Harcèlement sexuel : A-t-on plus de droits au Maroc quand on est étrangère ?
Suzi Cruz, la vloggueuse voyage allemande qui avait mis en ligne une vidéo dénonçant le harcèlement sexuel dont elle a été victime à Chefchaouen, semble avoir été entendue par les autorités. 24 heures plus tard, son harceleur a été mis sous les verrous. Un deux poids deux mesures qui en indigne plus d’un.
C’est un bad buzz qui fait mal à l’image du Maroc et pour cause. Lundi, l’histoire de Suzi Cruz, une vloggueuse allemande visiblement célèbre pour ses vidéos de voyages en van à travers le monde, a défrayé la chronique et en a indigné plus d’un sur les réseaux sociaux. Dans sa vidéo de 23 minutes, mise en ligne sur la plateforme Youtube et devenue malheureusement virale, la voyageuse a expliqué que lors de son court séjour au Maroc (48 heures, ndlr), elle a été confrontée au harcèlement sexuel. Des éternels « Psst » aux remarques déplacées, il lui était impossible de flâner dans les rues de Chefchaouen sans être importunée. Et alors qu’elle pensait être sauvée par un jeune homme qu’elle avait invité à partager un thé dans son van, ce dernier est devenu insistant au point de ne pas vouloir partir et de lui demander de l’argent. Une mésaventure qui a traumatisé la jeune femme au point de fuir le territoire marocain et d’annoncer la suspension de son tour du monde pour une durée indéterminée.
Le lendemain, nous apprenions que les forces de l’ordre avaient procédé à l’arrestation de « l’ami encombrant » et qu’il était désormais sous le coup de plusieurs accusations notamment « harcèlement, possession de drogues et travail illégal en tant que guide ». Une réactivité de la police, salutaire, qui n’a néanmoins pas manqué d’étonner plusieurs internautes. Ces derniers se sont indignés de ce qu’ils appellent « un deux poids, deux mesures ». En effet, nombre de citoyens reprochent aux forces de l’ordre d’être beaucoup plus réactives lorsqu’il s’agit des étrangers, et plus « laxistes » quand il est question de Marocains.
Lois incomplètes et harcèlement sexuel banalisé
Il ne s’agit pas là de critiquer l’arrestation de « Hassan », le harceleur à l’origine du scandale, la police ayant fait son travail en toute logique. Par contre, force est de constater que lorsque la plaignante est étrangère – comme dans ce cas précis – , la loi est appliquée illico presto à l'encontre de l'agresseur, ce qui n’est souvent pas le cas quand il s’agit d’une citoyenne marocaine lambda. Pourtant, sur le papier, et loi « Hakkaoui » à l'appui, les Marocaines peuvent désormais porter plainte quand elles sont confrontées au harcèlement dans les espaces publics. Et bien que la loi, qui stipule que :« est considéré comme coupable de harcèlement quiconque persiste à gêner autrui dans des lieux publics ou autres, moyennant des agissements, propos, gestes à caractère sexuel. Le harcèlement peut également se faire via correspondances écrites, téléphoniques ou électroniques, des photos et/ou des enregistrements à caractère sexuel » soit jugée trop vague par nombre d’observateurs et d’associations, elle n’en demeure pas moins un pas important pour combattre le fléau en toute légalité. Malheureusement, le harcèlement sexuel étant devenu banal tant il est répandu, rares sont les victimes qui osent porter plainte. Lorsque celles-ci le font, plusieurs victimes témoignent d’un laxisme certain de la part des forces de l’ordre.
Les exemples ne manquent tristement pas. Plusieurs mois auparavant, le témoignage d’une jeune femme sur les réseaux sociaux avait suscité l’indignation d'un grand nombre de Marocains. Elle y racontait qu’en voulant porter plainte contre un harceleur trop insistant, les policiers ont essayé de la « raisonner » et de la convaincre d’abandonner sa plainte, lui expliquant que c’était plutôt une « perte de temps ». Elle avait effectivement fini par abandonner. Plus récemment, une collègue a essayé de porter plainte à Rabat contre un automobiliste qui l’avait poursuivie sur plusieurs kilomètres. En essayant de faire sa déposition, elle raconte que les policiers s’étaient montrés particulièrement irrités par sa démarche avant de l’informer que le harceleur ne pourra pas être appréhendé avant longtemps. Les démarches étant supposément longues, le responsable du commissariat lui a expliqué que cela pouvait prendre jusqu’à deux ans. Largement de quoi la dissuader de porter plainte.
Aujourd’hui, le harcèlement sexuel est devenu une sorte de « marque de fabrique » au Maroc et est dénoncé tant au niveau national, qu’international. Le royaume fait également partie, selon certaines études, des destinations les plus risquées pour la gent féminine. Si l’arrestation du harceleur de Suzi Cruz a été une suite logique à cette sordide affaire, elle n’en laisse pas moins un goût amer d’un deux poids deux mesures certain. Une attitude et un traitement qui ont manifestement encore de beaux jours devant eux, si d’un côté les victimes ne portent pas plainte et si de l’autre les forces de l’ordre continuent à minimiser le fléau dès qu’il s’agit de plaignantes marocaines.
Le 04 Juillet 2018
Source web Par Les Infos
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