Covid-19 : le tourisme intérieur, un choix stratégique ou une porte de secours ?
Le tourisme au Maroc n’est pas à son premier plongeon. Il reprendra ses forces grâce à l’appui des pouvoirs publics. Ces derniers développeront pour les circonstances une stratégie favorisant le tourisme intérieur. Seulement, ce dernier ne doit pas être la porte de secours mais le cœur d’une nouvelle stratégie sectorielle.
Le tourisme alité
Le Covid-19 est un coup de Trafalgar. Il a alité le secteur touristique. ce dernier reconnu très vulnérable et sensible à la conjoncture économique et politique n’a pas pu tenir la dragée haute au virus. Le secteur n’est pas à son premier plongeon, mais à chaque fois il a su refaire surface notamment grâce à l’appui des pouvoirs publics. En dehors de la crise associée au Covid-19 et rien qu’en 2019, le secteur a bénéficié de 187 MDH au titre des dépenses fiscales. Mais cette fois-ci la facture de la convalescence s’avère hors de prix. En effet, le soutien public est sollicité par plusieurs opérateurs. Plusieurs diront que ce secteur est prioritaire et doit capter tout l’intérêt desdits pouvoirs publics.
Les chiffres sont trompeurs
Entre le Maroc et le tourisme, c’est une histoire d’amour qui date. Le penchant physiocratique de la politique économique du Maroc, considérant que la nature est seule source de richesses, fait du tourisme un choix stratégique. Ce choix, en dehors de quelques débâcles généralement subies, a su aux yeux de plusieurs analystes être payant. En effet, le secteur contribue en 2018 pour 6,9% au PIB national, contre 6,8% en 2017. Il représente 16,84% des exportations en 2018, contre 16,24% en 2017. Il contribue sérieusement à l’allègement du déficit de la balance de paiement. En effet, le taux de couverture de la balance voyages s’est établi en 2019 à 3,76 contre 3,93 en 2018.
Seulement, et bien que comparaison n’est pas raison, le Maroc semble avoir misé sur le mauvais cheval. En générant une recette de l’ordre de 9,52 Mds $ au titre de l’année 2018, le secteur touristique marocain est loin de rivaliser avec les pays avec lesquels nous partageons l’espace méditerranéen ou continental. Pour les amateurs des chiffres, nous rappelons qu’au titre de la même année, l’Espagne a réalisé une recette de l’ordre de 81,25 Mds $, le Portugal a réalisé une recette de 15,48 Mds $, la Grèce a réalisé une recette de 21,59 Mds $ et l’Egypte a réalisé une recette de 12,70 Mds $. Les recettes touristiques du Maroc ont réalisé un taux d’accroissement annuel moyen de 3,39% entre 2012 et 2019.
Sur le plan du nombre des arrivées, le Maroc a accueilli, au titre de l’année 2018, 12.289.000 touristes, alors que l’Espagne en a accueilli 83.773.000, le Portugal a reçu 16.186.000 touristes, la Grèce a enregistré 30.123.000 entrées et l’Egypte a affiché 11.196.000 entées. Le nombre des arrivées au Maroc a réalisé un taux d’accroissement annuel moyen de 4 ,62% entre 2012 et 2019.
Il ressort que les arrivées croient de façon plus importante que les recettes. Ce constat révèle une réalité dont souffre le tourisme national, à savoir qu’une bonne partie de la dépense touristique n’atteint pas l’économie nationale.
Sue le plan de la contribution du secteur touristique à la richesse nationale, actuellement établie à 6,9%, elle s’avère inférieure à, la moyenne mondiale fixée à 9,10%. Le compte satellite du tourisme émis par le HCP, au titre de l’année 2018, fait apparaitre que la production du tourisme est passée de 109,31 Mds DH en 2017 à 115,55 Mds DH en 2018. La valeur ajoutée du secteur est passée de 58,13 Mds DH en 2017 à 61,58 Mds DH en 2018.
Nul ne peut ignorer l’effet important du tourisme sur l’emploi. En effet, ce secteur occupe plus de 900.000 emplois directs. Mais la valeur ajoutée du secteur ne renseigne pas sur son impact macro-économique. La valeur ajoutée du secteur est victime de plusieurs fuites qui viennent altérer le rendement global de ce secteur dans l’économie nationale. Ces fuites sont d’ordre aussi bien interne qu’externe.
