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Farida Moha Entretien Financement Le partenariat public-privé un mode de gouvernance qui

Farida Moha Entretien    Financement  Le partenariat public-privé  un mode de gouvernance qui

Entretien avec Mohammed Benahmed, directeur des grands projets au Fonds d'équipement communal (FEC), chercheur dans le domaine de la gouvernance des services publics

Le partenariat public-privé (PPP) a le vent en poupe : dans un contexte de crise et de réduction des dépenses publiques, cette forme de partenariat où une autorité publique fait appel au privé s’est beaucoup développée. Il reste que les montages financiers ne sont pas sans risque et que l’efficience économique n’est pas toujours au rendez-vous, avec la menace d’endettement plus lourd et, in fine, le contribuable qui serait mis à contribution.

Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce mode de financement, nous avons demandé à Mohammed Benahmed, ingénieur d’État en génie civil de l’EMI en 1990, diplômé du cycle supérieur de gestion de l’ISCAE en 2004 et directeur des grands projets au Fonds d’équipement communal (FEC), de décrypter le sujet. M. Benahmed est chercheur dans le domaine de la gouvernance des services publics, il est co-auteur d’un ouvrage intitulé «la Gestion déléguée au service de l’usager» et lauréat du Prix de l’Économiste pour la recherche en économie et gestion lors de sa première édition en 2005.

Le Matin : Le partenariat public privé est, dites-vous, un vecteur de renouveau de l’action publique. Pouvez-vous nous expliquer l’engouement pour ce partenariat ?
Mohammed Benahmed : Le PPP c’est d’abord un nouveau mode de gouvernance qui prend levier sur une association intelligente entre le secteur public et les opérateurs privés alliant, sur la durée, conception, construction, financement et exploitation d’un service public. Dans un contexte de restrictions budgétaires et de tarissement de ressources, le PPP est l’un des modes de collaboration les plus prometteurs entre l’État et le secteur privé, le plaçant au cœur des débats nationaux, régionaux et internationaux sur la rationalisation et la modernisation de la gestion publique. Il offre, en temps de sévérité économique, une alternative crédible aux limites des formes courantes de la commande publique, notamment la dérive des coûts et des délais, particulièrement pour des projets techniquement complexes nécessitant des capacités technologiques et financières qui sont hors de portée des collectivités publiques et qui, autrement, n’auraient jamais vu le jour dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage publique.

C’est un instrument particulièrement efficace de relance de la croissance économique et de création d’emploi lorsqu’il est pratiqué dans un environnement concurrentiel et dans un cadre contractuel vertueux qui satisfasse les attentes de toutes les parties. L’expansion significative que connait le PPP dans les pays développés, comme dans les pays en développement, est due à la fois à la réduction des investissements publics, consécutive aux déficits budgétaires, et à l’opportunité d’associer au maître d’ouvrage public le professionnalisme indispensable à une gestion plus efficace, le savoir-faire des métiers et l’innovation technologique du secteur privé.

Le PPP a été lancé en Grande-Bretagne, il y a de cela deux décennies. Un mot sur la genèse de l’expérience britannique ?

À la base, un modèle britannique, le PPP, connu sous le nom du Private Finance Initiative (PFI), a été lancé au Royaume-Uni par le gouvernement conservateur de John Major dès le début des années 1990, succédant à des contrats sectoriels dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la justice. Devenu l'un des principaux instruments du gouvernement britannique pour redynamiser les services publics, avec 15% d'équipements publics réalisés selon ce modèle, le PFI a permis aux administrations de passer du stade de propriétaires et d'opérateurs des équipements au stade d'acheteurs de services auprès du secteur privé. Les entreprises deviennent des fournisseurs à long terme et non plus seulement des constructeurs d'équipements, en combinant la conception, la construction, le financement et l'exploitation.

PPP : des atouts innombrables, mais…

Quels sont en fait les atouts du PPP quant à la célérité et aux coûts ?

