Un complot « maléfique » en Jordanie ? Quatre questions sur l’affaire du prince Hamza

Accusé de faire partie d’un complot « maléfique » contre le pouvoir jordanien, le prince Hamza a été assigné à résidence. S’il a ensuite promis de « rester fidèle » à son demi-frère, le roi Abdallah II de Jordanie, l’affaire divise le royaume.
Le 11 avril prochain, la Jordanie va fêter le 100e anniversaire de son royaume dans un climat agité. En effet, après la vague d’arrestations du samedi 3 avril, le prince Hamza, demi-frère du roi et ancien héritier du trône, a été accusé de participer à un complot « maléfique » contre le pouvoir. Ce lundi 5 avril, le roi Abdallah II de Jordanie a pris l’initiative d’engager une médiation avec lui. De son côté, le prince Hamza, a promis de lui « rester fidèle ». Mais l’affaire en dit long sur l’état du pays. On fait le point.
Qui est le prince Hamza ?
Hamza bin Hussein, 41 ans, est le demi-frère du roi Abdallah II et le plus jeune fils de l’ancien roi Hussein, mort en 1999. Sa mère est la reine Noor, une Américaine de naissance et la quatrième femme du roi Hussein.
Conformément au souhait de son père, Hamza avait été nommé prince héritier lorsqu’Abdallah II était devenu roi. Mais le souverain lui a retiré ce titre en 2004 pour le donner à son propre fils aîné, Hussein.
Malgré cela, le prince Hamza reste un personnage public influent. « Il est populaire et charismatique au sein de la société, notamment parmi les tribus, parce qu’il est proche du peuple et critique des politiques du royaume et de la corruption qui ont appauvri les gens », explique notamment au Monde le journaliste Osama Al-Sharif.
Que lui est-il reproché ?
Samedi 3 avril, une quinzaine de personnes ont été arrêtées « pour raisons de sécurité », dont Bassem Awadallah, chef de la Cour royale de 2007 à 2008 et figure controversée du pays ainsi que Cherif Hassan ben Zaid, membre de la famille royale. Le prince Hamza lui n’a pas été arrêté mais assigné à résidence. Et il lui a été demandé d’« arrêter des activités qui pourraient être utilisées pour porter atteinte à la stabilité et la sécurité du royaume ».
Le vice-Premier ministre Aymane Safadi a affirmé dimanche que la « sédition » avait été « tuée dans l’œuf », mais a accusé le prince Hamza d’avoir collaboré avec une « puissance étrangère » non identifiée, pour tenter de déstabiliser le royaume. « Les enquêtes ont révélé des liens entre Bassem Awadallah et des parties extérieures […] pour mettre en œuvre des plans maléfiques visant à ébranler la stabilité de la Jordanie », a-t-il encore affirmé.
Interrogé par l’AFP, un analyste jordanien ne souhaitant pas être identifié pour des raisons de sécurité explique que le prince Hamza avait ces derniers temps « multiplié devant son cercle d’amis les critiques contre ce qu’il qualifiait de corruption au sein du pouvoir ». Toujours selon cette source, « il y a certainement de la rancœur de sa part car il n’a jamais digéré d’avoir perdu son titre de prince héritier ».
Comment a réagi le prince Hamza ?
« Je ne fais partie d’aucun complot ni d’aucune organisation malfaisante », s’est défendu le prince dans la vidéo transmise à la BBC samedi soir, regrettant qu’il ne soit plus possible, selon lui, d’exprimer son opinion ou de critiquer les autorités « sans être intimidé, harcelé ou menacé ».
Le pouvoir jordanien pense que « ses intérêts personnels, ses intérêts financiers, sa corruption est plus importante que la vie, la dignité et l’avenir des dix millions de personnes qui vivent ici », a encore accusé le prince Hamza. « Malheureusement, ce pays s’est enfoncé dans la corruption, dans le népotisme et dans la mauvaise administration, avec pour résultat l’anéantissement ou la perte de l’espoir », a-t-il poursuivi.
La reine Noor a également pris la défense de son fils, dénonçant sur Twitter des « calomnies » : « Je prie pour que la vérité et la justice l’emportent pour toutes les victimes innocentes », a ajouté celle qui avait déjà critiqué? les autorités du royaume ces derniers mois.
Dans une conversation enregistrée et diffusée sur Twitter dans la soirée du dimanche 5 avril, le prince Hamza affirmait encore à un interlocuteur non identifié : « C’est sûr que je n’obéirai pas (aux ordres du chef d’état-major, le général Youssef Huneiti) quand il me dit que je ne suis pas autorisé à sortir, à tweeter, à communiquer avec les gens et que je suis seulement autorisé à voir ma famille ».
Finalement, lundi soir, une lettre a été publiée dans laquelle il promet de rester « fidèle à l’héritage de mes ancêtres, à Sa Majesté le roi ainsi qu’à son prince héritier, et je me mettrai à leur disposition pour les aider et les soutenir ». Peu avant, le palais avait annoncé que le roi Abdallah II avait pris l’initiative d’une médiation avec son demi-frère pour tenter de régler la fracture au sein de la famille.
Que dit cette affaire de la situation en Jordanie ?
Pour Ahmad Awad, qui dirige à Amman l’institut Phenix Center for Economics and Informatics Studies, « ce qui est arrivé est une première par son intensité dans l’histoire de la Jordanie ». « C’est le début d’une crise et pas la fin. Cela montre qu’il faut des réformes tant politiques, qu’économiques et démocratiques », a-t-il dit à l’AFP.
Le pays vit actuellement une profonde crise économique, encore aggravée par la pandémie de Covid-19, avec un taux de chômage supérieur à 25 %. En novembre 2020, des élections législatives s’étaient tenues dans un contexte de mécontentement populaire croissant face à la détérioration de la vie économique et aux restrictions des libertés publiques liées aux lois d’urgence. Mi-mars, de nouvelles manifestations ont éclaté à la suite de la mort de sept malades du Covid-19 en réanimation, après une panne d’alimentation en oxygène dans un hôpital public.
« À mon sens, ces remous ont davantage à voir avec la montée massive du mécontentement populaire, dans les domaines politique et économique, et avec la crainte que celle-ci génère dans les cercles dirigeants. J’ai le sentiment que le prince Hamza est un bouc émissaire, que le pouvoir exagère la menace, pour décourager toute discussion publique de la corruption », estime un bon connaisseur de la famille royale dans Le Monde.
À l’international toutefois, le soutien au régime jordanien reste infaillible. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et d’autres pays arabes du Golfe ont fait bloc derrière le roi Abdallah II. En Israël, le ministre de la Défense Benny Gantz a estimé qu’il s’agissait « d’affaires intérieures », ajoutant qu’une « Jordanie forte et prospère est dans l’intérêt sécuritaire et économique d’Israël ».
Enfin les États-Unis ont renouvelé leur « soutien total » au roi Abdallah II, le porte-parole du département d’État Ned Price soulignant à la presse que la Jordanie représentait « un partenaire stratégique inestimable ».
Le 06 avril 2021
Source web Par : ouest-france
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