Maroc - Espagne : contentieux par avocats interposés
 
												
						Certains producteurs espagnols tentent d’attaquer la réputation de l’avocat marocain dont la production et les exportations se sont remarquablement développées ces dernières années.
L’avocat a le vent en poupe. Depuis plusieurs années, ce fruit d’origine tropicale est devenu une filière lucrative dont le marché est en continuelle expansion. « L’avocatier est une culture à haute valeur ajoutée permettant la génération d’un revenu important et stable pour les agriculteurs. Elle constitue, de par ses exportations, une source de devise importante pour le pays », nous confie Nabil Chaouki, directeur de développement des filières de production au ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts.
La « success story » de l’avocat marocain s’explique principalement par la qualité des fruits cultivés dans le Royaume. « L’avocat marocain est très apprécié sur le marché européen pour sa coloration, son calibre et son goût exceptionnel. Ce marché absorbe 98% de nos exportations », atteste Nabil Chaouki. L’importance que revêt cette filière pour notre pays est également évidente au vu de l’évolution remarquable que connaît cette culture au niveau de l’agriculture nationale.
Un développement rapide
« La superficie actuelle de l’avocatier a plus que triplé en 10 ans passant de 2.000 ha en 2010 à 6.700 ha en 2020. Cette superficie est localisée essentiellement dans la région Rabat-Salé-Kénitra (85%) et Tanger-Tétouan-Al-Hoceima (12%). La production de l’avocat a suivi la même tendance. Elle a plus que doublé en 10 ans passant de 33.600 tonnes en 2010 à 70.000 tonnes en 2020, dont 86% est assurée par la région Rabat-Salé-Kénitra », précise Nabil Chaouki. C’est ainsi qu’en quelques années, les fruits dédiés à l’export ont pu occuper environ 10% de toutes les exportations de fruits en termes de volume.
Si le Maroc a pu exporter 6.269 de tonnes d’avocats en 2016 pour une valeur totale de 167 millions de dirhams, il a, en 2019, atteint un volume de 36.244 tonnes pour une valeur totale de 1.022 millions de dirhams… Malgré sa consommation non-négligeable des ressources hydriques, l’expansion et le succès de la culture de l’avocat marocain ont positionné notre pays comme le treizième plus grand exportateur de ce fruit au niveau mondial en 2019.
Les accusations des producteurs espagnols
Pour la filière de l’avocat comme pour d’autres filières fruitières, le Maroc et l’Espagne se retrouvent en situation de compétition pour acquérir des parts de marché au niveau régional. Dans ce contexte, les producteurs espagnols tentent de trouver des parades, parfois désespérées, pour protéger leurs intérêts économiques.
La dernière tentative en date vis-à-vis des produits marocains a pris la forme d’allégations de l’Association des agriculteurs de Valence (AVA-ASAJA) qui « s’insurge » contre «la présence de produits phytosanitaires non-autorisés (chlorpyrifos : ndlr) dans un lot d’avocats marocains destinés au Pays-Bas».
L’association espagnole n’a pas manqué de crier au « scandale », à « l’arnaque » et à la « concurrence déloyale ». L’association a par ailleurs demandé à la Commission Européenne « de punir sévèrement, par des mesures de précaution - allant au-delà de la destruction des lots contaminés détectés - les pays tiers qui ne respectent pas systématiquement les mêmes normes qui sont exigées des producteurs européens dans l’utilisation de matières actives phytosanitaires ».
La réaction de la MAVA
Réagissant à cette attaque, la fraîchement créée association marocaine des producteurs d’avocat au Maroc (MAVA) a inauguré son activité en déconstruisant les accusations des producteurs espagnols. « L’utilisation du chlorpyrifos est strictement interdite et contrôlée au Maroc depuis octobre 2020, faisant suite à sa récente interdiction par l’Union Européenne », explique pour sa part la Confédération Marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER) qui a apporté son soutien à la MAVA et qui décrit des démarches hostiles et sans fondements qui « reflètent une crainte réelle d’une certaine partie des agriculteurs espagnols concernant le développement rapide de la filière au Maroc ».
L’arnaque et le scandale seraient donc à chercher de l’autre côté de la Méditerranée. Quant à la concurrence déloyale, plusieurs experts marocains ont été les premiers à la pointer, il y a plusieurs mois déjà, en évoquant certains producteurs espagnols qui « achètent le produit agricole sur pied, depuis les vergers au Maroc, changent le pays d’origine au niveau de leurs stations de conditionnement, pour l’exporter ensuite en tant que produit espagnol ».
Oussama ABAOUSS
Repères
Un marché international en expansion
Depuis quelques années, la production mondiale d’avocats est devenue quasi-exponentielle. Elle représente 176 kilos par seconde (compteur), soit près de 5,6 millions de tonnes par an. Le Mexique est le premier producteur mondial d’avocats devant la République Dominicaine et le Pérou. D’une manière générale, la consommation de l’avocat en Europe s’est accrue de +220% passant de 202 millions de tonnes en 2008 à 650.000 millions de tonnes en 2018. Aux États-Unis, la consommation d’avocats est passée de 220.000 t en 1985 à 1.323.000 t en 2019.
Aphrodisiaque d’origine américaine
L’avocat est le fruit de l’avocatier (Persea americana), originaire d’Amérique centrale, en particulier du Mexique, où il était déjà consommé par les Aztèques et les Mayas il y a plus de 8000 ans. Introduit en Europe par les conquistadors, ce fruit est passé d’un statut de fruit exotique à un produit de consommation courante. On doit son nom au mot indigène «ahuacatl» dont la traduction littérale est «testicule». Une comparaison justifiée en raison de la forme du fruit, mais aussi parce que les Mayas y voyaient un produit aphrodisiaque.