Sous réserve d’être piloté dans un cadre de gouvernance adéquat, le PPP permet de réaliser des projets complexes dans les secteurs les plus variés tels que le transport, l’énergie, les déchets, la santé, l’éducation, la justice, les autoroutes, les tunnels, les nouvelles technologies… avec une meilleure utilisation de l’infrastructure publique et une garantie raisonnable d’un meilleur usage de l’argent public.

Bénéficiant d’un fort retour d’expérience, le modèle économique et contractuel d’un PPP a prouvé, via de nombreux projets, d’innombrables atouts. Le contrat de PPP se caractérise par un partage des risques équilibré entre la personne publique et les opérateurs cocontractants et la réduction des risques d’interface entre conception, construction et exploitation, ainsi que par des gains de productivité grâce au recours à une gestion privée dont la qualité est contractualisée et financièrement sanctionnée. Plusieurs études de mesure des performances des contrats de PPP en Europe ont montré que les projets réalisés dans le cadre de PPP ont été majoritairement livrés dans les délais avec des dépassements insignifiants par rapport aux budgets initiaux.

Sur le registre des coûts, si tout le monde convient que le financement privé est plus cher que le financement direct par dette de la personne publique, il n’en demeure pas moins que les gains qui peuvent valablement être obtenus dans le cadre d’une mission globale, grâce à la maîtrise du calendrier d’exécution et l’optimisation des coûts d’exploitation et du transfert de risques, permettent de compenser, et même au-delà, le surcoût induit par les financements privés.

La gestion du PPP est cependant complexe et exige un certain nombre de conditions : quelles sont ces conditions ?

En dépit de ces atouts, le PPP reste effectivement d’un maniement complexe et délicat par rapport aux formules classiques de l’achat public en termes de structuration tant juridique que financière. En effet, la mise en place d’un PPP passe par l’évaluation préalable du projet, l’identification des risques et leur allocation, la modélisation économique et financière ou encore l’ingénierie juridique. Cela exige des compétences au sein du secteur public pas nécessairement requises par les autres modes de la commande publique, une fine appréciation de la maturité du marché à même de stimuler la concurrence, un pilotage adapté pendant la phase précontractuelle, la rédaction rigoureuse des termes du contrat ainsi que la définition d’objectifs pertinents de performance et des capacités institutionnelles pour le contrôle de ces objectifs dans la durée.

À cet effet, l’atteinte de performances doit constituer en premier lieu un critère de choix du cocontractant et être incluse de façon systématique dans les contrats en tant qu’obligation de résultat. La contractualisation de la performance dans un PPP doit servir de base pour une partie de la rémunération de l’opérateur afin de l’inciter à mettre l’accent sur l’efficience des ressources mises en jeu et l’efficacité des méthodes de gestion.

Aussi, les décideurs publics doivent-ils résister à la tentation de réaliser trop rapidement des projets de tailles importantes et techniquement plus complexes, focaliser plutôt les efforts sur la capitalisation des expériences acquises et éviter la répétition d’erreurs, celles de vouloir systématiser à tout prix le recours à un contrat de PPP et de ne pas s’assurer de sa valeur ajoutée économique et sociale sur la base d’une évaluation préalable objective.

Négocier à armes égales…

Face à une judiciarisation du monde économique, avons-nous au Maroc les moyens d’une maitrise juridique des contrats ?

Force est de reconnaitre que le Maroc dispose d’un système financier structuré et d'institutions financières et bancaires qui ont construit au fil des années une expertise reconnue en matière de structuration juridique et financière des PPP basée sur les techniques du «Project financing», outil de financement par excellence pour ce type de projets. En 2011, une unité de coordination des PPP au sein du ministère de l’Économie et des finances a été créée avec pour mission de fournir l’assistance technique et juridique aux projets PPP portés par les différents ministères et d’assurer un rôle de suivi et de coordination. La qualité de la gouvernance et le niveau de compréhension des enjeux sont des préalables à la maitrise des PPP dont les potentialités ne se transforment en réalité que s’ils ne sont pas réduits au seul montage juridico-financier, mais doivent s'accompagner d'un changement profond des comportements culturels et des pratiques. Pour ce faire, la formation des acteurs publics aux spécificités des PPP, mais également des acteurs privés, s’ils ont peu d’expérience dans la mise en œuvre de projets globaux, est nécessaire. Le recours à des consultants tant technico-économiques, juridiques que financiers tout au long du processus de mise en œuvre du PPP est vivement recommandé (évaluation préalable, négociations, rédaction du contrat, contrôle, aspects comptables…). Cela est de nature à conforter l’autorité publique pour négocier à armes égales avec les opérateurs privés qui sont forts de leur expertise pluridisciplinaire et de leur savoir-faire des métiers.

