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Larmes de crocodiles

Larmes de crocodiles

La dévastation mardi de plusieurs quartiers de Beyrouth, capitale d’un Liban déjà enfoncé dans la pire crise économique de son histoire récente, provoque un élan de solidarité internationale bienvenu. Qu’elle soit populaire ou officielle, la mobilisation offre un message d’espoir aux Libanais sur lesquels le sort semble s’acharner. C’est déjà beaucoup.

Pourtant, le numéro du président français, accouru jeudi à Beyrouth, a de quoi soulever le cœur. On ne peut s’empêcher de penser que la juteuse reconstruction de la capitale libanaise et de son port par Vinci, Bouygues, Bolloré et consorts importe plus que tout à Emmanuel Macron. Le VRP autoproclamé de l’industrie française n’a pas attendu que l’onde de choc soit pleinement dissipée pour appeler le Liban à des «réformes», dont celle du secteur électrique. Autrement dit, la privatisation d’Electricité du Liban (EDL), qui est attendue de pied ferme par Paris depuis 2002. Si M. Macron n’a pas osé évoquer l’avenir du port beyrouthin, le principal du Liban, celui-ci figurait dès avant la catastrophe sur la liste des biens publics qui pourraient être vendus pour rembourser la dette du pays.

Quant aux appels macroniens à transformer le système politique confessionnel du Liban, ils plairont sans doute au mouvement social. Mais au-delà du caractère colonial de l’injonction, on remarquera que la France, alliée historique du camp chrétien et de la puissante famille sunnite Hariri, n’est sans doute pas la plus à même d’impulser ce changement. Pour mémoire, le Liban a subi à la fin du XXe siècle quinze ans d’une guerre civile largement alimentée par des puissances étrangères, dont Paris.

Si les grandes et moyennes puissances voulaient réellement aider le Liban, elles laisseraient ces questions politiques aux Nations Unies et se mobiliseraient, par exemple, contre les sanctions économiques illégales imposées par Washington. Surtout, si leurs intentions étaient réellement altruistes, elles commenceraient par accueillir sur leur sol une partie des 1 à 1,5 million d’exilés syriens réfugiés dans ce pays de 5,5 millions d’habitants…

A défaut, elles devraient avoir la décence de ne pas faire le déplacement de Beyrouth pour exhiber des larmes de crocodile.

Le 6 août 2020

SOURCE WEB PAR Le Courrier

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