Sécurité alimentaire et COVID-19
De plus en plus de pays sont confrontés à des niveaux croissants d’insécurité alimentaire aiguë, réduisant ainsi à néant des années de progrès en matière de développement. Avant même la survenue de la pandémie de COVID-19, qui a fait chuter les revenus et désorganisé les chaînes d’approvisionnement, la sous-alimentation chronique et aiguë était en augmentation, sous l’effet de multiples facteurs : conflits, situation socioéconomique, catastrophes naturelles, changement climatique, invasions de crickets... La crise sanitaire est responsable d’une aggravation marquée et généralisée de l’insécurité alimentaire, touchant les ménages vulnérables pratiquement partout dans le monde. Ces effets délétères devraient perdurer tout au long de 2021 et en 2022, voire au-delà, avec la propagation continue du variant delta. Cette note d’information fait le point sur l’augmentation de l’insécurité alimentaire pendant la pandémie de COVID-19 et sur les actions menées à ce jour par la Banque mondiale pour y remédier.
La situation dans le monde
L’indice des prix des produits agricoles est proche de ses niveaux records depuis 2013 : au 16 juillet 2021, il était supérieur d’environ 30 % à son niveau de janvier 2020, avec des cours du maïs, du blé et du riz qui ont grimpé respectivement de 43, 12 et 10 %. Cette flambée des prix est attisée par une demande soutenue, les aléas climatiques et les conditions macroéconomiques mais également par les perturbations des chaînes d’approvisionnement liées à la pandémie, quand bien même les perspectives de production des principales céréales dans le monde restent bonnes.
Les principaux risques qui pèsent sur la sécurité alimentaire sont liés aux conjonctures nationales : une hausse des prix de détail, conjuguée à une chute des revenus, oblige toujours plus de ménages à réduire leur consommation alimentaire, aussi bien en volume qu’en qualité.
De nombreux pays connaissent une forte inflation des prix alimentaires de détail, les mesures de distanciation sociale, les dévaluations et d’autres facteurs ayant des effets durables sur les chaînes d’approvisionnement. Ce renchérissement de l’alimentation pénalise plus durement les habitants des pays à revenu faible et intermédiaire, qui consacrent une part plus importante de leurs revenus à ces dépenses que les populations des pays à revenu élevé.
Les enquêtes rapides par téléphone réalisées par la Banque mondiale (a) dans 48 pays montrent qu’un nombre important d’individus commencent à manquer de nourriture ou diminuent leur consommation. Un apport calorique réduit et une nutrition fragilisée menacent les progrès obtenus sur le front de la réduction de la pauvreté et de la santé et pourraient avoir des répercussions durables sur le développement cognitif des jeunes enfants. Selon le rapport des Nations Unies sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, entre 720 et 811 millions de personnes ont connu la faim en 2020 — soit environ 118 millions de plus qu’en 2019 si l’on prend en compte le milieu de la fourchette de prévision (768 millions). Mais pratiquement 2,37 milliards de personnes (30 % de la population mondiale) n’ont pas eu accès à une nourriture adéquate tout au long de l'année 2020 — une hausse de 320 millions d’individus en seulement un an.
Du fait de la pandémie, le nombre de personnes confrontées ou exposées à une « insécurité alimentaire aiguë » (une situation dans laquelle la vie ou les moyens d’existence d’une personne sont en péril imminent parce que celle-ci n’est pas en mesure de s’alimenter correctement) a considérablement augmenté en 2020-21 et pourrait atteindre, selon le Programme alimentaire mondial, 272 millions d’individus (a) dans les pays où il intervient.
La faim avait déjà tendance à augmenter avant la pandémie de COVID-19, et celle-ci n’a fait qu’accentuer les effets déjà présents des événements climatiques extrêmes, des conflits et d’autres chocs sur les opportunités économiques.
L’appui de la Banque mondiale
Le Groupe de la Banque mondiale œuvre aux côtés des gouvernements nationaux et de ses partenaires internationaux pour opérer un suivi des chaînes d’approvisionnement alimentaires et agricoles à l’échelle des pays, surveiller la manière dont les pertes d’emploi et de revenu affectent la capacité des individus à acheter de quoi manger et veiller à ce que les systèmes alimentaires continuent de fonctionner malgré les problèmes provoqués par la pandémie.
Un document publié en décembre 2020 sous le titre Responding to the Emerging Food Security Crisis (a) résume l’ampleur de la réponse apportée par la Banque mondiale dans les pays les plus pauvres : entre avril et septembre 2020, l’IDA a débloqué 5,3 milliards de dollars de nouveaux engagements en appui à la sécurité alimentaire. Cette mobilisation correspond à la fois à des mesures de court terme liées à la COVID-19 et à des investissements pour s’attaquer aux causes à long terme de l’insécurité alimentaire.
La Banque mondiale s'appuie sur des projets existants afin de déployer des financements de court et long termes :
·Au Bangladesh, un plan d’urgence actionné au titre du projet de développement de l’élevage laitier (a) a mobilisé 87,8 millions de dollars de transferts monétaires afin de soutenir l’activité de 407 000 producteurs vulnérables de produits laitiers et de volaille. Les fonds ont également permis de fournir des équipements de protection individuelle, du matériel agricole et des services vétérinaires améliorés, avec la création de 64 cliniques vétérinaires mobiles.
· Au Bhoutan, la Banque mondiale a réaligné son portefeuille de manière à soutenir à court terme la distribution de denrées alimentaires et à améliorer à moyen terme la production vivrière grâce à la fourniture d’intrants et à l’irrigation.