3 questions à Nabil Chaouki, directeur de développement des filières de production

« La culture d’avocatier a connu un développement remarquable au Maroc »
Directeur de développement des filières de production au ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, Nabil Chaouki répond à nos questions.
- Qu’est-ce qui explique le développement fulgurant de la filière de l’avocat ces dernières années ?
La culture d’avocatier a connu un développement remarquable au Maroc durant ces dernières années pour plusieurs raisons. D’abord, il y a la position géographique de notre pays à la porte de l’Union Européenne qui lui offre une proximité avec un marché d’absorption de première importance pour l’export. Ensuite, il y a la présence d’une demande en progression continue sur ce produit tant sur le marché local que sur les marchés extérieurs.
À cela s’ajoutent des ressources naturelles favorables à cette production dans certaines régions comme le Gharb et Loukkos (sols sablonneux, disponibilité en eau, climat doux et tempéré sous l’influence océanique). Il y a enfin un dernier facteur : la rentabilité de cette culture comparativement à d’autres espèces arboricoles.
- Quelles sont les variétés d’avocat qui sont les plus produites ou qui connaissent le plus de succès ?
- La production d’avocats concerne essentiellement une variété phare de haute valeur commerciale qui est la Hass, caractérisée par ces qualités organoleptiques et son aptitude à la manipulation et à la conservation par rapport aux autres variétés vertes comme Fuerte, Zutano et Bacon. Cette variété représente actuellement plus de 80% des plantations réalisées au cours de ces dernières années, offrant, de par sa période de maturité, des possibilités d’exportation durant la période s’étalant de février à mai.
- Existe-t-il une norme spécifique qui encadre cette filière ?
- La conduite de la culture d’avocat suit un itinéraire technique adapté à chaque variété et le produit récolté répond aux normes marocaines et internationales exigées en la matière. La norme marocaine NM 08.1.108 définit les caractéristiques de qualité que doit présenter l’avocat après préparation et conditionnement.
Recueillis par O. A.
Le 27 juin 2021
Source web Par : lopinion
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