Discriminations à l'université : pour la première fois, un testing cible 600 responsables de Masters
INFO FRANCE INTER – Une étude pour mesurer d'éventuels risques discriminatoires autour de l'entrée en Master a été menée par des chercheurs. Testé notamment : le critère de l'origine maghrébine des étudiants. Les résultats sont jugés préoccupants mais moins alarmants que ce qui est observé sur le marché du travail.
Existe-t-il des biais de sélection, de possibles discriminations autour de l'accès aux Masters à l'université ? Jusqu'ici aucune étude de "testing" ne s'était penchée sur cette question, pourtant potentiellement lourde de conséquences. C'est désormais chose faite. A l'initiative de plusieurs chercheurs (Sylvain Chareyron, Louis-Alexandre Erb et Yannick L'Horty de l'Université Gustave Eiffel), une vaste campagne de ce type, qualifiée d'"expérimentale", a été conduite au printemps dernier. Elle a visé 19 universités, 607 Masters et s'est effectuée via l'envoi de près de 2000 courriels. Deux critères ont été testés : celui du handicap et celui du patronyme maghrébin.
Traitement discriminatoire significatif sur le critère de l'origine, mais pas sur le handicap
Pour mesurer ces biais de sélection, sans pour autant tester de véritables candidatures sur des Masters (ce qui aurait été impossible), des personnes clé ont été ciblées : les responsables de formation de plusieurs centaines de Masters. A chaque fois : trois emails quasi identiques ont été envoyés : des demandes d'information sur ces cursus et leurs modalités d'inscription, à l'image de ce qui se fait régulièrement "dans la vraie vie". Sauf qu'il s'agit là, donc, de sollicitations émanant d'étudiants fictifs. Dans un cas, l'expéditeur signale être en fauteuil roulant. Pour les deux autres courriels, seul le nom varie : par exemple Julien Garnier et Rachid Saïdi. Résultat : "Nous n'avons pas trouvé de différence de traitement significative pour les étudiants qui mentionnent un handicap moteur lourd. Par contre, les étudiants supposés d'origine maghrébine sont dans l'ensemble pénalisés par rapport aux étudiants supposés franco-français, car on leur répond moins souvent en leur indiquant la marche à suivre pour s'inscrire", détaille Yannick L'Horty.
Même si ces discriminations sont de moins forte intensité que ce qu'on observe sur le marché du travail, c'est très préoccupant. Cela prend à contrepied l'esprit même de l'université, où la notion d'égalité est absolument centrale.
Dans l'ensemble, toutes filières confondues, les candidats fictifs maghrébins ont 12% de chances en moins d'obtenir une réponse. En comparaison, sur le marché du travail, ce chiffre monte généralement à 25% lorsque ce sont des candidatures sur des offres d'emploi qui sont testées. Mais si l'on s'intéresse à certains types de cursus en particulier, notamment aux Masters juridiques, parmi les plus demandés, le différentiel atteint les 30%. Pour les Masters scientifiques, les candidats maghrébins ont 20% de chances en moins de recevoir une réponse.
L'université veut regarder ces chiffres en face
Pour Manuel Tunon de Lara, à la tête de France Universités, qui représente les présidents d'universités, cette étude - dont il ne conteste pas la méthodologie et la solidité - doit déclencher une prise de conscience : "Lorsque les principes d'égalité et de diversité sont battus en brèche, bien sûr qu'on doit s'en préoccuper. On ne peut pas balayer ces résultats d'un revers de main. Il faut voir comment on peut peut-être se saisir de cet outil pour poursuivre la surveillance, et travailler sur les facteurs de risques identifiés à travers cette étude".
Car c'est l'autre enseignement de l'étude : "Grâce à l'observation des données selon les filières et à un questionnaire que nous avons ensuite envoyé aux responsables, nous avons identifié plusieurs facteurs de risques. Plus un Master est attractif, et donc très sélectif, plus le risque est important. Il apparaît aussi que là où la sélection des dossiers est faite par des individus isolés et non dans le cadre d'un processus collectif, le risque de discriminer est plus important", selon Yannick L'Horty.