Les PPP doivent servir, dites-vous, à optimiser les ressources et non à servir d’artifice comptable : pouvez-vous développer cette idée ?

Le développement du PPP figure parmi les priorités du gouvernement qui s’est engagé dans son programme d’action 2012-2016 à développer le recours aux PPP pour accélérer le rythme de réalisation de l’investissement public afin de satisfaire les besoins en infrastructures économiques et sociales de qualité, tout en contribuant à atténuer la pression sur la balance des paiements. Le recours aux PPP n’est pas seulement une commodité financière, mais un moyen de diversifier les sources de financement en dehors du budget de l’État et d’assurer la performance des ouvrages et des services. C'est un outil particulièrement efficace, mais réservé aux projets qui le justifient vraiment et qui apportent une valeur ajoutée économique et sociale réelle, sans que la logique du marché ne prenne le pas sur les dimensions de l'intérêt général. L’utilisation du PPP ne doit surtout pas servir à financer des dépenses qui, autrement, n’auraient pas été approuvées, compte tenu des contraintes que la dette et le déficit font peser sur le budget général.

Il serait par conséquent mal avisé de céder trop précipitamment à cette tentation, la planification et la pertinence des projets sont primordiales et il est impératif d’élaborer des projets bien structurés qui soient surtout bancables au meilleur coût de financement. Aussi, le développement concomitant des PPP dans des domaines multiples doit-il être opéré avec prudence ; une progression trop rapide, conjuguée à l’inexpérience des acteurs publics en matière de pilotage de ces contrats, comporte le risque de ne pas fournir les services attendus avec les performances escomptées et/ou de conduire à une trop forte dépendance du secteur privé.

Maroc : une longue expérience en matière de PPP

L’un des exemples que l’on présente comme réussis en matière de PPP, c’est celui de la Centrale de Jorf Lasfar pour la production de l'électricité, réalisée dans le cadre d'un contrat de concession d'une durée de 30 ans avec un investissement de 1,5 milliard USD. Il y a d’autres exemples dans le domaine des télécommunications, de l‘habitat, de l’agriculture... Le Maroc a réalisé 11 grands projets en mode PPP : quelles conclusions peut-on tirer de cette expérience ?

Le Maroc dispose d'expériences réussies aussi bien en matière de concessions dans le cadre de l’application de la loi n° 54-05 relative à la gestion déléguée des services publics et des lois sectorielles (ports, eau…) que dans le cadre de PPP ad hoc, notamment dans les domaines de la production de l'énergie électrique, de l'irrigation et du transport urbain. En fait, les PPP dans leur acception la plus large se sont développés à partir des années 1980 pour la fourniture de services du transport urbain dans les principales grandes villes du Royaume. Depuis 1997, date du premier PPP au Maroc, à aujourd’hui, le pays a recouru au PPP contractuel pour la réalisation de 11 grands projets d’une enveloppe globale de 67 milliards de DH.
Le premier BOT (Build Operate Transfer), en Afrique et dans le monde arabe, a été conclu en 1997 pour la concession de la production de l’électricité de la centrale de Jorf Lasfar.

Les PPP ont été concluants dans le domaine portuaire : le projet de Tanger Med, ayant bénéficié de l’importance stratégique donnée aux flux maritimes et nécessité un investissement d’un milliard de dollars financé aux deux tiers par l’État marocain, est l’illustration d’une belle réussite d’un PPP réalisé en greenfield et qui a été livré dans les délais en respectant les budgets et en minimisant la contribution de l’État. La mise en œuvre imminente de la régionalisation avancée va s’accompagner d’un large transfert de prérogatives de l’État vers les régions, ce qui impose la recherche de nouveaux schémas législatifs et institutionnels et implique de nouveaux défis en matière de développement des PPP dits non marchands dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture, de la justice…

Dans ce partenariat public-privé, ce sont les grands groupes qui ont la part belle et qui remportent en général les contrats. Il reste que les PME PMI semblent être sacrifiées. Quelle analyse faites-vous sur ce point précis ?

