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À la rencontre de la dernière génération de femmes amazighes tatouées

À la rencontre de la dernière génération de femmes amazighes tatouées

Plusieurs Marocains se souviennent de cette arrière-grand-mère que, petits, ils observaient avec perplexité à la vue de ses tatouages sur le visage ou les mains. D’autres ont encore la chance d’entendre les histoires de l’une de ces femmes qui ont su tenir tête au temps qui passe.

Yumna Al-Arashi, 29 ans, était elle aussi intriguée par les tatouages de son arrière grand-mère yéménite. Si elle est née à Washington et vit aujourd’hui à Londres, elle n’a pour autant jamais oublié ses racines qui s’étendent jusqu’au Yémen et en Égypte.

Depuis fin 2015, elle passe des mois à fouiner dans les archives de Londres pour en savoir un peu plus sur ces tatouages, mais les livres ne lui donnaient pas assez de réponses. Elle décide alors, au début de l’année, d’aller à la source et passe ainsi un mois de recherches au Maroc, en Tunisie puis ensuite en Algérie pour découvrir ce qui se cache derrière ces mystérieuses formes tracées sur la peau d’une génération bientôt disparue.

tatouage-femme

“Ces trois pays ont une longue et profonde histoire avec les tatouages, explique la photographe au HuffPost Maroc. “Cette tradition de se faire tatouer est aussi très répandue en Syrie, au Yémen et en Irak, mais je n’ai pas pu visiter ces pays-là à cause de la guerre", se désole-t-elle.

À l’aide de différents accompagnateurs locaux dans chaque région, Yumna part à la recherche des populations amazighes qui, selon elle, sont à l’origine de cette tradition. Elle fait connaissance alors avec des femmes fières de leurs tatouages qu’elles trouvent “beaux et mystiques.” Elles s’ouvrent à Yumna et lui dévoilent les points, les lignes et les formes sur leur peau représentant le soleil, la lune, les étoiles, les palmiers, ou encore des outils agricoles.

Brika, la femme tunisienne sur la photo ci-dessus, a expliqué à Yumna, comme le rapportent nos confrères du HuffPost américain: “J’ai la lune et les étoiles sur mes joues. Ce sont les plus belles choses que j’ai vues de ma vie. Je ne sais ni lire ni écrire, mais je connais ma Terre. C’est la lune et les étoiles qui m’aident à m’y repérer et c’est pour ça que je suis là.”

Yumna découvre petit à petit la signification de chaque tatouage. Ces formes, comme l’explique la photographe, peuvent exprimer l’attachement de celui qui les porte à la Terre, comme les tatouages de Brika, ou encore les protéger des djinns. Et si quelques tatouages sont aussi là simplement pour faire joli et “rendre les femmes plus belles pour leurs maris”, d’autres sont un véritable symbole de pouvoir. Ceux-là représentent souvent l’adoration de Fatima, fille du prophète Mohammed, la vénération de Tanit, déesse amazighe de la fertilité, et d’autres symboles de l’âge de la maturité et de la maternité.

YUMNA

“Il y avait une forte sensation de matriarcat dans les régions marocaines que j’ai visitées”, nous raconte Yumna. “Et la disparition des tatouages est liée à l’ascension du patriarcat”, souligne-t-elle.

L’alphabétisation et le capitalisme sont également d’importants facteurs, d’après la photographe, ayant contribué à l’effacement progressif de cette tradition. “La plupart de ces femmes sont analphabètes et ne savaient pas que les tatouages étaient “haram” [interdits] en islam, explique Yumna. “Les populations qui sont arrivées ensuite depuis l’Arabie savaient lire le Coran et s’identifiaient dans la religion. Elles ne se sont donc jamais tatouées”, continue-t-elle.

YUMNA-ALARASHI

Si Yumna a pu avoir quelques éléments de réponses, son projet de recherche est loin d’être terminé. Elle travaille aujourd’hui sur un livre qui regroupera ce qu’elle peut apporter de plus sur le sujet, notamment les différences entre les femmes amazighes tatouées marocaines, tunisiennes, et algériennes.

    Ce projet de Yumna Al-Arashi, “Face” ou "Visage", a été financé par le Fonds arabe pour les arts et la culture ainsi que par la Fondation internationale de femmes œuvrant dans les médias.

    Les travaux de la jeune photographe traitent souvent de la femme, la sexualité et la politique. Son court métrage "Shedding skin" et sa série de photos montrant des femmes arabes se lavant dans un hammam l’ont fait connaître auprès des médias américains et anglais.

Le 10 août 2017

SOURCE WEB Par huffpostmaghreb

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