JEUNES DANS 20 ANS QUEL SERA VOTRE MAROC ?
CONFERENCE DE L’ECONOMISTE: L’AMBITION DES ETUDIANTS PORTE PLUS SUR LE LONG QUE SUR LE COURT TERME RIEN A VOIR AVEC L’UNIVERS DES «DIPLOMES CHOMEURS» UNE GROSSE RESERVE D’ENERGIE CHEZ LES JEUNES DES UNIVERSITES A gauche Othmane Chbihi, directeur de la communication du Groupe Eco-Médias, expliquant aux étudiants qui est le groupe et pourquoi il a jugé utile d’investir sur deux énormes enquêtes, conduites par le bureau d’études Sunergia, pour déterminer les attentes des jeunes de 15 à 30 ans. Et pourquoi aussi L’Economiste a entamé une tournée sur tout le territoire, à la rencontre des jeunes d’aujourd’hui, et pour parler de leurs ambitions et de leurs déceptions Rien à voir avec l’image que l’on se fait du monde estudiantin ou plus exactement avec l’image qu’ont malencontreusement créée les diplômés chômeurs dans l’esprit des gens. Une malencontreuse image qui rend plus difficile l’insertion de leurs condisciples. Voile ou pas voile, barbe ou pas barbe, tout le monde est très soigné, dans la salle de conférence réservée à L’Economiste. Les filles sont maquillées avec soin et sans ostentation. Les étudiants de l’Université Mohammed V-Souissi savent ce qu’ils veulent. S’ils n’ont pas beaucoup de moyens matériels, ils y suppléent avec leur acharnement au travail et leur implication dans la réussite de la manifestation. Ils ont conscience de l’image propagée par les chômeurs et qui les handicape. Ils n’en ont pas moins chevillée au corps et au cœur, une énorme confiance dans l’avenir. La même confiance que les deux enquêtes de Sunergia pour L’Economiste a trouvée chez les jeunes, en 2005 comme en 2011. A noter qu’en 2011, l’enquête s’est déroulée avant, pendant et après le « M20 », Mouvement du 20 février, la version marocaine des printemps arabes. Un Maroc démocratique et rayonnant Les co-rédacteurs et analystes de l’enquête de 2011, Mouna Kadiri et Anouar Zyne ont proposé le thème de la rencontre du 18 février avec les étudiants: «Quel Maroc construisons-nous?». Ils n’ont donné qu’un petit quart d’heure à leur propre exposé. Le plus important pour eux était d’inter-réagir avec les étudiants de leur salle. Dehors, une vingtaine d’autres jeunes, chômeurs eux, entouraient en criant le ministre d’Etat Abdelftah Baha et le leader de l’USFP, El Yazri, ancien ministre d’Etat lui aussi. Contraste total entre les jeunes du dedans et ceux du dehors: quand les premiers se démènent pour attirer les employeurs, les autres se démènent pour… les repousser! Mais, bien sûr, ce sont les manifestants qui attirent les photographes… «S’ils croient que c’est comme ça qu’ils vont réussir» marmonne un étudiant, en désignant les contestataires, avant de retourner vers le débat d’idées et de projets. L’identité est importante pour eux. Les évolutions révélées par les deux enquêtes de L’Economiste-Sunergia, montrent un glissement de l’identité marocaine vers l’identité musulmane, comme facteur premier de l’«Identité» en tant que telle. « Alors, dans 20 ans, comment voyez-vous votre Maroc?» demandent les conférenciers. Zyne « chauffe » la salle, les idées fusent. Le PJD? «Un peu de ceci, un peu de cela, et ça ira»! Si les avis divergent entre cynisme, réalisme et idéalisme, ils rivalisent tous autour de la notion de patriotisme. Un jeune de 19 ans dit rêver d’un «Maroc sans corruption, sans lobbys qui décident avec ou sans le consentement du peuple». Un autre rêve d’un Maroc «puissance mondiale grâce aux réformes passées et celles à venir, mais surtout d’un Maroc qui aura retrouvé son intégrité territoriale». «Le rayonnement culturel du Maroc serait à la hauteur de ses talents» aussi. Le gouvernement Benkirane pourrait-il mener le pays vers de «radieux lendemains» ? Confronté au présent, l’espoir est