Maroc-UE: Où vont les fonds européens

«Soutien de l'UE en faveur du Maroc: peu de résultats à ce jour». C’est par ce titre que résume la Cour des comptes européenne son rapport (1) qui audite l'aide financière attribuée au Royaume.
Critiques et au ton sévère, les auditeurs relèvent que «l'aide financière de l'UE en faveur du Maroc, versée directement sur le compte du Trésor public du pays de 2014 à 2018, n'a apporté qu'une faible valeur ajoutée et n'a guère permis de soutenir les réformes». Ceci en raison d'un manque de ciblage, de contrôle ainsi que d'une mise en œuvre et d'un suivi insuffisants.
Les auditeurs estiment que voulant répondre aux besoins recensés dans les stratégies nationales (du Maroc), l'UE a réparti les fonds sur un trop grand nombre de secteurs, «ce qui a pu en affaiblir l'impact». Santé, protection sociale, justice, développement du secteur privé… sont autant de secteurs passés au crible.
La Commission avait défini trois activités prioritaires. Les auditeurs ont cependant constaté qu'ils comportaient 13 sous-secteurs, dont beaucoup pouvaient eux-mêmes être considérés comme des secteurs à part entière. Ils craignent qu'une définition aussi générale des domaines éligibles, couvrant un si grand nombre de secteurs, ne réduise l'impact potentiel de l'aide de l'UE. Constat: peu d'éléments attestant l'existence d'un dialogue sectoriel et pas de suivi rigoureux de l'état d'avancement.
Pour ce qui est du secteur de la santé, les principaux problèmes étaient le manque de personnel médical et les disparités entre les zones urbaines et rurales. Le programme d'appui budgétaire était surtout centré sur la réduction de ces disparités.
Il ne comportait, pour traiter la question du manque de ressources humaines, qu'une seule valeur cible, peu ambitieuse liée à la tranche variable, à savoir la formation de seulement 13 médecins en tant que «médecins de famille» sur une période de trois ans.
Certaines difficultés signalées par différentes parties prenantes (ministère de la Santé, Banque mondiale, etc.) dans ce secteur n'ont pas été directement prises en compte lors de l'élaboration du programme d'appui budgétaire. Sur la liste figurent, le taux d'absentéisme élevé du personnel, la faible attractivité des zones reculées pour le personnel médical et la sous-utilisation structurelle des infrastructures hospitalières.
Par rapport au Programme d'appui à la croissance et à la compétitivité du Maroc (PACC), il reposait sur trois stratégies, dont deux dépourvues d'objectifs datés. Il était donc compliqué de déterminer quels étaient les besoins les plus urgents et/ou les plus importants, assurent les auditeurs. Le programme couvrait un trop grand nombre de secteurs, prévoyant un soutien aux petites et moyennes entreprises (PME), aux jeunes entreprises innovantes, et aux propriétaires fonciers, ainsi qu'en matière de commerce, de développement durable et d'énergie.
Dans le secteur de la justice, les objectifs, bien que généraux, étaient conformes à ceux de la réforme. Comme, par exemple, celui de parvenir à assurer l'indépendance du secteur et la protection juridictionnelle des droits et des libertés. Les auditeurs soulignent également que la Commission n'a pas alloué les fonds aux programmes selon une méthode transparente et que le degré de coordination des bailleurs de fonds variait d'un secteur à l'autre.
La Commission avait considéré que l'appui budgétaire était le bon instrument pour octroyer l'aide au Maroc. En moyenne, cet appui s'élève actuellement à quelque 132 millions d'euros par an et représente environ 0,37% des dépenses budgétaires annuelles du pays. Ce qui limite son effet de levier dans l'ensemble. Parallèlement, la Cour des comptes européenne constate que des crédits conséquents inscrits aux budgets des ministères restaient à dépenser.
Ce qui remet en question la valeur ajoutée de l'aide financière de l'UE. Les programmes sont actuellement toujours en cours, mais ils n'ont pas produit d'impact notable à ce jour. Et ce, étant donné que moins de la moitié de leurs objectifs chiffrés étaient atteints à la fin de 2018. Aussi, la Commission n'a pas élaboré de stratégie claire pour les relations futures avec le Maroc durant la suspension du dialogue politique.
Recommandations
Dans son rapport (qui contient des réponses des différentes parties, www.eca.europa.eu), la Cour des comptes européenne recommande de concentrer l'aide sur un plus petit nombre de secteurs, d'améliorer les indicateurs de performance afin qu'ils permettent une évaluation objective, de renforcer les procédures de contrôle relatives aux décaissements, d'intensifier le dialogue sectoriel et d'accroître la visibilité du soutien de l'UE. Il est question aussi d’améliorer le ciblage des programmes d'appui budgétaire et les procédures de suivi. Des échéances doivent être respectées.
Dans leurs éléments de réponses, la Commission et le Service européen pour l’action extérieure tiennent à assurer que la coopération de l’UE a contribué à la mise en œuvre des réformes au Maroc. Cela a eu une incidence positive sur le développement socio-économique du pays. Il est assuré aussi que les montants sont affectés à des programmes d’appui budgétaire sectoriels selon un processus transparent et méthodique pleinement documenté.
Le 12 décembre 2019
Source web Par l'économiste
Les tags en relation
Les articles en relation

