La nouvelle charte sociale, des normes à respecter et des objectifs à contractualiser
Le président du CES à la Chambre des conseillers La nouvelle Constitution a renforcé la place accordée à la démocratie participative comme complément de la démocratie représentative et a consacré le statut et le rôle des organisations syndicales et professionnelles et des associations de la société civile dans la défense et la promotion des droits et intérêts des catégories qu’elles représentent. Chakib Benmoussa, président du Conseil économique et social. Bien que la Chambre des conseillers et le CES aient en commun la présence en leur sein de certaines de ces composantes, leurs missions ne sont pas du tout redondantes et sont largement complémentaires. En lui consacrant le titre 11, la Constitution a fait du CES un espace privilégié d’implication de la société civile organisée et de sa participation à l’élaboration et au suivi des politiques publiques, un espace de rapprochement de points de vue des forces vives du pays sur les sujets de fond qui concernent la société et une force de propositions, loin des contingences politiques du court terme, au service de l’exécutif et du législatif. La Constitution a par ailleurs, élargi ses prérogatives à l’environnement et au développement durable dans toutes ses dimensions. La Constitution comme la loi organique créant le CES garantissent sa pluralité, sa représentativité et son indépendance et précisent les modalités de ses relations au gouvernement et au Parlement. Ainsi les articles 3 et 4 de la loi organique stipulent qu’à l’exception des projets de lois de Finances, le gouvernement, la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers sont tenus, chacun en ce qui le concerne, de soumettre à l’avis du Conseil: 1-les projets et propositions de lois-cadres concernant les objectifs fondamentaux de l’Etat dans les domaines de sa compétence, 2-les projets liés aux grands choix en matière de développement et les projets des stratégies afférentes à la politique générale de l’Etat dans ces domaines, comme ils peuvent de leur propre initiative consulter le CES. Le Conseil peut aussi, de sa propre initiative, émettre des avis ou réaliser des études dans les domaines relevant de ses attributions. Depuis l’installation du CES par Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, c’est cette disposition qui a été appliquée pour lancer les premiers travaux de production d’avis et d’études, en attendant de recevoir des saisines du gouvernement et du Parlement.Par ailleurs, les articles 27 et 28 de la loi organique précisent que des membres des commissions permanentes du Parlement peuvent assister aux travaux du CES ou être entendus par les commissions du Conseil ou par l’assemblée générale; de même les commissions permanentes du Parlement peuvent demander au CES de déléguer un de ses membres pour présenter le point de vue du CES sur les affaires qui lui sont soumises. Conformément aux Hautes directives royales, les membres du CES se sont fixés comme ambition dans cette phase de démarrage d’asseoir la légitimité du Conseil par sa capacité à contribuer positivement à l’élaboration et au suivi des politiques publiques; d’assurer sa crédibilité en tant qu’espace d’écoute, de concertation et de dialogue indépendant, responsable et ouvert aux différentes composantes et sensibilités de la société civile et de veiller à son efficacité à travers la pertinence, la qualité et l’efficience de ses avis et rapports. Pour concrétiser cette ambition, le CES s’est fixé les objectifs suivants : 1-Instaurer un dialogue soutenu et fructueux avec la société civile en établissant les bases d’un échange permanent et d’une concertation approfondie. 2-Veiller à la pertinence et la qualité des rapports et avis du Conseil. 3-Nouer des relations de partenariats diversifiés au niveau national et développer une coopération internationale ciblée. 4-Mettre en place une administration du Conseil efficiente et moderne. Dans ce cadre, le CES a adopté une méthodologie de travail pour l’élaboration de ses avis et études qui se base d’une part, sur une bonne compréhension du sujet et des réalisations dans le domaine ainsi que sur la comparaison avec les expériences internationales pertinentes et, d’autre part, sur l’écoute des organismes qu’ils soient gouvernementaux ou non gouvernementaux concernés par le sujet ainsi que sur la concertation avec les différentes composantes et sensibilités de la société civile, aussi bien la société civile institutionnalisée que celle plus informelle des réseaux sociaux et des acteurs sociaux engagés sur le terrain. Les débats francs et constructifs entre les catégories qui composent le CES permettent ensuite de dégager les pistes de progrès et les recommandations avant qu’elles ne soient soumises au vote de l’assemblée générale du Conseil. Le Conseil a ainsi auditionné au titre de l’année 2011, au niveau de ses six commissions permanentes, 165 acteurs économiques et sociaux dont 70 organismes