Les agriculteurs marocains au service des abeilles
Un programme international de sauvegarde des insectes a engagé des tests au Maroc pour attirer les pollinisateurs, comme les abeilles, dans les cultures. En cas de succès dans le royaume, le programme serait alors lancé dans six autres pays avec des zones arides. L’objectif : booster le rendement des cultures et lutter contrer le déclin des insectes.
Ici au Maroc, des agriculteurs voient les insectes automatiquement comme des nuisibles”, explique une journaliste de la chaîne allemande DW. Un reportage diffusé le 14 août sur la chaîne s’intéresse à un projet unique en son genre pour tenter de ramener les abeilles dans les cultures marocaines et peut-être même dans le monde. Certains agriculteurs ont pris un drôle d’habitude : planter des fleurs entre leurs légumes ou arbres fruitiers pour attirer certains insectes bénéfiques aux cultures. Environ 150 champs, aux quatre coins du pays, participent au projet, pour tenter de préserver la biodiversité de la région et augmenter les rendements.
L’initiative “agriculture avec des pollinisateurs alternatifs” a été lancée par le Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA), et plus précisément par une chercheuse, Stefanie Christmann. En novembre 2018, la scientifique avait présenté à l’ONU une étude et des recommandations de l’ICARDA pour développer la floraison de certaines cultures. La méthode proposée permet d’augmenter les rendements agricoles sur le long terme et de lutter contre le déclin des insectes. C’est sur ces derniers d’ailleurs que repose le gros du travail dans les cultures.
Le Maroc sélectionné pour sa biodiversité
Faire pousser de simples plantes envahissantes suffit aux cultures européennes pour attirer de nouveau les insectes. D’abord testée en Asie, cette méthode de culture avec les pollinisateurs s’est ensuite exportée au Maroc pour des tests en 2015 puis en 2017. “Les essais sur le terrain sont très concluants. La production augmente et il y a une très forte réduction de produits chimiques utilisés grâce à cette méthode”, s’enthousiasme Stephanie Christmann, coordinatrice du projet.
Cependant, le contexte économique, les modes d’agriculture et le climat du Royaume demandent de nouvelles techniques qui seront ensuite exportées vers d’autres pays de la région MENA. “Le Maroc a une biosphère extrêmement diversifiée et est représentatif des autres pays méditerranéens. Il est aussi stable politiquement et l’ICARDA est déjà implantée ici. Donc, c’était logique de débuter les tests dans le royaume”, explique encore Stefanie Christmann.
L’objectif est de planter des fleurs en tout genre pour attirer de nouveaux insectes. Par exemple, avec une rangée de fleurs entre deux rangées d’aubergines, les pollinisateurs reviennent rapidement dans la culture. Le rendement de la parcelle est alors amélioré. “L’objectif est aussi de mettre en place un plan d’amélioration de la rentabilité. L’étude prend en compte l’aspect économique et doit rendre les différentes plantations rentables pour les agricultures”, explique la coordinatrice du projet, piloté depuis Rabat.
L’enjeu est ainsi autant environnemental qu’économique. “Les principales plantations intégrées dans l’étude sont les pommes, les cerises, les citrouilles, les melons, les aubergines, les tomates… Mais aussi les épices, comme la coriandre ou l’anis”, reprend Stephanie Christmann, qui travaille avec les agriculteurs, mais aussi avec de jeunes doctorants marocains et des coordinateurs de l’ONCA et de l’INRA.
Après le Maroc, six autres pays pourront profiter de la mise en place de ce projet. L’ICARDA prévoit la mise en place de différents projets dès 2020 en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Palestine, en Jordanie et en Turquie. Dans le royaume, l’ICARDA prévoit de prolonger le projet pendant encore trois ans.
Lancé par l’ONU, le projet est financé à hauteur de 6,5 millions d’euros par l’Initiative internationale pour la protection du climat. Un budget conséquent porté par le ministère fédéral allemand de l’Environnement et de la Protection de la nature qui le répartira réparti entre les sept pays concernés par le projet.
Un déclin mondial, qui n’épargne pas le Maroc
Dans le monde, alors que 80% des cultures ont besoin d’insectes pollinisateurs pour se développer correctement, plus d’un tiers des espèces sont menacées et 40% sont en situation de déclin. En février 2019, des chercheurs donnent l’alerte dans la revue Biological Conservation et pointent du doigt l’agriculture intensive, les pesticides et le changement climatique, qui nuisent au développement des insectes et surtout des pollinisateurs. Selon les scientifiques, la moitié des espèces auront disparu d’ici 50 ans, et la totalité d’ici 100 ans.
En 2016, un premier rapport de l’Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) faisait état d’un déclin alarmant. Quelques mois après sa publication, une coalition de 13 pays se formait pour tenter de lutter contre le déclin des pollinisateurs. Ils sont à présent 24, et le Maroc s’est engagé en mai 2019 en tant que premier pays d’Afrique du Nord à participer à la “Coalition of the Willing on Pollinators”.
L’ICARDA soulignait à l’époque que le Maroc est l’un des pays “les plus diversifiés dans la présence d’insectes pollinisateurs du bassin méditerranéen.” Mostafa Madbouhi, directeur du département pour la préservation de la diversité biologique au sein de secrétariat d’État pour le développement durable, a signé la participation du pays à la coalition.
Le 16 août 2019
Source web Par telquel
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