L’essence même de la formule des PPP, qui implique un engagement financier à long terme du partenaire privé, a pour conséquence inéluctable de réduire le degré de concurrence, en évinçant systématiquement les petites et moyennes entreprises et les industries locales et en favorisant la concentration des entreprises. La faible participation du secteur privé national marocain dans les grands projets d’infrastructures au profit d’une forte présence de groupes privés et de consortiums internationaux plaide en faveur du développement d’une expérience nationale privilégiant les PPP de taille raisonnable, plus facilement mis en œuvre et plus perceptibles par la population, ce qui est de nature à promouvoir l’émergence d’acteurs locaux et à favoriser la construction progressive d’un savoir-faire en cette matière.

Dans le même temps, l’implication des banques commerciales et des institutions financières spécialisées dans cette voie devrait encourager les PME et PMI nationales à s’associer, à travers des schémas contractuels et financiers innovants, dans les petits et moyens projets, notamment dans les secteurs sociaux susmentionnés. Ces derniers sont propices à un processus le plus industrialisé possible avec des regroupements de projets reconductibles, ce qui permettrait de surmonter la difficulté du financement de cette catégorie de projets qui pose le problème délicat de leur faible capacité d’absorption des coûts fixes (consultants, frais de montage financier, coûts internes et externes liés à l‘évaluation et à la négociation...).    

Que pensez-vous du projet de loi récemment adopté par le Conseil des ministres ?
Comme je l’ai précisé ci-haut, le Maroc, bénéficiant d’une forte expérience dans la mise en place de concessions, dispose déjà de la loi 54-05 sur la gestion déléguée des services publics et de lois sectorielles qui permettent de donner en concessions des infrastructures ou la gestion de services publics dans les domaines portuaire, ferroviaire, de distribution d’eau et d’électricité, d'assainissement, d'autoroutier et aéroportuaire. Les PPP réalisés à ce jour au Maroc l’ont été de manière ad hoc, en raison de l’absence de cadre juridique et de procédures d’appel d’offres unifiées.

L’enjeu est alors de se doter d’un arsenal législatif et réglementaire spécifique permettant de faciliter le transfert au secteur privé du financement, de la conception, de la réalisation et de l’exploitation d’infrastructures d’intérêt général, tout particulièrement pour la réalisation d’équipements de transport et le développement de services sociaux tels que la santé et l’éducation.

Le projet de loi dédiée aux PPP arrive à point nommé dans le développement institutionnel et économique du pays, car il consacre les principes de la bonne gouvernance, de la transparence et du jeu de la concurrence dans l’attribution des projets, ce qui permet de donner un signal fort pour séduire les investisseurs nationaux et étrangers. Il s’agit notamment de nouveaux procédés permettant de rationaliser la gestion de la commande publique, tels que l’évaluation préalable des projets, le dialogue compétitif pour leur montage juridique et financier, l’optimisation de la répartition des risques, le contrôle rigoureux des objectifs contractuels de performances à atteindre par l’opérateur, ou encore l’octroi de sûretés aux établissements financiers pour faciliter l’accès du partenaire privé au financement du projet.

S’agissant de la maîtrise des risques, ce projet précise que le contrat de PPP doit identifier les risques liés aux différentes phases du projet et les conditions de leur répartition entre la personne publique et le partenaire privé, y compris ceux résultant de l’imprévision et de la force majeure. Ces risques doivent être pris en charge par la partie jugée la plus à même de les supporter efficacement et au meilleur coût de leur couverture, en prenant en considération l’intérêt général et les spécificités du projet.

PPP : une vision, une méthode, mais pas seulement

Sur quels points précis devrait-on mettre l’accent pour réussir les PPP ?

