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Rétractation: La Justice se range du coté d'une étudiante contre une université privée

Rétractation: La Justice se range du coté d'une étudiante contre une université privée

Une étudiante se rétracte après avoir payé ses frais de scolarité annuels que l’école refuse de rembourser. Pour le tribunal de Rabat, le droit de rétractation prévaut sur l’engagement contractuel dûment consenti. Un jugement inédit.

Droit de rétractation ou force obligatoire du contrat ? Entre les deux principes, la balance a penché pour le premier dans un récent jugement rendu par le tribunal de Rabat (1ère instance). Cette juridiction a condamné une université privée à restituer les frais de scolarité versés par une étudiante qui s’est rétractée après son inscription.

Les faits remontent à l’été 2020. Ils opposent une étudiante à l’Université internationale Abulcasis des sciences de la santé. Inscrite sur le site électronique de l’établissement, la première dépose quelques jours plus tard un chèque de 100.000 DH correspondant aux frais de scolarité annuels. Le lendemain, elle revient sur sa décision et signifie à l’administration sa volonté de récupérer la somme en question. Entretemps, l’intéressée avait reçu la nouvelle de son admission à l’école de son choix.

Rembourser ? L’Université refuse et ce, en dépit d’une mise en demeure adressée un mois plus tard par huissier. Fin septembre, l’affaire est portée devant le TPI de Rabat (dossier n° 2020/1201/1268). L’étudiante dépose une requête et réclame la restitution des frais de scolarité (100.000 DH) en plus des intérêts légaux. A l’appui de cette demande, son avocat Me Mounir Founani invoque les dispositions de loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.

Dans son préambule, la loi 31-08 classe le droit de rétractation parmi les droits fondamentaux du consommateur. Ce dernier peut l’activer en cas de contrat conclu à distance, de démarchage ou de crédit. Il dispose ainsi d’un délai de sept jours pour faire jouer ce mécanisme. Le fournisseur est tenu de rembourser au consommateur le montant total payé, au plus tard dans les quinze jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé. Au-delà, la somme due est, de plein droit, productive d’intérêts au taux légal en vigueur.

Outre le droit de rétractation, la défense de l’étudiante a invoqué les dispositions prohibant les clauses abusives. Celle empêchant le remboursement « génère un déséquilibre important entre les droits et obligations des cocontractants », estime Me Founani.

Lequel remet en question l’interprétation de la clause elle-même. Pour le juriste, la clause de non restitution porte précisément sur les frais d’inscription et non de scolarité. Or, « en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut », ajoute l’avocat en avançant l’article 9 de la loi sur le consommateur.

Le contrat est la loi des parties

L’université ne partage pas la même lecture. Avant de s’inscrire, « l’étudiante a pu consulter les clauses établies dans un guide et auxquelles elle a souscrit ». Ce qui, selon la défenderesse, établit un « consentement total » à toutes les clauses du contrat. Une de ces clauses interdit, en cas de rétractation, la restitution des frais d’inscription.

Sur le plan légal, l’université invoque l’article 230 du Dahir des obligations et des contrats. Lequel consacre la force obligatoire des obligations contractuelles. Lorsqu’elles sont « valablement formées », celles-ci « tiennent lieu de loi » entre les parties « et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi ». De même, la défenderesse appuie son argumentaire par la jurisprudence marocaine qui a toujours rejeté les demandes similaires.

Le droit de rétractation est d’ordre public

Qu’en dit le juge ? Le tribunal amorce ses attendus en posant une qualification du lien contractuel entre l’étudiante et l’université. Ces derniers ont conclu un « contrat de service scolaire et de formation ». De quoi placer l’étudiante dans son statut de « consommateur ». Un qualificatif qui la rend éligible à la loi 31-08 qui consacre le droit de rétractation en tant que droit fondamental.

Pour le tribunal, « la requérante est fondée à faire valoir son droit à la rétractation des services fournis par la défenderesse, dès lors qu’elle l’a exercé avant l’échéance du délai légal qui est de 7 jours ». Un délai qui court à compter de l’acceptation de l’offre pour les prestations de services.

Dans les faits, l’étudiante a réglé les 100.000 DH à la date du 6 août 2020, contre quoi elle a obtenu un reçu. Cet événement marque, selon le juge, la date d’acceptation de l’offre. Le 7 août, l’intéressée active son droit de rétractation. Soit dans les délais prévus par la loi 31.08.

Que vaut l’acceptation de l’étudiante ? Pour l’université, cet acte engage contractuellement la requérante. Mais pour le tribunal, sa valeur est à relativiser, eu égard aux dispositions de la loi sur la protection du consommateur, qui sont « d’ordre public ». Autrement dit, l’argument de l’établissement scolaire ne tient pas. Le juge se range du côté du consommateur.

Résultat : En plus de la restitution des frais, l’université sera condamnée au règlement des intérêts légaux. Rendu le 11 mars 2021, ce jugement constitue une première au Maroc. Médias24 a consulté des dossiers similaires jugés par la même juridiction de Rabat, et où les demandeurs n'ont pas eu gain de cause. Certaines affaires impliquent la même université.

Le 24 mars 2021

Source web Par : medias24

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