gouvernementaux et non gouvernementaux au titre de l’élaboration du rapport sur la nouvelle charte sociale. Les travaux du Conseil bénéficient également de la contribution d’autres Conseils économiques et sociaux dans le cadre de sa coopération internationale et des ateliers et séminaires qu’il organise, comme ils bénéficient des commentaires postés sur le forum citoyen du CES «Al MoubadaraLakoum». Les premiers travaux du CES se sont fortement inspirés de la feuille de route tracée par Sa Majesté le Roi lors de l’installation du Conseil, comme ils se sont appuyés sur la connaissance du terrain des membres du Conseil pour prendre en considération les attentes de la population. Comme vous le savez, le Maroc vit de multiples transitions sur les plans démographique, économique et culturel qui ont un impact profond sur la société. Pour accompagner ces changements, Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, a initié une véritable dynamique de réformes au cours des dernières années tant sur le plan politique que sur les plans économique et social. Cette dynamique a trouvé sa consécration dans la nouvelle Constitution qui dès son Préambule affirme les valeurs d’une société solidaire, permettant à ses citoyens de jouir de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale. De nombreux chantiers sont ouverts et l’ensemble des institutions du pays sont invitées à se mobiliser pour leur réussite et à participer ainsi au développement durable et au bien-être pour tous. Tout en soulignant les avancées réalisées dans de nombreux domaines, le CES a vocation, à travers ses travaux, à examiner et proposer ses recommandations aussi bien en matière de développement économique, de compétitivité ou d’innovation que d’amélioration du pouvoir d’achat, de réduction des disparités sociales et territoriales ou de protection sociale. Ainsi, les premiers travaux produits par le Conseil ont accordé la priorité à la Charte sociale objet de notre rencontre d’aujourd’hui. Ces travaux ont concerné également les domaines de l’emploi des jeunes, de la gouvernance des services publics, de l’inclusion des jeunes par la culture et de l’économie verte. Le Conseil économique et social a adopté à l’unanimité de ses membres, lors de sa 9e session tenue le 29 novembre 2011, son rapport intitulé « Pour une nouvelle charte sociale, des normes à respecter et des objectifs à contractualiser ». Apporter des réponses aux mutations que connaît le Maroc et développer la confiance en un avenir commun et sûr pour tous; bâtir une société de responsabilités partagées; renforcer les mécanismes de la participation et de la bonne gouvernance et développer le dialogue et l’engagement social et civique; consacrer les droits et principes opposables et œuvrer pour leur effectivité sont les objectifs essentiels de cette nouvelle Charte sociale. Pour cela, le CES propose une réponse dynamique, suffisamment flexible pour s’adapter à des réalités complexes et changeantes; une réponse qui met l’accent non pas sur des droits nouveaux, mais sur les droits opposables déjà convenus entre les acteurs de la société; une réponse qui tient compte des attentes de la population en ce qui concerne l’application effective de ces droits et le respect de l’autorité de la loi; une réponse qui cherche à mobiliser l’ensemble des parties prenantes et à les responsabiliser. La charte s’appuie sur un référentiel de droits et principes opposables accompagnés d’objectifs et d’indicateurs de suivi de la mise en œuvre du référentiel. Ce référentiel a donc un statut de grille d’analyse pour la conception, la mise en œuvre, l’évaluation et l’amélioration de l’ensemble des politiques sociales, publiques et privées, et pour la concertation, le dialogue social et le dialogue civil, la négociation et la conclusion de contrats collectifs qui concourent à la cohésion sociale et au développement durable du Maroc. Chaque droit, principe ou objectif du référentiel de la charte sociale a vocation à donner lieu à de grands contrats qui sont nécessaires pour impulser des partenariats entre les différents acteurs et faire émerger des projets concertés à la hauteur des défis économiques, sociaux, culturels et environnementaux. En conclusion, je formule le vœu que les présentations de cette rencontre puissent vous éclairer davantage sur les composantes de la Charte sociale proposée par le Conseil économique et social et que le débat permettra d’avoir votre feed-back sur les concepts utilisés et vos propositions sur la construction d’indicateurs de suivi pertinents et partagés et sur la mise en place d’évaluations régulières de l’effectivité des droits. De même, ces débats peuvent aider à arrêter les grands contrats sociaux sur lesquels il conviendrait de se pencher en priorité. Puisse cette première rencontre permettre au CES de développer ses relations institutionnelles avec le Parlement dans les domaines économique, social, culturel et environnemental ! Publié le : 27 Avril 2012 – SOURCE WEB Par Chakib Benmoussa, LE MATIN