’inflation, la cherté de la vie ou la crise des visas, de nombreux Marocains ont dû revoir leurs projets de vacances et adapter leur budget. Voici les tendances vacances des Marocains pour cette saison estivale 2023.
L’été bien entamé, quels sont les projets de vacances des Marocains? Selon une étude du groupe Sunergia, 49% des Marocains prévoient de voyager cet été, soit 3% de plus que l’an dernier. Les jeunes de 18 à 24 ans et les catégories aisées (A et B) représentent les catégories qui souhaitent davantage partir en vacances cet été avec des taux respectifs de 55% et 59%.
Malgré l’inflation et la cherté de la vie, l’intention de voyager des Marocains augmente d’année en année, ainsi que le budget consacré aux vacances. Les études et statistiques officielles sur le sujet manquent mais les professionnels du secteur apportent quelques éclairages.
« Le budget vacances des Marocains croît d’année en année malgré la crise. Il est mieux distribué que dans les générations d’avant car ils ont moins d’enfants maintenant. Les Marocains sont de moins en moins en camping et privilégient les hôtels et la location d’appartements », introduit Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste maroco-français des politiques publiques.
« Les ménages aujourd’hui consomment et veulent vivre comme en France pendant les Trente Glorieuses, ils voyagent, sortent, vont au restaurant, etc. » (Abdelghani Youmni, économiste)
Ce budget a beaucoup évolué ces vingt dernières années avec les transformations structurelles dans les modes de consommation de la société. Un mois et demi de salaire, c’est le budget accordé en moyenne par les Marocains aux vacances, pour une à deux semaines, quels que soient les revenus et la destination, ajoute l’expert qui explique le phénomène par l’amélioration du niveau de vie et l’apparition d’une classe moyenne +.
« Cette dernière représente 5 à 6 % de la population, soit 800.000 à 1.000.000 de personnes qui voyagent à l’étranger pour des périodes de 10 à 15 jours avec des budgets de 50.000 à 100.000 dirhams en Espagne surtout, en Turquie et de moins en moins en France à cause de la réduction du nombre de visas touristiques », poursuit-il.
Depuis 2004, les dépenses des ménages marocains en voyages à l’étranger n’a jamais cessé d’augmenter, avec une pointe exponentielle entre 2015 et 2020. Les deux années où ce budget a considérablement augmenté sont 2017 (15,8 MMDH) et 2020 (19,2 MMDH) avec une hausse respective de 22% et 15% par rapport à l’année précédente.
Le budget accordé aux vacances augmente chez les classes moyennes mais également proportionnellement chez les classes inférieures. « La conception de standing a changé. Avant, on avait recours aux tentes, aujourd’hui, on loue des appartements de 300 à 3.000 DH la nuit. Même les couches populaires se mettent à louer leur appartement à des vacanciers; donc les vacances touchent toutes les classes sociales, surtout l’été, il ne faut pas beaucoup de moyens pour passer du temps à la plage », indique l’économiste.
Vivre des expériences plutôt que posséder des biens
Ces dernières années, les professionnels du tourisme assistent à une tendance mondiale selon laquelle les gens préfèrent vivre des expériences plutôt que de posséder des biens, et le Maroc n’y échappe pas. Une tendance qui a pu d’autant plus s’accentuer après la crise sanitaire du covid-19 où la prise en compte du bien-être dans la vie en général a décuplé et s’apparente désormais à une besoin fondamental. Ainsi, malgré la cherté de la vie, les ménages font en sorte de dégager un budget pour leurs dépenses de vacances.
« Les Marocains accordent plus d’importance aujourd’hui aux vacances par rapport à avant car la psychologie sociale a changé, le bien-être a pris une place importante chez tous, y compris les moins aisés. Ils font donc des arbitrages sur le volume, le nombre de jours. Ils vont par exemple acheter un mouton de l’Aïd plus petit que l’année précédente pour laisser plus d’argent pour partir en vacances pendant une semaine plutôt que dix jours. Les Marocains forment une société résiliente, qui s’adapte », détaille encore Abdelghani Youmni.