Le PPP permet, en s’adossant à des opérateurs privés, de rentrer dans une logique de gestion axée sur les résultats, avec un contrat évolutif dans lequel le partenaire effectue une réelle maintenance et où l’autorité publique peut bénéficier des évolutions technologiques et récupérer, au terme du contrat, un équipement maintenu au meilleur niveau de performance. La mise en œuvre efficace d’un PPP exige la prise en compte complète des contextes d’intervention. Cela passe par la construction d’une vision stratégique concertée, dans une logique d’intérêts partagés, avec une méthodologie d’intervention sociale et des évaluations régulières. Elle requiert également l’acquisition de compétences, aussi bien par la sphère publique que par le secteur privé, et des programmes de sensibilisation et de formation pour développer tant la maîtrise publique de l’administration que la capacité opérationnelle des opérateurs privés.

Ces derniers, s’ils veulent préserver la pérennité de la relation contractuelle avec l’autorité publique, doivent faire preuve de créativité et proposer des solutions adaptées aux spécificités des territoires, particulièrement pour répondre à des problématiques à fortes dimensions sociale et culturelle, inventer de nouveaux modes d’intervention plus participatifs et plus flexibles et trouver un point d’équilibre entre leurs intérêts commerciaux et les intérêts des populations et des institutions politiques.

Du fait de la durée des opérations en cause, de leur taille, de leur complexité et des risques encourus, le PPP repose fondamentalement sur la confiance : confiance des pouvoirs publics dans les opérateurs, dans leur savoir-faire, dans leur volonté à s’engager sur le long terme et dans leur capacité à s'adapter aux changements ; confiance des opérateurs dans les pouvoirs publics, dans leur bonne foi, dans leur capacité à créer l'environnement propice à la sécurisation juridique des contrats et l’égalité de traitement, dans leur volonté de ne pas changer unilatéralement les règles du jeu.

Vous proposez la joint-venture comme alternative pour contourner les limites des contrats de PPP, pour quelles raisons ?

L’expérience internationale montre que le PPP n’est pas un remède miracle qui permet de résoudre tous les problèmes en tout temps et en tout lieu et toutes les options permettant la fourniture de services publics de qualité aux citoyens au moindre coût sont bonnes à prendre. Les contrats de PPP, dont les durées, en substance très longues, s’accompagnent de facto de contraintes d’incomplétude contractuelle, d’incertitude juridique et économique et de risques d’opportunisme des partenaires, susceptibles de conduire à des situations conflictuelles et des renégociations coûteuses et, partant, à des risques majeurs de ruptures anticipées de ces contrats. Et pour cause, l’autorité publique peut très bien changer des règles susceptibles de perturber l'équilibre économique du contrat et, symétriquement, l’opérateur privé, qui détient les ressources du service, aurait tout naturellement tendance à profiter de sa position pour rééquilibrer la situation à son seul profit en cas de déséquilibre de l’économie globale du contrat, notamment par un décalage dans le temps du programme contractuel d'investissement qui lui incombe.

À ce titre, le partenariat en joint-venture d’exploitation à égalité se présente comme une alternative crédible de collaboration sous forme d’une co-entreprise basée sur le principe central de la coproduction, où les partenaires coopèrent à chaque niveau sans suspicion. Ils sont co-actionnaires et ont donc accès aux mêmes informations, permettant ainsi de résoudre une partie des problèmes d'asymétrie d’informations et de compétences. Les partenaires, sous l’effet de facteurs impondérables (économiques, techniques, réglementaires, politiques, climatiques…), doivent agir de la manière la plus coopérative possible et faire quelque part un pari sur leur capacité à s’adapter en permanence aux circonstances changeantes, dans le cadre d’une approche dynamique.

C'est une méthode pragmatique où les partenaires découvrent le problème sur le terrain, trouvent un accord sur sa définition et sur les solutions à apporter et établissent alors conjointement leur programme d’intervention. 