Les fuites du secteur
En effet, le Maroc, en mangeant dans les mains des tour-opérateurs, permet à une bonne partie du prix du voyage de ne pas quitter le pays émetteur. A titre indicatif, ces tours opérateurs préfèrent traiter avec leurs propres compagnies aériennes ou encore avec les compagnies locales. Sachant que, et selon les statistiques de l’Organisation Mondiale du Tourisme, 6 touristes sur 10 arrivent dans leurs pays de destination par les airs et que 46% à 58% du prix du voyage est constitué par le transport aérien, la déperdition s’avère alors conséquente.
Il est donc vital que les pouvoirs publics accordent davantage d’incitations et d’appui au transporteur national pour qu’il puisse proposer des tarifs et disposer d’une flotte importante à même de lui faciliter l’intégration dans les packs commercialisés à l’international par les différents tours opérateurs et contribuer ainsi au rapatriement d’une part importante du prix du voyage sur le territoire national.
Ces mêmes tour-opérateurs, en permettant un taux d’occupation régulier et conséquent des chambres d’hôtels, disposent d’une capacité de négociation importante. Ils bénéficient de ce fait de tarifs préférentiels et confidentiels qui défient toute concurrence réduisent ainsi au minimum les marges des opérateurs locaux. Ces rapaces du tourisme international consolident avec ces pratiques la rétention d’une partie non négligeable du prix du voyage au niveau du pays émetteur et amenuisent la valeur ajoutée du secteur touristique au Maroc.
En outre, ces tour-opérateurs ramènent généralement des touristes qui ont des oursins dans leurs portes-monnaie. Ils quittent, rarement les complexes hôteliers et se contentent de consommer sans modération les forfaits achetés. D’ailleurs, les premiers clients du Maroc sont les Français. Ces derniers sont catégorisés comme les plus radins au monde. Il est temps de s’ouvrir sur d’autres marchés comme le marché chinois. Les chinois sont classés en 2019 premiers dans le Top 10 des dépenses touristiques.
En outre, plusieurs de ces touristes ne consomment pas les produits fabriqués localement. Ils ne veulent pas rompre avec leurs usages de consommation dans leurs pays d’origine. Ce qui contraint le Maroc à importer ces produits et, par voie de conséquence donner de la main gauche ce qu’il reçoit de la main droite. Ces importations impactent également le PIB national et constituent alors une fuite de la valeur ajoutée du secteur touristique. Dans ce cadre, il suffit de rappeler que les importations du Maroc en produits alcoolisés se sont chiffrées en 2018 à 291,75 MDH.
En fin, le Maroc encourage l’investissement dans le secteur touristique. Au terme de l’année 2017, le stock des investissements touristiques au Maroc se chiffre à 56,97 Mds DH. Les investisseurs dans les formations hôtelières procèdent à la fin de chaque année au rapatriement des dividendes vers leurs pays d’origine. Sachant que plusieurs chaines hôtelières internationales exercent sur le territoire national, en s’appropriant ou gérant des complexes hôteliers, une bonne partie alors de la valeur ajoutée du secteur touristique quitte le territoire national sans que cette fuite ne soit prise en ligne de compte.
Outre cette question de dividendes rapatriés, plusieurs opérateurs locaux tels que les chaines hôtelières et agences de voyages sont obligées de verser à des groupes touristiques étrangers des redevances pour pouvoir intégrer son réseau ou son système de réservation. Ces flux financiers qui impactent sans aucun doute la balance des paiements ne sont pas pris en considération pour corriger la valeur ajoutée dudit secteur touristique.
Le tourisme interne : un choix
Si le Maroc disposait d’un compte satellite du tourisme qui intègre ces variables, la valeur ajoutée réelle du secteur touristique serait au-dessous du niveau actuellement déclaré. En effet, et en présence d’opérateurs étrangers qui s’accaparent la part léonine du prix du voyage, l’apport du secteur tourisme dans sa partie internationale parait très limité.
Dans cet ordre d’idées, le ministère du tourisme est invité à réviser ses stratégies. Le tourisme intérieur se veut une option pour améliorer les performances du secteur. Sûrement, les pouvoirs publics réaliseront que depuis longtemps, ils échangent le tourisme intérieur contre un plat de lentilles. Le tourisme intérieur a été toujours considéré comme une poste de secours pour assurer le sauvetage du secteur chaque fois qu’il est déserté par les touristes étrangers. Ce même touriste local, en période de prospérité du secteur se voit fui comme la peste par les opérateurs touristiques.
Le 12/06/2020
Source Web Par Ecoactu
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