Forte de cette dynamique, la perception du coût d’un voyage a évolué partout dans le monde. On considère qu’un voyage mérite plus de budget, idem au Maroc. « Selon une étude menée par le groupe Accor sur un échantillon de 100.000 personnes dans le monde, entre 2019 et 2022, le budget qu’accorderaient les clients pour une chaîne d’hôtel a augmenté de 40%, ce qui est énorme », illustre Othmane Ibn Ghazala, fondateur de l’agence de voyages Iktichaf Travel et trésorier de l’Observatoire du Tourisme.
L’expert précise qu’au Maroc, les comportements liés au voyage sont « hyper-segmentés »: « Il y a la toute petite minorité qui va dans des établissements classés et une écrasante majorité qui opte pour la location d’appartements, car ils n’ont pas du tout les moyens d’aller dans des hôtels ». Au-delà du pouvoir d’achat, le problème se situe au niveau du manque d’offre adaptée aux familles qui se dirigent dans tous les cas vers le tourisme interne.
Ce dernier bénéficie d’un certain regain d’intérêt depuis quelques années pour divers facteurs: plusieurs campagnes de promotion notamment « Ntlaqaw f’Bledna », la visibilité du Maroc à travers des publications sur les réseaux sociaux, la restriction des visas, le retour en masse des MRE après le covid-19 mais également des Marocains du Maroc qui choisissent de visiter leur pays plutôt que de partir à l’étranger. Selon la dernière étude Sunergia déjà mentionnée, 83% des Marocains interrogés qui ont l’intention de voyager comptent le faire au Maroc. Le royaume est-il prêt à recevoir cette demande et propose-t-il une offre adéquate?
« Stimuler l’investissement privé »
Pour Othmane Ibn Ghazala, « la demande du tourisme interne a du mal à trouver ses offres ». « Le tourisme interne a sa place mais pour qu’il soit solide et durable, il doit être porté par des initiatives privées. Compter uniquement sur les actions du ministère n’est pas viable. Il y a une demande donc l’offre doit se développer en conséquence », recommande-t-il, mettant en avant la nécessité de construire plus d’appart-hôtels, spécialement dans les stations balnéaires.
« Il y a quelques villes où ça marche déjà bien comme à Nador où se trouvent plusieurs appart-hôtels bien reconnus. Bien que saisonnière, il s’agit d’une forte demande. Même en ne remplissant que trois mois dans l’année, c’est largement rentable », assure le professionnel du secteur.
Et de prendre en exemple: « Sur la Costa del Sol, il doit y avoir des dizaines de milliers d’offres formelles, ce qui fait baisser les prix et le succès de la destination. On devrait investir massivement au Maroc pour faire la même chose. A ce moment-là, peut-être que beaucoup de Marocains n’iront plus en Espagne mais resteront au Maroc. Seulement, il faut l’animation qui va avec. »
Quant au choix de la destination, les Marocains privilégient les villes côtières: de Saïdia jusqu’à Tanger, Al Jadida, Essaouira, Agadir, Dakhla. A l’étranger, on les retrouve « sans surprise » cette année en Espagne et en Turquie. Le choix de la location d’appartements ou de maisons individuelles domine à 90%; l’hôtel aussi devient une option avec les demi-pensions ou le all-inclusif, indique Abdelghani Youmni.
Les acteurs du secteur au Maroc estiment que le tourisme domestique « doit monter en gamme pour permettre d’absorber toutes les personnes qui ne pourraient plus voyager car la crise des visas ne fait que commencer », estime l’économiste. De son côté, Othmane Ibn Ghazala invite vivement à « stimuler et accompagner l’investissement privé avec des actions ciblées ».
SOURCE WEB PAR : H24INFO
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