Sahara : la nouvelle position espagnole interpelle l’équidistance de la France
La position de l'Espagne sur le conflit du Sahara donne une nouvelle vigueur à la conviction de plus en plus répandue que le plan marocain est la meilleure voie vers une solution durable.
Quoi que l’on puisse en dire ou penser, on ne peut que reconnaître que la décision espagnole de soutenir le plan d’autonomie marocain pour le Sahara constitue le plus déterminant de tous les développements diplomatiques et politiques récents sur la question du Sahara. Outre son importance historique sans précédent – c’est la première fois qu’un pays européen soutienne l’initiative marocaine d’autonomie avec autant de clarté et de sincérité – cette décision aura des implications géostratégiques importantes pour l’avenir du conflit.
Le fait, en effet, que l’Espagne ait été la puissance occupante au Sahara marocain jusqu’en 1975; qu’elle ait signé un accord avec le Maroc, dans lequel elle acceptait de rendre le Sahara à sa mère patrie; et qu’elle n’ait jamais opposé son veto à cet accord rend la nouvelle position de Madrid particulièrement importante et renforce encore plus la position du Maroc par rapport au conflit.
Pour l’Algérie, en revanche, la décision espagnole est un développement désastreux pour deux raisons étroitement liées. Premièrement, le soutien de Madrid à Rabat est un rappel douloureux de l’échec des efforts inlassables de la diplomatie algérienne visant à saboter ou tout au moins à contenir l’élan indéniablement pro-marocain que la bataille diplomatique sur le Sahara a connu au cours de la dernière décennie.
Deuxièmement, non seulement l’Algérie a perdu en l’Espagne un ancien complice avec lequel elle avait l’habitude de s’associer pour saper les intérêts marocains, mais l’effet domino que la décision espagnole va sûrement déclencher est ce qui, en fait, constitue un coup fatal pour les rêves d’hégémonie régionale de l’Algérie.
Quid de la France
Si le régime algérien n’a pas pu prévoir les ramifications calamiteuses de sa malencontreuse décision de résilier le contrat du gazoduc Europe-Maghreb, les diplomates algériens devraient au moins être suffisamment avisés pour savoir que la prise de position de Madrid en faveur de Rabat est le signe avant-coureur d’autres événements similaires à venir.
Il faut donc s’attendre à ce que la décision espagnole pousse, éventuellement, de nombreux autres pays, en particulier en Europe et en Amérique latine, à penser à suivre l’exemple de l’Espagne. En particulier, cette décision va certainement exercer une pression diplomatique sans précédent sur la France, l’autre pays ayant une responsabilité historique dans la genèse du conflit du Sahara.
Bien que la France ait soutenu la proposition marocaine depuis quinze ans, le soutien de Paris à la position marocaine n’a jamais été aussi clair ou explicite que la position espagnole récemment annoncée. Au contraire, la France s’est longtemps contentée de répéter le langage pro-marocain que le Conseil de sécurité de l’ONU utilise depuis 2007.
Loin de soutenir le plan d’autonomie marocain comme étant la solution la plus réaliste, crédible et sérieuse au conflit du Sahara, la France, dans son désir apparent de satisfaire suffisamment le Maroc sans aliéner complètement l’Algérie, se contente simplement de rappeler son adhésion à la position onusienne selon laquelle le plan d’autonomie constitue « une proposition réaliste et crédible. »
On connaît bien l’importance du langage – dans la vie en général et surtout en politique. Dans le jargon diplomatique en particulier, chaque mot a un poids énorme et le choix des articles définis ou indéfinis est chargé de sens, de signification politique. Dire que le plan d’autonomie marocain est une proposition « réaliste et crédible » n’est pas du tout la même chose que de dire que c’est « le plan le plus crédible, le plus réaliste et le plus sérieux ».
Dans le premier cas, le locuteur laisse la porte ouverte à un autre plan ou une autre proposition qui pourrait être également « réaliste et crédible ». Alors que dans la seconde utilisation, qui est d’ailleurs le cas du premier ministre espagnol dans sa lettre au Roi Mohammed VI le 18 mars, il n’y a pas de place pour une autre interprétation.
Ainsi, pour le deuxième locuteur, le plan salué est la seule issue possible ; c’est ce plan ou rien. Qu’en conclure donc ? Ceci : alors que l’Espagne avait pour habitude de penser comme la France – applaudir le plan marocain tout en laissant la porte de la crédibilité et du réalisme ouverte à la thèse de référendum d’autodétermination défendue par l’Algérie et les séparatistes du Polisario -, Madrid croit désormais que le plan marocain est la seule voie viable pour une solution durable au conflit du Sahara.
Ce changement dans la position espagnole – qu’il faut d’ailleurs considérer comme un développement logique de la ligne défendue par Madrid au cours des deux dernières décennies, étant donné que l’Espagne a modérément soutenu le plan d’autonomie marocain depuis 2008 – devrait mettre les pays de l’Union européenne face à une vérité terrible, terrifiante pour beaucoup. Il s’agit de concéder, qu’au fond, la proposition du Maroc est la meilleure et la seule voie vers la paix, la prospérité, et la stabilité au Sahara.
L’heure de vérité pour l’UE
Ainsi donc, si l’UE est vraiment sérieuse dans sa volonté de contribuer sincèrement à la résolution du conflit du Sahara, et si elle souhaite réellement renforcer ses relations avec le Maroc sur la base du respect mutuel, elle devrait envisager d’exprimer son soutien clair et sans équivoque au plan d’autonomie marocain.
Une telle déclaration forte de soutien serait le premier pas dans la bonne direction pour faire avancer la coopération essentielle entre Bruxelles et Rabat. Plus que cela, cependant, elle constituerait également une corroboration vitale de la ligne de réalisme et de compromis que le Conseil de sécurité de l’ONU a clairement adoptée dans toutes ses résolutions liées au conflit du Sahara depuis 2007.
Depuis 2018 surtout, le consensus de l’ONU sur la question du Sahara est le rejet d’un référendum d’autodétermination inapplicable et peu pratique en faveur d’une solution politique réaliste, pratique et basée sur le compromis.
Alors, les pays de l’UE suivront-ils les pas de l’Espagne et reconnaîtront-ils l’importance du Sahara pour le Maroc et les Marocains ? Et sont-ils prêts à cesser de se cacher derrière des déclarations vagues et ambiguës pour réellement et vigoureusement reconnaître l’unanimité que le plan d’autonomie marocain a obtenue au cours de la dernière décennie ?
En voyant le communiqué de presse que l’UE a publié la semaine dernière, dans lequel elle a exprimé sa satisfaction de la normalisation des relations entre le Maroc et l’Espagne, je pense que le bloc européen n’est pas encore prêt à abandonner sa position de « neutralité positive » sur la question du Sahara pour enfin explicitement reconnaître la centralité inégalée du plan marocain d’autonomie.
Néanmoins, si la réponse fébrile et virulente de l’Algérie au changement de position de l’Espagne nous a appris quelque chose, c’est qu’Alger craint dorénavant que les mois et les années à venir voient le plan marocain gagner encore plus en popularité parmi les diplomates en général et les négociateurs de l’ONU en particulier.
En ce sens, la décision de l’Espagne a rendu très clair ce que la reconnaissance américaine du 10 décembre avait symboliquement, mais significativement, indiqué : pour tout observateur avisé réellement mû par le désir de préserver la sécurité, la stabilité et la paix dans une région sahélo-saharienne déjà fragile, le plan marocain est la seule issue possible pour le Sahara.
Le 15/04/2022
Source web par : medias24
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