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Entretien avec le docteur Michael Witter ambassadeur dAllemagne à Rabat

Entretien avec le docteur Michael Witter ambassadeur dAllemagne à Rabat

«Le Royaume s’est positionné avec une habileté stratégique en tant que charnière entre l’Europe, la région MENA et l’Afrique» Promotion des énergies renouvelables, projet Desertec, accompagnement durable en termes de partenariats sectoriels, appui au gouvernement marocain dans les domaines de l’expertise technique et technologique… L’ambassadeur de la république d’Allemagne à Rabat, Dr Michael Witter, se livre aux lecteurs dans l’entretien suivant. «En Allemagne aussi, nous avons encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne l’efficacité énergétique.» Le Matin : La République d’Allemagne et le Royaume du Maroc ont conclu un partenariat énergétique en juillet dernier. Quelles en sont les grandes lignes ? Et quels bénéfices en tirent les deux parties ? docteur Michael Witter : Ce partenariat énergétique est appelé à renforcer et à rendre encore plus efficace notre coopération, qui existe déjà depuis bien longtemps entre les deux pays dans le domaine des énergies, et entend également mieux rassembler les activités. Alors que jusqu’à présent, ce thème a essentiellement été présent dans le cadre de la coopération au développement entre l’Allemagne et le Maroc, il a gagné, au cours des dernières années, de part et d’autre, en dynamique, et ce, de manière significative. Les objectifs que le Maroc s’est fixés à travers son plan solaire et éolien sont très ambitieux. Il en découle que le nombre d’acteurs intéressés par cette question augmente, aussi bien du côté allemand que du côté marocain, qu’il s’agisse d’institutions publiques, de centres de recherche ou du secteur privé. Je pense que ce partenariat énergétique bilatéral, formalisé d’une manière officielle, est un formidable forum pour rassembler les initiatives déjà existantes et les valoriser. En fin de compte, nous voulons que le Maroc et l’Allemagne mettent en place ou exploitent naturellement des situations gagnant-gagnant. C’est la raison pour laquelle nous œuvrerons dans le cadre de ce partenariat pour la réalisation de la vision Desertec, qui consiste à exploiter les «énergies vertes» du désert à destination de l’Europe, de même que nous nous pencherons sur la question des obstacles à surmonter, notamment au niveau européen, pour mettre en œuvre cette idée. Il s’agit par ailleurs de savoir comment relever le défi consistant à poursuivre au Maroc le développement du thème des énergies renouvelables dans l’ensemble, et de réaliser en parallèle des avancées au niveau de l’efficacité énergétique. Au fond, l’économie d’énergie est une des plus importantes sources que le Maroc a jusqu’à présent peu exploitée. Il faut avouer qu’en Allemagne aussi, nous avons encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne l’efficacité énergétique dans différents domaines, du secteur du transport à l’industrie, en passant par les ménages, etc. Si, dans le cadre de notre partenariat énergétique, nous parvenions à réaliser des progrès dans ce domaine au Maroc, et il existe déjà en Allemagne de nombreuses expériences de même que de bons résultats, alors ce serait un grand gain pour le pays ainsi que pour le climat. Car il faut préciser que cela permettra de réduire énormément les émissions de CO2. L’Allemagne s’intéresse particulièrement au secteur énergétique au Maroc. Comment expliquez-vous cet intérêt ? L’Allemagne prend très au sérieux le changement climatique et travaille, de manière intensive, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale sur des axes prioritaires. Entre autres, réduire ou, du moins, atténuer le changement climatique et faire progresser, là où cela est perceptible, les adaptations aux nouvelles données climatiques. D’un point de vue historique, les premiers projets de coopération maroco-allemande au développement dans le domaine des énergies renouvelables découlent de cette vision, car il existe, outre l’amélioration de l’efficacité énergétique, très peu de domaines autres que la production d’électricité où il est possible d’économiser autant d’émissions de CO2. Nous constatons aussi que le Royaume dispose d’un potentiel lui permettant de couvrir un jour ses besoins en énergie en grande partie à travers ses propres ressources renouvelables. Cela soulagera l’État marocain qui pourra ainsi investir dans d’autres secteurs importants tels que l’éducation, la formation ou encore la santé. Lorsque le pays ne sera plus aussi fortement dépendant