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Nos seniors méritent un tout autre sort

Nos seniors méritent un tout autre sort

Près de 10% des Marocains sont âgés de plus de 60 ans, mais seul 1/5ème d'entre eux dispose d'une couverture sociale et médicale

Même si le quart des Marocains le seront en 2050 et que le vieillissement de notre population impactera  inéluctablement la croissance économique, l’épargne, l’investissement, la consommation, le marché de l’emploi, les pensions, les systèmes de santé, la taxation, les styles de vie, les transferts intergénérationnels …, la question des séniors ne s’invite, en effet, au débat qu’en trop peu d’occasions.

Il faut donc saisir celle que la conférence organisée ce mercredi à Béni Mellal sur les rôles de la famille et des institutions sur le plan de l'amélioration des conditions de vie des personnes âgées, pour remettre le sujet sur le métier.

Cette rencontre a, certes, plaidé pour une approche participative impliquant les institutions, les associatifs et les élus en vue de protéger au mieux les droits des personnes âgées et d’améliorer leurs conditions de vie, mais elle a aussi relevé le rôle crucial que la famille doit assumer dans la promotion de leur condition.

Ce qui ne constitue pas, à long terme, une solution efficiente et soutenable à proprement parler, vu que toutes les études démontrent que les structures domestiques et familiales sont en cours de diversification et de nucléarisation accrues, que la croissance démographique entraînera inéluctablement l’éclatement du modèle familial actuel et que les ménages auront davantage de difficultés financières pour subvenir aux dépenses incompressibles générées par cette catégorie d’âge jugée généralement comme non-productive. Ce que les statistiques du ministère en charge de ce dossier confirment d’ailleurs.

Force est donc de rappeler que les conclusions de l’Avis que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a consacré à cette couche de la population en 2015 demeurent non seulement d’actualité, mais qu’elles  n'ont nullement permis de lancer l'incontournable réflexion sur l'impact des mutations sociales en cours sur les mécanismes de solidarité qui permettaient aux vieux de ne pas trop ressentir les effets d'un quelconque isolement ou rejet.

Et pourtant, cela aurait dû être fait depuis fort longtemps.

Précisément en janvier 2005, date à laquelle un rapport de l'Entraide nationale avait tiré la sonnette d'alarme sans que personne ne s'en émeuve outre mesure ou ne bouge le petit doigt. Les chiffres y afférents ne laissaient pourtant pas de place au doute. En ces temps-là, les vieux représentaient 5% des 46.000 pensionnaires des associations de bienfaisance et 9% dans les centres urbains. Une tendance qui s'est inscrite à la hausse depuis la fin des années 90.

Actuellement, près de 10% des Marocains sont âgés de plus de 60 ans, mais seul 1/5ème d'entre eux dispose d'une couverture sociale et médicale.

Peu d'entre eux ont donc accès aux soins alors que leur dépendance physique et financière augmente, dans un contexte où leur prise en charge dans le cadre familial est menacée, notamment par la nucléarisation croissante des ménages.

Faute de prendre le taureau par les cornes avec diligence, n'aurait-il pas été mieux de se remémorer cette fameuse phrase de Feu S.M Hassan II qui a tenu lieu de sacerdoce des années durant. «Le jour où l'on ouvrira la première maison de retraite au Maroc, notre société sera en voie de disparition», avait déclaré le Roi défunt sous forme de boutade.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors. De nos jours, pareilles institutions existent bel et bien sous différentes formes et avec des dénominations diverses. En nombre insuffisant et avec un encadrement qui laisse parfois à désirer certes, mais elles existent quand même et leur nombre est appelé à augmenter dans des proportions notables. Ce qui n'est ni une bonne chose en soi, ni une mauvaise.

Ce qui est mauvais, par contre, c’est qu’à l’instar de ce que le CESE a relevé il y a trois ans, la vie des personnes âgées dans les centres d’accueil se caractérise par la solitude, l’isolement, l’absence d’activités culturelles, sportives et de loisirs. Les centres accueillent des personnes aux profils parfois très divers (enfants, personnes en situation de handicap physique ou mental), de même que leur personnel encadrant manque de formation et de motivation, que les bâtiments et les infrastructures de ces centres sont souvent inadaptés aux spécificités de la catégorie d’âge de leurs pensionnaires, que de nombreuses personnes âgées vivent dans des logements inadaptés, qu’elles y sont fondamentalement confrontées à des problèmes d’exiguïté, d’accessibilité, d’éloignement des services publics et à des risques d’accidents domestiques, que l’aménagement de l’espace public urbain se caractérise par l’absence d’infrastructures et de lieux de vie adaptés aux personnes âgées, et le reste à l’encan.

Ce qui est mauvais, aussi, c'est de continuer à faire l'économie d'une politique publique transversale et intégrée de protection des personnes âgées, dotée des moyens d'accompagnement et d'évaluation prenant en considération leurs droits en termes de dignité, de participation et d'inclusion sociale et de se contenter de campagnes nationales de communication dont on en est d’ailleurs à la quatrième et dont le thème : '' Personnes âgées, trésor dans tout foyer'', ressemble à un titre de novelas.

Le 27 octobre 2018

Source Web : Libération

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