Des signes positifs émergent dans les relations entre la France et le Maroc
La visite prévue à Rabat ce dimanche du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, s'annonce comme une opportunité de redynamiser une rela...

Le groupe Threon s’installe au Maroc
L’expert européen du management de projets, Threon, vient d’ouvrir, début septembre, sa première filiale en Afrique à Casablanca (avec un siège opérat...

#MAROC_grosse_colère_du_roi_MohammedVI_à_Fès:
Le retard pris dans l’avancement d’un grand projet de développement à Fès aurait été à l’origine de la colère du roi Mohammed VI, qui profite actue...

Le tourisme côtier marocain menacé par le changement climatique : une perte de 32% des emplois d�
Le tourisme côtier marocain, qui a montré de solides performances depuis la fin de la pandémie de Covid-19, est aujourd’hui confronté à une menace majeur...

Voyages: voici ce qu'ont dépensé les Marocains cet été à l'étranger
Les dépenses liées aux voyages des Marocains à l'étranger ont dépassé l5 milliards de dirhams en juin, juillet et août. Un rythme quatre fois supéri...

Le roi Mohammed VI effectuera une visite de travail et d'amitié en France (communiqué)
Le roi Mohammed VI effectuera une visite de travail et d'amitié en France, annonce lundi le ministère de la Maison Royale, du Protocole et de la Chancelle...

Dominique Strauss-Kahn lance un vaste projet hôtelier au Maroc
Dominique Strauss-Kahn (DSK), ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI), également ancien ministre français de l’Économie, des finance...

Pour Bruxelles, le Maroc est un partenaire clé dans le voisinage sud de l’UE
Le Maroc est un partenaire clé dans le voisinage sud de l’UE a souligné Johannes Hahn , Commissaire chargé de la Politique Européenne de Voisinage et des ...

De nombreux opérateurs anticipent une prochaine baisse du dirham
L’un des événements majeurs de 2017 sera probablement l’instauration de la flexibilité des changes au Maroc. De nombreux opérateurs anticipent déjà ce...

L’Afrique subsaharienne capte 62% des IDE marocains
La grande majorité des IDE marocains va à l’Afrique subsaharienne. Cette région capte en effet 62,9% des IDE du Royaume avec un pic de 88,2% enregistré en...

Tamwilcom et l’IFC s’allient pour le financement des start-up marocaines
Cette nouvelle collaboration a pour objectif de mettre en place une offre d’accélération des start-up et d’apporter une véritable valeur ajoutée à l’...

Maroc-Espagne: un gang spécialisé dans le trafic de drogue par hélicoptère démantelé
La police espagnole a annoncé dimanche avoir démantelé un réseau de trafic de drogue soupçonné d’utiliser des hélicoptères pour faire passer du Maroc ...