C’est également une configuration de gouvernance où les «partenaires-actionnaires» se partagent les organes de direction, assurent en commun la gestion de l’exploitation et prennent ensemble, à livre ouvert, les décisions importantes pour le développement du service, ce qui facilite également le transfert du savoir-faire des opérateurs vers les collectivités publiques.

Note de présentation du projet de loi relative aux contrats de partenariat public-privé (ministère des Finances)

Le présent projet de loi a pour objet de définir un cadre général unifié et incitatif au développement des partenariats public-privé au Maroc au profit de l'État, des établissements publics de l'État et des entreprises publiques et applicable aux différents secteurs d'activité publics. Le partenariat public-privé est défini par ledit projet de loi comme une forme de coopération par laquelle l'État, les établissements publics de l'État et les entreprises publiques et en général toute personne morale de droit public, dite «personne publique», confient à des partenaires de droit privé, dit «partenaire privé», à travers un contrat administratif, de durée déterminée, dénommé «contrat de partenariat public-privé», la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de financement de tout ou partie, de construction ou de réhabilitation, de maintenance et/ou d'exploitation d'un ouvrage ou d'une infrastructure nécessaire à la fourniture d'un service public.


PPP : une nouvelle culture de la gestion publique

Ainsi, cette approche partenariale permet de bénéficier des capacités d'innovation et de financement du secteur privé, d'assurer un partage optimisé des risques en allouant les responsabilités à la partie la mieux à même de les assumer le plus efficacement et de rémunérer les services rendus après leur effectivité et en fonction de leur performance. Elle permet également d'asseoir une nouvelle culture de la gestion publique basée sur l'évaluation des besoins, l'analyse des performances, la reddition des comptes et le contrôle des résultats.
Le recours à un contrat de partenariat public-privé doit répondre à un besoin dûment défini par la personne publique concernée et doit au préalable faire l'objet d'une évaluation ayant pour objet d'analyser l'opportunité de recourir à ce mode de fourniture de service comparativement aux autres modes à la disposition des entités publiques concernées. Cette évaluation doit tenir compte, notamment, de la complexité du projet, de son coût global pendant la durée du contrat, des performances attendues et de la qualité des services rendus et des différents risques y afférents.

Quant à l'attribution des contrats de partenariat public-privé, elle doit obéir aux principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement, d'objectivité, de concurrence, de transparence et de respect des règles de bonne gouvernance. La passation du contrat de PPP s'effectue soit par le dialogue compétitif, soit par l'appel d'offres ou, exceptionnellement, par la procédure négociée.

Le recours au dialogue compétitif est initié par la personne publique dans le cas où elle est objectivement dans l'impossibilité de définir seule et à l'avarice les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet donnant lieu au service objet du contrat.

L'appel d'offres est une procédure qui permet de choisir, suite à un appel public à la concurrence, l'offre économiquement la plus avantageuse, sur la base de critères objectifs prévus dans le règlement de consultation et portés à la connaissance des candidats.

Quant à la procédure négociée, elle peut être passée, à titre exceptionnel, dans les cas suivants :
• Le service ne peut être réalisé ou exploité, pour des considérations techniques ou juridiques, que par un seul opérateur privé
 ;

• L'urgence résultant d'événements imprévisibles pour la personne publique ;

• Les raisons de défense nationale ou de sécurité publique.

Le contrat est attribué au candidat qui présente l'offre économiquement la plus avantageuse en respectant les objectifs de performance. Le dossier d'appel d'offres doit mentionner les critères économiques et qualitatifs, portant notamment sur le coût global de l'offre, les objectifs de performance, les exigences du développement durable, le caractère technique innovant de l'offre et, le cas échéant, les mesures prises pour la promotion des petites et moyennes entreprises nationales. Le contrat de partenariat public-privé doit comporter des clauses obligatoires relatives, notamment, à la durée, aux objectifs de performance, au partage des risques, à la cession, à la sous-traitance, au contrôle des obligations du partenaire privé, aux sûretés, au personnel et à la fin du contrat.

