Produits alimentaires: Les nouvelles durées de conservation font polémique
Un arrêté établissant de nouvelles durées maximales de conservation des produits alimentaires fait réagir la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC) notamment pour les produits laitiers dont la durée de conservation est passée de 3 à 5 jours. L’ONSSA dit avoir les études scientifiques qui confortent la décision. Mais tout l’enjeu réside dans le respect des températures d’entreposage des aliments.
De nouvelles durées maximales de consommation ont été adoptées par un arrêté conjoint au ministère de l’Agriculture et celui de la Santé. L’arrêté fixe la durabilité et la température de conservation des denrées alimentaires devant porter l'indication de la date limite de validité (DLV).
Le nouveau texte comporte des différences par rapport à l’ancien arrêté qui était en vigueur comme en témoignent les quelques exemples ci-après:
-Les viandes hachées conditionnées réfrigérées conservées à températures maximales de 3°c avaient une DLV de 2 jours. Désormais, elles ont une DLV de 6 jours si elles contiennent des épices et de 3 jours si elles n’en contiennent pas.
-La durée de validité des viandes hachées conditionnées congelées ou surgelées (-18°c) passe de 9 mois à 12 mois.
-Les produits de charcuterie cuits conditionnés qui avaient une durée de 3 mois sous 6°c se voient attribuer deux nouvelles DLV de 6 mois s’ils sont réfrigérés à 6°c et de 18 mois s’ils sont congelés à -18°c.
-Le lait pasteurisé conditionné réfrigéré (courte durée, lait frais) passe de 3 jours à 5 jours.
Ce dernier exemple a fait sortir les représentants des consommateurs de leurs gonds. "Nous avons été étonnés de la prolongation de la durée de péremption du lait de 3 à 5 jours. Et on se pose la question sur quel élément scientifique, ce changement a été adopté", nous explique Kherrati Bouazza, président de la Fédération Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC) qui dénonce également le fait que les représentants des consommateurs n’aient pas été impliqués dans l’élaboration de cet arrêté "alors que les professionnels ont été consultés. Deux poids, deux mesures", commente Kherrati. Et d’ajouter, "s’il y a des études qui prouvent que le lait peut supporter les 5 et 15 jours, nous aimerions bien les consulter sachant bien que la charge microbienne du lait collecté chez nos éleveurs est trop élevée pour permettre la prolongation de cette durée".
Les explications de l’administration
Il est certain que la modification de ces durées interpelle notamment du fait qu’il s’agit de produits périssables qui comportent un risque pour la santé des consommateurs.
C’est la raison pour laquelle Médias24 a tenté de comprendre comment sont fixées ces dates limites de consommation DLC et pourquoi elles ont été révisées.
Le ministère de l’Agriculture, appuyé par l’ONSSA, est engagé ces dernières années dans une course pour la mise à niveau de notre arsenal juridique en matière de sécurité sanitaire. Des révisions de textes existants et la promulgation de nouveaux ont eu lieu ces derniers mois.
"Le décret sur l’étiquetage tel qu’adopté récemment a introduit deux notions importantes: la Date de durabilité Minimale durant laquelle l’aliment doit conserver ses propriétés spécifiques dans des conditions de conservation appropriées fixées par le législateur. Et la Date limite de consommation (DLC) pour certains produits périssables à partir de laquelle le produit ne peut plus être consommé quelles que soient les conditions de stockage", nous explique Rachid Wahabi, Chef de division santé environnement au ministère de la Santé. Le département d'Anass Doukkali a contresigné l’arrêté avec le ministère de l’Agriculture.
"Après ce décret, nous avons travaillé sur les durées de conservation. Et sur la base d’une revue bibliographique et des documentations au niveau international, nous avons fixés des dates qui sont très loin des durées validées par des études en laboratoire, car nous sommes conscients que le laboratoire n’est pas la vie courante. Il y a donc des appréciations par rapport aux conditions économiques du pays, les habitudes des citoyens, des détaillants…".