plus timide, mais il est tout de même présent. «Je pense que ce gouvernement ne pourra pas changer radicalement la face du pays, mais j’espère et je pense qu’il pourra réaliser ne serait-ce qu’un petit pourcentage de chacun de ses objectifs», avance une jeune étudiante. Ainsi, le PJD pourra, aux yeux de nos jeunes, «résorber un peu le chômage, augmenter un peu les salaires et le pouvoir d’achat, augmenter la transparence et la bonne gouvernance. Peut-être pas tout, mais un peu de chaque, ce serait déjà une avancée». Le sujet ne les mobilise pas vraiment comme l’a fait l’échange sur le « Maroc dans 20 ans ». Les parents ? Ah, les parents ! On gère. Ils comprennent qu’il n’y a pas d’autre choix quand les conférenciers leur montrent que 86% des jeunes de leur âge vivent chez leurs parents et que dans les grandes villes, la part franchit les 90%. La recherche de la bénédiction des parents résiste donc à l’évolution des mœurs, et reste importante pour la majorité des jeunes. Dans la même lancée, les étudiants ont été questionnés sur leurs ambitions personnelles, «leurs projets étant ceux qui porteront le Maroc de demain». Les réactions les plus fréquentes après le tour de table étaient: «réalisation d’un projet propre», «travail dans une multinationale», ou «fonction libérale». La fonction publique semble être le plus impopulaire des choix de carrière chez nos jeunes. Certains se sont même érigés « contre ce système». Cette dernière conclusion, estime Anouar Zyne, révèle que «le Maroc d’aujourd’hui a le même potentiel que les USA des années 50 ou la Turquie d’il y a 15 ans». Pourtant, quelques minutes plus tôt et à quelques mètres de la conférence, un mouvement des diplômés chômeurs a réussi à se faufiler parmi les étudiants, et a organisé un sit-in pour réclamer leur intégration sans concours à la fonction publique. Convention insertion En marge du 2eme Forum Excellence, l’Université Mohammed V Souissi et l’Association des lauréats ont signé une convention afin de promouvoir l’insertion des jeunes diplômés dans le milieu professionnel. Et ce, à travers un dispositif d’encadrement. «Après analyse de leur situation, les lauréats qui sont prêts bénéficieront d’une médiation avec les entreprises, et ceux qui ont encore besoin de formation seront encadrés», explique Abdelkrim Zitouni, président d’ALED (Alliance des lauréats de l’université Mohammed V pour l’éducation et le développement). Le partenariat prévoit aussi l’organisation de séminaires et des colloques de recherche scientifique. Le diplôme, le privé et le français Pour les jeunes de la fac, le premier facteur de réussite, c’est les diplômes. Comme dans la dernière enquête Jeunes, où le diplôme est arrivé en tête, avant le «piston»; piston qui était vécu comme essentiel en 2005. Voilà une des raisons de la confiance des jeunes, estime Mouna Kadiri. Elle emploie le français dans sa conférence, en se demandant si cela n’allait pas provoquer des réactions négatives, après l’exposé mi-arabe mi-darija de Anouar Zyne. Non, pas du tout, alors que l’on est en pleine polémique sur l’arabisation des médias publics. Par manque de pratique, l’expression en français n’est pas très fluide et pourtant, ces jeunes y tiennent. Ils «s’accrochent», comme on dit. Pour eux, pas de doute : leur avenir est dans le privé, dans les entreprises commerciales. Parce qu’ils se sont débrouillés pour les faire venir au Forum, les étudiants connaissent mieux les entreprises que la poignée de manifestants qui crient non loin de la salle de conférence. Sur la langue française, l’explication viendra plus tard: «On sait bien que c’est la langue de l’intégration professionnelle et de l’ascenseur social. Déjà qu’on n’a pas l’anglais, alors on ne va pas lâcher le français». SOURCE WEB Par R.A. L’Economiste