Fêtes de fin d'année Ces Marocains qui «croient» au Père Noël

Le rituel de la décoration du sapin reste tenace.

«Noël n'est pas une fête musulmane ! Je ne comprends pas pourquoi nos frères le célèbrent», se demande Karim, 38 ans. Même son de cloche auprès de Abdelhadi qui se dit choqué par de tels excès. «Vous avez déjà vu des chrétiens égorger le mouton ? Non ? Alors pourquoi, nous, musulmans, devrions danser autour du sapin !? Les gens qui le font sont dans l’égarement le plus total», s’indigne-t-il. Un avis qui semble blesser Fatim-Zahra. «Je ne suis pas dans l’égarement ! Je suis musulmane et fière de l'être. Je ne renierais jamais ma religion. Mais je ne vois pas ce qu’il y a de mal, ce jour-là, à se retrouver en famille et à faire la fête. Les enfants sont contents de découvrir leurs cadeaux. Cela permet de s'ouvrir sur d’autres cultures et ne veut pas dire que nous allons nous convertir, allons !» se lamente-t-elle.

«Les cadeaux, vous pouvez les offrir lors de l’Aid ou l'Achoura. Nous, les vrais musulmans, n’avons que deux fêtes et Noël n'en fait pas partie ! D’ailleurs, quiconque imite un peuple, en fait partie…», renchéri Mouna. Intervient ensuite Nadia qui préfère calmer le jeu à l’approche d’une «troisième guerre mondiale». «Bien que Jésus soit un Prophète en qui nous croyons aussi (…) chacun fait ce qu'il veut, mais avec tout mon respect, j'avoue que je ne comprends pas», tempère la jeune femme. C’est sans compter sur Mohamed, 61 ans qui campe sur sa position pro-Noël. «Justement, nous croyons aussi en Jésus, donc il n'y a aucun mal à célébrer Noël. Tant que ça ne va pas dans les extrêmes comme aller à la messe», déclare celui-ci.
Ce qui envenime légèrement la discussion et fait réagir instantanément Kamal. «Installer un sapin et le décorer est un acte d'adoration envers un objet, car on lui voue des qualités magiques (…) ce sont des actes d'adoration voués à autre chose que Dieu et prédestinent donc à l'enfer», se défend-il. «Mon père est un Haj. Il nous a appris la prière et le Coran depuis notre plus jeune âge. Tous les soirs, il venait dans notre lit pour réciter la “Chahada” avec nous.

Mais ça ne nous empêchait pas de mettre un sapin tous les ans. On le décorait en famille et on avait plein de cadeaux ! On n'en est pas moins musulman», renchérit Bouchra. «Vous savez, rares sont les chrétiens en France qui le fêtent par amour de leur religion… C'est juste pour les enfants. Pour les adultes, c’est un prétexte pour se retrouver et faire la fête. En quoi cela dérangerait-il que nous fassions de même ? D'ailleurs, “se gaver” alors que Jésus a toujours prêché la vertu de l'altruisme, la pauvreté est plus que contraire à la logique chrétienne. Moi, personnellement, je fêterais Noël, comme tous les ans», lance Hicham. Idem pour Loubna qui impose cependant quelques restrictions. «Pour nous c’est ni sapin ni cadeau ! Généralement, nous faisons un repas ensemble, non pas pour Noël, mais juste pour se retrouver tous ensemble.
On explique bien aux enfants que Noël, ce n’est pas pour nous, qu’on a d'autres fêtes et cela ne pose pas de problèmes». Enfin, Rachida se sert de cette fête pour mijoter de bons petits plats européens. «Cela change du couscous et du tajine habituels. J’ai acheté plein de livres de recettes sur le sujet, c’est l’occasion de faire découvrir de nouvelles saveurs à ma famille…», conclut-elle finalement. 

De meilleures ventes en cette période

Bien que certains affichent une certaine réticence à fêter Noël, les chiffres concernant les ventes de jouets parlent d’eux-mêmes. «Nous faisons un bon chiffre d’affaires en cette période de l’année. Cependant, les Marocains n’ont pas autant d’entrain cette année que la précédente. Dire que les Marocains ne fêtent pas Noël est donc faux», confie une vendeuse du magasin Joué Club. Que ce soit dans les vitrines d’Alfa 55 et du Morocco Mall à Casablanca, ou dans un sens plus large à l’entrée de Marjane, Label Vie, Acima et autres grandes surfaces du Royaume, l’esprit de Noël est bel et bien présent. «Si cela ne marchait pas, on ne vendrait ni sapin, ni chocolat ou décoration en cette période, pourtant on ne voit que ça à l’entrée des grands magasins. Et vous avez vu la taille des rayons de jouets et leur emplacement stratégique dans les magasins ? Quand une famille va faire les courses avec ses enfants, elle est obligée de passer devant des montagnes de jouets. Donc on cède facilement. Il n’y a qu’à voir le contenu des caddies, les gens achètent, il faut se rendre à l’évidence» déclare Sarah à sa sortie de caisse.

21 décembre 2013 –SOURCE WEB Par Priscilla Maingre, LE MATIN

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