Pour notre interlocuteur, chaque pays est souverain, et peut réduire la période établie au laboratoire. "Elle est diminuée au vu des conditions de travail de la profession, stockage dans les airs de ventes…. L’ancien arrêté fixait des périodes basses. Au vu des développements du secteur agro-industriel et des grandes surfaces, nous avons élevé certaines périodes sans pour autant dépasser celles préconisé en Europe par exemple", assure Rachid Wahabi.
À en croire le Chef de division santé environnement au ministère de la Santé, la commission chargée de ce dossier n’a pas effectué d’études ou d’analyses de laboratoires pour fixer ces dates.
Et à Hamid Lachhab, Directeur de l’évaluation des risques et des affaires juridiques de l’ONSSA de compléter : "L’ONSSA ne peut pas faire des analyses de recherches, nous assurons le contrôle a posteriori".
Cela dit, l’ancien texte était, en effet, fixé sur la base d’un benchmark à l’échelle internationale, mais toutes les modifications qui s’en sont suivies devaient et doivent être appuyée par les études de vieillissement. Le responsable de l’ONSSA nous révèle que toutes les modifications qui ont été apportées font suite à des demandes émanant des opérateurs économiques que ce soit pour le secteur des viandes de charcuterie, du secteur laitier, des producteurs de fromages…
Ces professionnels sont dans l’obligation de "présenter des demandes argumentées par des études scientifiques et par tous les éléments de nature à permettre à l’administration de prendre la décision en conséquence des causes et sur la base d’éléments démontrés scientifiquement", assure Hamid Lachhab.
Le lait à 5 et 15 jours "est possible"
Pour le cas du lait qui a suscité l’étonnement des associations de protection des consommateurs, les deux responsables sondés par Médias24 assurent que la durée fixée est tout à fait valable.
"Pour le lait pasteurisé longue conservation, nous avons reçu des demandes argumentées avec une étude scientifique et des analyses de laboratoires qui démontrent que le lait peut aller jusqu’à 15 jours. Cette modification nous l’avons introduit l’année dernière", affirme le Directeur de l’évaluation des risques et des affaires juridiques de l’ONSSA.
Et d’ajouter, "pour cette année, nous avons fait la même chose pour le lait pasteurisé courte durée. Même que les études qui nous ont été présentées ont été confirmées par des études de fin de thèse effectuées à l’IAV Hassan II".
Nos interlocuteurs présentent également l’argument du benchmark international. "En France et aux USA, les durées appliquées sont respectivement de 7 jours et 18 jours".
Sur le point de la charge microbienne élevée, Lachhab assure qu’en "tenant compte des changements réglementaires, les opérateurs ont l’obligation de ne mettre sur le marché que les produits sûrs, ces derniers prennent toutes les considérations et les précautions hygiénique de la conservation, transport, traitement, conditionnement, entreposage, pour que le lait pasteurisé reste consommable jusqu’à la date qu’il propose".
"On parle d’un lait qui a été traité, emballé et vendu par une société agréée par l’ONSSA. Lorsqu’elle est agréée, c’est qu’elle maîtrise le procédé de production et qu’elle a les équipements, l’expertise nécessaire pour respecter les dispositions de la loi", ajoute pour sa part Rachid Wahabi.
En d’autres termes, ce sont les producteurs qui assument toute la responsabilité afin de respecter la salubrité des produits pendant la durée de leur validité.
Le respect de la température est le véritable enjeu
Mais le point le plus important de l’arrêté n'est pas la durée en elle-même, mais plutôt les conditions exigées pour son stockage. Pour le lait frais pasteurisé, on parle d’une température de 3°c à respecter absolument. Faute de quoi, les 5 jours ou même les 3 jours ne veulent plus rien dire. "La DLC est conditionnée par le respect de la température d’entreposage. Elle n’a pas de valeur si cette température n’est pas respectée", assurent les deux responsables interrogés.
Un point de vue que partage Bouazza Kherrati: "d’une manière générale, la loi n’a de poids qu’en fonction du pouvoir qu’a l’organisme qui fait le contrôle. C’est facile de promulguer une loi, changer les mentalités est par contre plus difficile. Il suffit de faire un tour au marché pour s’en rendre compte".
En résumé, le consommateur doit faire doublement attention aux conditions de stockage des produits qu’il achète.
Le 18 juillet 2018
Source Web : Médias 24
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