Le chercheur réunit ce mardi une série d'acteurs du monde universitaire ou impliqués dans la lutte contre les discriminations pour lancer un Observatoire National des Discriminations et de l'Egalité dans le Supérieur (ONDES). Autour de la table : plusieurs associations étudiantes apporteront leur regard. Pour Laurine Chabal, vice présidente dela FAGE, en charge de la lutte contre les discriminations, ces résultats confirment des impressions fortes : "Nous avions des témoignages d'étudiants qui nous disaient avoir le sentiment d'avoir été victimes de discrimination à l'entrée en Master, mais il était difficile d'évaluer précisément l'ampleur du problème. Cette étude va nous permettre d'avancer sur ce sujet, alors que l'université est censée jouer ce rôle d'ascenseur social. Je suis plus surprise par le résultat obtenu sur la question du handicap, alors que l'on voit que c'est un sujet qui remonte énormément. Beaucoup d'étudiants en situation de handicap s'adressent à nous. Mais pour eux, la discrimination s'effectue déjà probablement bien en amont."
Le 15 février 2022
Source web par : franceinter-fr.cdn.ampproject
Les tags en relation
Les articles en relation
Le Forum mondial de tourisme de gastronomie analysera le potentiel du secteur comme source d’emplo
Des experts internationaux seront réunis pour ce forum où alterneront exposés et conférences magistrales avec des échanges de connaissances et de bonnes pr...
Journée mondiale Les jeunes toujours en manque de compétences pour l’emploi
Ils sont aujourd'hui 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans, soit 16% de la population mondiale, qui ont un rôle crucial à jouer dans leurs environ...
30% des jeunes sont au chômage en Afrique du Nord !
Les jeunes demeurent très vulnérables sur le marché du travail. Ils affichent, en effet, un taux mondial de chômage deux fois et demie fois plus élevé que...
Impact de la sécheresse sur le marché de l'emploi au Maroc : un défi majeur persiste
La sécheresse a eu un impact significatif sur le marché de l'emploi au Maroc, où le taux de chômage n'a pas diminué au premier trimestre de 2024 pa...
Marché du travail: Cinq régions abritent plus de 7 actifs sur 10
Les disparités restent très marquées sur le marché du travail. Cinq régions abritent 72,3% de l’ensemble des actifs âgés de 15 ans et plus, selon la no...
Pourquoi l’industrie ne crée ni assez d’emplois ni suffisamment de valeur ajoutée au Maroc
L’industrie, qui est dépositaire de grands espoirs en termes notamment de création de valeur ajoutée et d’emplois pour rendre l’économie nationale moi...
Programme Forsa : 74% de couverture et 36 920 emplois créés, un levier pour l'entrepreneuriat au M
Le programme gouvernemental Forsa affiche un taux de couverture impressionnant de 74%, a annoncé jeudi la ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'...
Le programme Awrach généralisé à l’ensemble du territoire national à partir du 1er mars 2022
Le programme Awrach sera généralisé à l’ensemble du territoire national à partir du 1er mars 2022, a annoncé, lundi, le département du Chef de gouverne...
202 000 postes d’emploi perdus au Maroc au premier trimestre 2021
La situation du marché du travail au premier trimestre 2021 continue encore de subir les effets de la crise qu’a vécue l’économie nationale durant l’an...
Analyse de la population active au Maroc en 2023 : Principaux enseignements de la note d'information
Voici les points clés tirés de la note d'information du Haut-Commissariat au Plan (HCP) concernant les caractéristiques principales de la population acti...
#Education_Comme_Valeur_Ajoutée: Les étudiants étrangers qui se forment en France, un précieux v
Arrivant du Maroc, de Chine ou d’Algérie, les étudiants étrangers alimentent un vivier de main-d’œuvre, surtout qualifiée. La France est en effet parti...
Marché du travail: pourquoi la situation des jeunes marocains ne s’améliore pas
Formation et employabilité étaient au menu d'une réunion plénière de la CGEM. Taux de chômage élevé, cumul des handicaps... La situation des jeun...