L’année 2021 marque un tournant pour Maroc Telecom: ce que cachent les résultats de l’opérateur historique
L’amende record de 3,3 milliards de dirhams infligée en 2020 à Maroc Telecom pour «pratiques anticoncurrentielles» ne semble pas avoir dissuadé son management, toujours fermement décidé à faire fi de la loi. Les résultats de l’année 2021 marquent toutefois un tournant dans la situation monopolistique de l’opérateur historique. Analyse.
L’opérateur historique Maroc Telecom (MT) vient de dévoiler ses résultats pour l’année 2021. Si globalement les indicateurs semblent être au beau fixe, comme chaque année, avec un résultat net dépassant les 6 milliards de dirhams, un élément surprenant saute aux yeux à la lecture de ces résultats.
Cette année, Maroc Telecom semble moins généreux avec ses actionnaires et propose de distribuer seulement 4,2 milliards de dirhams sur les 6 milliards gagnés (le dividende étant fixé à 4,78 dirhams par action). Ce niveau de distribution est d’autant plus surprenant que pendant plus de 20 ans durant, l’opérateur historique a habitué ses actionnaires à recevoir 100% de ses bénéfices, exception faite de 2020, année au cours de laquelle il a écopé d’une amende record de 3,3 milliards de dirhams pour non-respect de la loi.
Le comportement anticoncurrentiel de l’opérateur historique a porté préjudice à ses concurrents directs, mais aussi et surtout au pays tout entier en le privant d'infrastructures permettant la généralisation de l'accès à l'internet fixe.
Autre fait marquant: les chiffres de Maroc Telecom s’érodent sur le marché du mobile où les deux challengers, inwi et Orange, arrivent tant bien que mal à lui faire un peu de concurrence. Preuve s’il en faut que l’entreprise, dirigée par Abdeslam Ahizoune, n’arrive à faire du chiffre que lorsqu’elle est en situation de monopole.

La baisse de Maroc Telecom sur le marché du mobile est d’un milliard de dirhams entre 2020 entre 2021, soit un plongeon de 8%. En revanche, son chiffre d'affaires se maintient sur le marché du fixe, sur lequel il a gardé le monopole malgré la sanction que lui a infligée en 2020 l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT, le régulateur des télécoms). Et pour cause, dans son communiqué, Maroc Telecom reconnaît avoir reçu un rapport du régulateur sur le non-respect des injonctions de la décision liée à la sanction de 2020. Or, une lecture rapide de cette décision indique que chaque jour de retard coûte une amende pouvant atteindre les 4 millions de dirhams.

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IAM sous la menace d’une astreinte record
Sachant que la décision de l’ANRT remonte à janvier 2020 et que ledit rapport du régulateur est daté du 10 janvier 2022, les astreintes à payer pourraient se chiffrer en milliards de dirhams. Mais Maroc Telecom ne semble pas accorder la moindre importance au respect de la loi, du moment que ce qu'il gagne lui permet de payer les amendes et, cerise sur le gâteau, de distribuer plus de 4 milliards de dirhams à ses actionnaires.
Dans un précédent article, citant un expert ès-télécom, il a été établi que Maroc Telecom préférait opter pour un arbitrage malsain entre, d’une part, le risque encouru en termes d’amendes payées et, d’autre part, les gains engrangés grâce à sa situation de monopole.
«A titre d’exemple, le montant de l’amende payée par IAM en 2020, soit 3,3 milliards de dirhams, représente à peine 2,7% du montant total de dividendes distribués par l’opérateur historique en près de 20 ans à ses actionnaires (120 milliards de dirhams)», indique cet expert, pour lequel le management d'IAM préfère de loin payer des amendes que d'accepter le jeu sain de la concurrence. Ce niveau de rendement, fruit d’un monopole de fait et du non-respect des lois et règlementations en vigueur, est quatre fois plus élevé que celui constaté chez les opérateurs historiques européens, a-t-il ajouté.
La conséquence d'un tel comportement, qui défie toutes les règles de gestion d’une entreprise, est un retard de plus en plus important du pays dans le domaine du digital. Ce constat rejoint les observations de la Société financière internationale (SFI) qui, dans un rapport publié en octobre 2019, a mis en garde contre les effets néfastes du monopole de Maroc Telecom sur l’ADSL.
L'Etat, encore actionnaire de Maroc Telecom, doit impérativement choisir entre recevoir des dividendes, qui vont se réduire au fil des ans comme peau de chagrin, ou bien peser sur l'opérateur historique pour ouvrir ses infrastructures fixes à la concurrence et permettre le développement des télécoms. Il n'est pas normal que les challengers continuent de creuser des tranchées dans nos rues et boulevards alors que l'opérateur historique tire profit d'actifs qui lui ont été transférés lors de l'ouverture du marché. Le maintien du statu quo n'est bon ni pour le pays, ni pour les consommateurs qui ne peuvent avoir accès à l'internet fixe qu’en devenant clients de Maroc Telecom.
A cet égard, il est plus que navrant de constater que le nombre de lignes fixes affichées par Maroc Télécom en 2021 est exactement le même que celui dont disposait le pays il y a 20 ans, au moment de l'ouverture du marché à la concurrence. Donc, en termes de croissance, c’est un zéro pointé pour l’opérateur historique. Et finalement, l’indéboulonnable patron de Maroc Telecom, Abdeslam Ahizoune, n’a aucune raison d’investir davantage dans cette confortable situation de monopole, sans concurrence, dans laquelle l’entreprise historique de télécoms se trouve, en produisant des marges comme nulle part ailleurs au monde.
Dans son communiqué, Maroc Telecom fait aussi état d'une décision de la justice malienne pour le paiement d'un préjudice de près d’un milliard de dirhams.

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Dans le même temps, les chiffres d'affaires de Maroc Telecom, au Mali et au Togo, ont connu des baisses significatives, allant de 15 à 20% entre 2020 et 2021. Moralité: le dynamisme monopolistique de l'opérateur historique semble s'essouffler. Le refus catégorique du respect de la loi commence à montrer ses limites…
Le 21/02/ 2021
Source web par : le360
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mardi 22 février 2022
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