des importations d’énergies fossiles onéreuses, comme cela est actuellement le cas, il pourra alors consacrer ses ressources budgétaires à d’autres fins. De plus, il existe un énorme potentiel, et l’Allemagne en est le meilleur exemple, pour générer de nouveaux emplois durables dans le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Cela a d’ailleurs été la motivation en matière de politique de développement sur laquelle se sont fondés les débuts de l’engagement de l’Allemagne dans le domaine énergétique au Maroc. Cette motivation a pour effet direct que l’Allemagne a accompagné, d’une certaine manière, la naissance et la percée des énergies renouvelables au Maroc, notamment en ce qui concerne l’énergie éolienne. À cela s’ajoutent, pour finir, des aspects particulièrement importants, liés aux compétences technologiques de l’Allemagne et à la puissante performance de ses entreprises. Nous espérons naturellement qu’à moyen terme, un marché verra le jour au Maroc. Et nous sommes prêts à tenir à disposition les expériences allemandes dans ces domaines. Le groupe Siemens s’est retiré du projet géant d’énergie solaire Desertec au Maroc, et un autre groupe allemand va lui emboîter le pas, en l’occurrence Bosch. Quelles en sont les raisons ? Les raisons qui sous-tendent ce retrait relèvent d’une décision propre à chacune de ces entreprises et ne devraient en aucun cas être perçues comme un rejet du projet Desertec. Les objectifs de rentabilité que s’était fixés Siemens pour son secteur d’activité solaire n’ont manifestement pas pu être atteints. Sur ce, l’entreprise a décidé de vendre toute sa branche solaire. Bosch était, pour sa part, confronté à une contraction de son chiffre d’affaires. Par ailleurs, il était uniquement engagé dans le groupe de travail de l’Initiative industrielle Desertec (DII) et ne comptait pas parmi les actionnaires de celle-ci. Du reste, cela me surprendrait si ces deux entreprises ne mettaient plus à disposition leur savoir-faire technologique, même sans être membres de Desertec. Quels avantages offre le Maroc, d’après vous, aux investisseurs étrangers ? Et quels sont ses atouts par rapport aux pays de la région ? La proximité du Maroc avec l’Europe est évidemment un atout majeur, de même que la qualité de ses infrastructures et sa stabilité politique. Je trouve aussi que le Royaume s’est positionné avec une habileté stratégique en tant que hub, donc en tant que charnière entre l’Europe, la région MENA et l’Afrique subsaharienne. Il est évident que les grands projets structurants, qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou de la construction du port Tanger-Med ou des nombreuses zones de libre-échange et des accords de libre-échange conclus avec le Maroc, contribuent à agrandir le marché. De plus, ils sont pris en considération à l’échelle internationale et suscitent l’intérêt des investisseurs étrangers. Cela dit, on constate que la Maroc est parvenu à conjuguer une bonne politique structurelle aux atouts précités. Il est en même temps important que le Maroc continue de s’attaquer, de manière énergique, aux déficits connus et qui sont cités dans les indices internationaux sur le climat des affaires, de même qu’il puisse réaliser de sensibles améliorations à ce niveau. Le gouvernement marocain est tout à fait conscient de ces défis ainsi que d’autres défis encore tels que la question de la formation et l’amélioration de la participation socioéconomique. Si le Royaume continue, de manière conséquente, sur la voie qu’il a entamée jusqu’à présent, il aura un potentiel pour gagner, de manière significative, cinq à dix années d’attractivité pour les investissements directs étrangers. Une usine Volkswagen au Maroc ? Des responsables du groupe Volkswagen étaient en visite à Tanger Free Zone, l’été dernier. De même, certains médias ont prêté au groupe allemand l’intention d’installer une usine automobile au Maroc. L’information avait suscité un vif intérêt, surtout après l’installation d’une usine Renault à Tanger. Interrogé sur le sujet, l’ambassadeur allemand a préféré botter en touche. «Je ne peux malheureusement rien vous dire à ce sujet. En revanche, vous savez certainement que la société allemande Leoni fabrique sur son site marocain des systèmes de câblage électrique pour le compte du groupe Volkswagen ainsi que pour d’autres constructeurs automobiles et qu’elle emploie quelque 8 000 personnes au Maroc. On verra bien si le groupe Volkswagen prévoit de construire une usine et dans quel pays…» Publié le : 8 Décembre 2012 – SOURCE WEB Entretien réalisé par Abdelwahed Rmiche, LE MATIN