Maroc : « Nos progrès dans le domaine spatial auront des retombées sur l’ensemble des secteurs »
Au-delà de la question militaire, la mise en orbite du deuxième satellite marocain permettra de booster le développement économique et humain du Maroc, selon Driss El Hadani, directeur général du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS).
Un an après le lancement du satellite Mohammed VI-A, le 8 novembre 2017, un deuxième satellite, Mohammed VI-B, a été mis en orbite le 21 novembre dernier. Le programme spatial marocain repose sur deux entités : le Centre royal d’études et de recherches spatiales (CRERS), qui s’occupe des aspects les plus techniques et scientifiques, et le Centre royal de télédétection spatiale (CRTS), qui exploite les données offertes par l’observation spatiale.
Les deux travaillent sous la houlette de l’administration de la Défense nationale. En avril dernier, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait brandi des clichés pris par un satellite pour présenter aux Nations unies les mouvements du Front Polisario à l’est du mur de défense. Les deux satellites permettront aussi de surveiller les frontières, à l’heure d’un durcissement de la lutte contre l’immigration clandestine.
Directeur général du CRTS, Driss El Hadani, qui ne souhaite pas aborder la question militaire, précise quels seront les avantages sur le territoire.
Jeune Afrique : Quelles sont les missions concrètes du CRTS ?
Driss El Hadani : Notre mission est globalement de développer les usages des données spatiales. Nous tâchons aussi de rendre ces données les plus accessibles possible. Le domaine spatial est indispensable dans divers domaines, notamment pour la lutte contre le réchauffement climatique. Il permet également de soutenir des grands projets, comme la Ligne à grande vitesse (LGV), dont le tracé a été fait sur la base d’images satellites.
Les deux satellites lancés peuvent-ils avoir un usage militaire ou sécuritaire ?
Les usages sont variés. Ils permettent au Maroc d’acquérir des données stratégiques.
Le programme spatial marocain est soutenu par des pays européens, notamment la France. Mais a-t-il aussi une vocation africaine ?
La France est une puissance spatiale mondiale et la coopération qui nous lie à ce pays est bien sûr un atout. Mais notre ambition est aussi de continuer ce partenariat pour développer un vrai programme de coopération sur le continent. Nous avons mis en place depuis plusieurs années un programme de formation continue en matière d’exploitation et de valorisation des données satellites.
L’objectif de ce programme est de renforcer les compétences des cadres marocains dans les différents départements ministériels. Plusieurs cadres africains en ont également bénéficié. La conférence de l’International Astronautical Federation (IAF) à Marrakech en avril 2019, dont le thème est l’espace et les pays émergents, sera une belle occasion de parler à de nombreux acteurs du Sud.
Jusque-là, le Maroc avait recours à des opérateurs internationaux pour l’acquisition des images
D’autres pays africains, comme le Kenya ou l’Algérie, semblent en avance sur le Maroc concernant la politique spatiale. L’envoi des satellites augure-t-il une forme de rattrapage ?
La mise en orbite des deux satellites est un virage pour le Maroc. Cela renforce sa souveraineté pour acquérir des données géospatiales pour les projets et les programmes de développement socio-économique. Jusque-là, comme de très nombreux autres pays du monde, on avait recours à des opérateurs internationaux pour l’acquisition des images. Par ailleurs, les deux lancements sont bien sûr des événements à l’échelle régionale et continentale.
Le spatial vient renforcer la capacité des décideurs pour la planification et la réalisation des projets de développement
Quelle est la place du secteur privé dans le programme spatial marocain ?
Parmi les 3 000 personnes environ qui ont participé à nos cycles de formation à l’usage des données spatiales, il y a des personnes issues du secteur privé. Les retombées en termes de compétences et de capacité de développement sont de toute manière très importantes. Globalement, le spatial vient compléter différentes chaînes de valeurs et renforcer la capacité des décideurs pour la planification et la réalisation des projets de développement.
Nous travaillons déjà beaucoup avec le département de l’agriculture, pour assurer le suivi de l’agriculture irriguée, la mise en place d’un registre agricole et d’une base de données des sols, assurer la gestion des ressources en eau, l’aménagement du territoire, la lutte contre la désertification, la gestion des risques et des catastrophes naturelles… Mais le spatial accompagne aussi le tracé des routes, l’aménagement du territoire, les grands projets immobiliers, etc. L’ensemble des secteurs vont sentir les retombées de nos progrès dans le domaine spatial.
Le 26 novembre 2018
Source web Par Jeune Afrique
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