·Au Tchad, 30 millions de dollars de financements d’urgence ont permis d’organiser la distribution gratuite de rations alimentaires pour 437 000 personnes vulnérables, en milieu urbain et en milieu rural, confrontées à une insécurité alimentaire et nutritionnelle grave. Par ailleurs, des semences et du petit matériel agricole ont été fournis à 25 000 petits exploitants pauvres et vulnérables dans le but de préserver leurs capacités de production en vue de la prochaine saison de croissance des cultures, imminente.
· Au Guatemala, le projet de riposte à la COVID-19 grâce à des chaînes de valeur modernes et résilientes veut apporter une réponse d’urgence à la crise et renforcer la résilience économique et climatique en améliorant l’efficacité des principales chaînes de valeur agricoles et en investissant dans des technologies et des pratiques modernes.
·En Haïti, le projet pour des territoires résilients et productifs a fourni une aide d’urgence à plus de 16 000 agriculteurs afin qu’ils aient accès à des semences et des engrais et préservent leurs niveaux de production pour les deux prochaines campagnes agricoles.
· En Inde, des groupes féminins d’entraide, accompagnés par la mission nationale pour les moyens de subsistance en milieu rural, cofinancée par la Banque mondiale, se sont mobilisés pour répondre aux pénuries de masques et de produits désinfectants, ont organisé des cantines communautaires, rétabli l’approvisionnement en produits frais et soutenu les familles vulnérables très exposées (a). Ils proposent également des services financiers en milieu rural et y diffusent des conseils face à la pandémie. Avec 15 ans d’existence, ces groupes d’entraide peuvent compter sur l’expertise d’environ 62 millions de femmes en Inde.
·En République kirghize, le projet d’amélioration de la productivité agricole et de la nutrition, soutenu par la Banque mondiale, financé par le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP) et qui s’emploie en priorité à améliorer les infrastructures hydriques et renforcer les capacités des associations des usagers de l’eau, a distribué pour 1,1 million de dollars d’intrants agricoles (semences, engrais…) à travers 30 projets associatifs afin d’aider les populations vulnérables.
·Au Rwanda, le projet pour une intensification durable de la production agricole et la sécurité alimentaire a bénéficié d’un financement additionnel afin de gérer les conséquences des mesures de confinement. Le projet pour le renforcement de la protection sociale, en cours, a également été remanié face à la pandémie.
·Au Sénégal, un crédit de l’IDA de 150 millions de dollars contribue à accroître les exportations de cultures à haute valeur ajoutée telles que les arachides décortiquées et les produits horticoles, ainsi que la productivité de l’élevage laitier. Il permettra également de réduire le taux de mortalité des petits ruminants et atténuer les effets négatifs de la pandémie de COVID-19 tout en investissant dans des pratiques de production plus efficaces et résilientes.
· En Sierra Leone, le financement d’urgence au titre du projet, en cours, de développement des capacités des petits exploitants en matière de commercialisation et d’agro-industrie soutient la réponse du gouvernement face à la COVID-19, avec la fourniture aux riziculteurs d’intrants et de services de mécanisation et de vulgarisation. Le projet de filets de protection sociale a également renforcé son système de transferts monétaires pour soutenir les ménages les plus vulnérables.
· Au Tadjikistan, dans le cadre du système actuel d’aide sociale ciblée, la Banque mondiale a financé le versement d’allocations monétaires aux familles en situation d’insécurité alimentaire et comptant des enfants de moins de trois ans (a), dans le but d’atténuer les effets de la hausse des prix et de préserver la nutrition des plus jeunes.
Prévention
La Banque mondiale est déterminée à aider les pays à éviter que la prochaine zoonose ne se transforme en pandémie et à mieux anticiper la survenue d’un événement critique.
L’expérience acquise par la Banque pendant la grippe aviaire confirme la pertinence d’investissements transversaux et coordonnés en faveur de la santé humaine, animale et environnementale (ou approche « One Health » [a]) en tant que solution rentable et efficace pour gérer les risques et endiguer les maladies à la source. Plus de 70 % des maladies infectieuses émergentes (MIE) chez l’homme sont d’origine animale. La transmission d’agents pathogènes de l’animal à l’homme et les MIE s’accélèrent dans un environnement qui se transforme rapidement — la déforestation, le changement d’affectation des sols et la croissance démographique rapide amplifiant l’exposition de l’homme aux maladies véhiculées par les animaux.
Grâce à la première enveloppe de financements contre la COVID-19 mobilisée par le Groupe de la Banque mondiale, les pays peuvent investir dans des mesures de prévention à long terme, en s'attachant notamment à renforcer les services vétérinaires, les systèmes de surveillance épidémiologique et la sécurité alimentaire. En Inde par exemple, le projet de réponse d’urgence et de préparation des systèmes de santé va améliorer les systèmes de veille épidémiologique chez l’homme et chez l’animal et renforcer les systèmes d’information sanitaire (a) dans tout le pays. En Chine, un nouveau projet va permettre d’améliorer les systèmes de surveillance des risques d’apparition de zoonoses et autres menaces émergentes pour la santé. Il renforcera les capacités d’évaluation des risques, de diagnostic et de suivi des maladies chez l’homme et l’animal, domestique et sauvage. Il optimisera également les protocoles de partage d’information entre les organisations concernées.
Le 17 août 2021
Source web Par : banque mondiale
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