Durée et contrôle des objectifs

La fixation de la durée du contrat de PPP de 5 à 30 ans permet à la fois de créer la distinction avec les modes de passation des marchés publics, de prévoir la période nécessaire pour assurer l'amortissement des investissements réalisés et de prévoir une durée maximale pour garantir le retour des services et des biens y afférents au secteur public. La durée maximale peut être portée jusqu'à 50 ans en fonction des besoins du projet. 

La description des objectifs de performance pour chaque projet PPP permet à la personne publique de contrôler le partenaire privé de la manière la plus optimisée en se basant sur des indicateurs stipulés dans le contrat. Elle permet également de répondre au mieux aux attentes des citoyens en termes de qualité et de disponibilité du service rendu. De plus, les autorités publiques concernées peuvent auditer les conditions et les modalités de préparation, d'attribution et d'exécution du contrat.

L'identification et le partage adéquats des risques dans le contrat de PPP permet de maintenir l'équilibre du contrat et d'attribuer les risques au partenaire jugé le mieux capable de les assumer et de les gérer. La rémunération du partenaire privé sur la base des objectifs de performance permet à la personne publique de rationaliser et d'optimiser l'allocation des ressources. C'est sur la base du respect effectif des dispositions du cahier des charges par le partenaire privé, et notamment des indicateurs de performances, qu'il sera rémunéré soit par le partenaire public seul, soit accessoirement par les tiers ou par des recettes réalisées en exploitant les ouvrages, biens et équipements relevant du projet.

Le contrôle des objectifs de performance assignés au partenaire privé, notamment la qualité requise des prestations de services, des ouvrages, des équipements ou des biens immatériels, donne la possibilité à la personne publique de suivre l'activité d'une manière régulière et de veiller au respect des obligations du partenaire privé. En cas de manquement du partenaire privé à ses obligations, notamment en cas de non-respect des objectifs de performance, le contrat prévoit des clauses relatives aux pénalités dont la mise en application est soumise à des procédures de mise en demeure.

La sous-traitance des obligations contractuelles de l'opérateur privé permet une meilleure répartition des risques entre les différents acteurs intervenant dans le projet de PPP les plus aptes à les évaluer et/ou à les gérer de manière efficiente. La possibilité de modification de certains aspects du contrat permet une adaptation avec l'évolution des besoins de la personne publique, des innovations technologiques et avec les modifications des conditions de financement.

Par ailleurs, l'accord préalable de la personne publique avant la cession du contrat a pour objectif de s'assurer de la continuité du service dans les mêmes conditions fixées dans le contrat. 
La clause de substitution d'un partenaire privé défaillant a pour objectif d'une part d'assurer la continuité du service public et, d'autre part, de rassurer les bailleurs de fonds quant à la certitude de la récupération des dettes contractées par le partenaire privé. Dans tous les cas, la substitution reste du ressort de la personne publique et est appliquée dans les mêmes conditions d'exécution du contrat initial.

Le transfert automatique des biens réalisés ou acquis par le partenaire privé, dans le cadre et pour l'exécution du contrat, en pleine propriété à la personne publique à l'expiration du contrat de PPP, quelle qu'en soit la cause, permet de restituer l'ensemble des biens nécessaires à l'exploitation et à la continuité du service public. Le transfert automatique est un élément essentiel permettant de faire la distinction entre le contrat PPP et le contrat de privatisation.
L'octroi des sûretés aux établissements financiers sur les actifs acquis ou réalisés dans le cadre de l'exécution du contrat vise à faciliter l'accès du partenaire privé au financement du projet de PPP avec l'accord préalable du partenaire public.

La résiliation anticipée du contrat permet aux partenaires public et privé de se départir à chaque fois qu'il y a une faute grave ou un cas de force majeure et de percevoir une indemnisation dans chacun des cas de résiliation. Ainsi, le recours aux moyens alternatifs de règlement des différends, «la conciliation», avant tout recours arbitral ou judiciaire, permettra un règlement des litiges efficace, rapide et économique. Tel est l'objet du présent projet de loi qui ne s'applique pas aux projets de PPP déjà initiés ou en cours de réalisation.

Publié le : 29 Août 2013 –

SOURCE WEB Par Farida Moha, LE MATIN

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